La transition démocratique en Mauritanie à travers la revision constitutionnelle de 2012( Télécharger le fichier original )par Mohamed Sarr Université de Tunis El Manar - Mastère de recherche 2016 |
Paragraphe II : Opposition anti système : les acteurs en soloCette opposition est dite antisystème dans la mesure où elle considère le spectre du pouvoir politique comme un pré-carré dirigé par une élite homogène mêlant à la fois militaire, hommes politiques opportunistes et hommes d'affaires qui défendent d'arrache-pied le statu quo, pour cette opposition il faut que ça change. Nous avons l'AJD/MR de Ibrahima Moctar Sarr qui n'est pas loin à la marge, il est antisystème mais préfère passer par le système pour atteindre ses objectifs. Ce qui ne l'empêche pas de demander aux militaires de la transition en 2005 de rester plus de temps au pouvoir et de régler les problèmes dont ils sont impliqués au lieu de laisser cela au civil qui viendra, ni aussi de sceller un pacte temporaire avec le RFD de Ahmed Daddah pour aller dialoguer avec Aziz afin de pouvoir soutenir ou pas ce dernier, alors que le FNDD descendait sur le terrain pour se tenir face aux putschistes de 2008. Il peut aussi rejoindre la majorité présidentielle au parlement avec l'UPR de Aziz pendant que l'opposition « radicale » s'acharnait sur le pouvoir, l'AJD/MR va finalement quitter après un an de cohabitation, parce que le régime « tue ses enfants »42(*). Tout cela est possible avec Ibrahima Sarr, car pour lui l'important « n'est pas de gagner la présidence, car il sait qu'il en est très loin dans une Mauritanie comme celle-ci, mais c'est juste pour faire passer le message et il le pose à l'assemblée »43(*), Maintenant l'AJD/MR se dit être « berné » à chaque fois qu'ils sont dans des coalitions, préfère faire cavalier seul et ne sont ni dans le COD--FNDU44(*), ni dans la CAP. Les autres acteurs considérés comme antisystèmes sont Biram Dah Abeid (Biram) du PRAG et Samba Thiam du FPC45(*), qui sont différents de Ibrahima Sarr dans leurs situations et approches avec le régime. Ces deux leaders partagent quelques similarités, c'est que tous les deux dirigent des organisations qui sont dans une situation d'illégalité, ils veulent tous les deux « déconstruire le système » qu'ils qualifient de « système beïdane46(*) », le combat communautaire est leur cheval de bataille et sont considérés par leurs adversaires comme des « extrémistes radicaux ». Ces deux leaders sont, de facto, des acteurs et des leaders d'opinion dans le paysage politique du pays, même si leurs partis et mouvements sont, dans ce qu'appel Marchesin, le « para-légale », c'est-à-dire que les autorités ont refusé leur existence de jure, mais tolèrent leur existence de facto, ou ne parviennent pas à les éliminer de la scène politique du fait de leurs activités et des projets qu'ils portent et crient Urbi et orbi. En outre ils se voient éloignés de la position des acteurs de l'opposition anti régime et ont une perception, à la fois de l'opposition qui dialogue et de celle qui hésite à dialoguer avec le pouvoir, comme des leaders qui sont uniquement intéressés par « l'accès au pouvoir », « les conditions générales pour des élections transparentes », mais les problèmes de fond concernant le pays ne les intéressent pas, ils veulent juste que « le système change de visage ». Alors que pour eux, ce qu'il faut c'est un « changement radical » dans une Mauritanie « inégalitaire », il faut que le système change, c'est ça l'essentiel pour eux, résoudre le problème de l'unité nationale, à savoir « la question de l'esclavage » et celle de la « cohabitation » entre les différentes communautés du pays et non faire des dialogues qui portent sur « des questions superficiels ». Enfin, la chronique du jeu politique mauritanienne est la suivante--l'armée détient le pouvoir et l'opposition court derrière ce dernier sans pour autant l'obtenir. Les dissensions, conflits internes, absence de priorités communes, conflits de leadership... loin d'être des signes de pluralisme, sont les conditions qui déterminent l'interaction dans l'opposition politique, et cela en face d'un homme qui accorde peut d'intérêts aux compromis. * 42 Ibrahima Sarr fait allusion ici aux manifestations de touche pas à ma nationalité en 2012, il y'eut mort d'homme à Maghama dans une région du Sud de la Mauritanie et des activistes et étudiants torturé sévèrement pour avoir manifesté contre l'enrôlement. * 43 Source conférence de presse de l'AJD/MR du 08 Septembre 2015 * 44Voir Infra note 111. * 45 Ces deux partis existent de fait, mais leurs demandes de se constituer en parti politique a été refusé par les autorités administratives publiques * 46 Beïdane veut dire la communauté des Maures ou « Arabo-berbères ». |
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