Section 2 : Les atteintes directes sur le marché
secondaire (refinancement)
Le marché secondaire présente des
particularités et enjeux que ne présente pas le marché
primaire. En effet, les nécessités attachées à
l'existence d'un marché du refinancement liquide sont
d'intérêt général : face à la
dépréciation des créances, aux risques de contrepartie,
les banques ont tout intérêt à céder leurs
créances pour se débarrasser des risques et améliorer
leurs ratios. C'est cette forte présence de l'intérêt
général qui a justifié que le juge et les autorités
en général soient plus conciliants envers les atteintes
indirectes aux règles du monopole bancaire sur le marché
secondaire. Ainsi, l'activité de rachat de créances sur le
marché de la part de certains fonds non exemptés des
règles du monopole bancaire est tolérée. Cela n'est pas
à dire, néanmoins, que ces opérations soient
légales : elles sont tolérées en vertu d'un statuquo mais
présentent tout de même des risques juridiques de qualification.
Ce
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sont ces risques qui justifient qu'une extension des
exemptions intervienne, ou à tout le moins une refonte globale du
monopole bancaire.
s?
Cette première partie a été l'occasion de
mettre en lumière les besoins de la pratique en matière de
financement et les limites patentes de notre droit actuel en la matière.
Dès lors, les acteurs ont imaginé des stratégies de
contournement, directes ou indirectes. Mais le bât blesse en ce qu'elles
sont soit des techniques imparfaites, soit des techniques risquées.
Dès lors, ce sont des évolutions législatives qui sont
nécessaires. Le droit comparé nous enseigne que la conception
française des activités de crédit n'est pas
partagée par tous ses homologues européens et ce en vertu d'une
définition large des activités de crédit posée par
les premières directives bancaires européennes (notamment celle
de 1977). C'est justement de l'Union européenne que pourrait,
éventuellement, provenir le salut. L'Union, libérale par nature,
s'est très tôt élevée contre les monopoles en tout
genre en ce qu'ils représentaient une menace pour l'achèvement du
marché intérieur dans toutes ses dimensions (flux physiques et
financiers, flux humains). En matière de monopole bancaire, l'Union,
consciente des limites françaises, a porté des atteintes
successives à ce dernier, jusqu'en 2013, où elle a achevé,
du moins théoriquement, de le démanteler. Reste à voir si,
en pratique, cette libéralisation a bien eu lieu.
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DEUXIEME PARTIE :
LEGISLATION EUROPENNE ET TENTATIVE D'EMIETTEMENT
PROGRESSIF DU MONOPOLE BANCAIRE FRANÇAIS
L'Union européenne est par définition plus
libérale que l'Etat français ; que l'on en juge par son attitude
traditionnelle à l'égard des monopoles. Ainsi, cette
répulsion du monopole en général peut se retrouver dans
son attitude vis-à-vis du monopole bancaire français. En la
matière, les velléités de l'Union sont implicites mais
manifestes (Titre 1er). Cela l'a conduit à
multiplier les atteintes au monopole bancaire français par voie de
réformes successives (Titre 2), ce qui n'est pas sans
conséquences sur les contours du monopole bancaire français mais
aussi sur l'effectivité du marché intérieur de l'UE
(Titre 3).
TITRE 1: LA RATIO LEGIS DU DROIT DE
L'UNION EUROPENNE VIS-A-VIS DU MONOPOLE BANCAIRE FRANÇAIS : DES
VELLEITES IMPLICITES MAIS MANIFESTES
A la vérité, la recherche, par l'Union, d'une
libéralisation du crédit par le démantèlement des
monopoles bancaires nationaux (lorsqu'ils existent) poursuit une double
finalité. D'un point de vue microéconomique (Chapitre
1er) il s'agit de favoriser le financement des entreprises
et des particuliers ; d'un point de vue, cette fois, macroéconomique
(Chapitre 2), il s'agit plutôt de compléter,
d'achever, le marché intérieur en matière
financière.
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