CHAPITRE II : REVUE DE LITTERATURE SUR LA POLITIQUE
MONETAIRE
Ce chapitre traite non seulement les fondements
théoriques des premières réflexions relatives aux
retombées de la monnaie sur l'inflation mais aussi il cherche à
mettre dans la mesure du possible les auteurs en débat autour du
thème. En outre, il présente et analyse certaines études
empiriques déjà effectuées autour de la
problématique de la conduite de la politique monétaire eu
égard à la dimension inflationniste. Enfin, il tente d'expliquer
la raison pour laquelle la majeure partie de ces travaux ont eu recours au
modèle vectoriel autorégressif (VAR).
SECTION 1 : REVUE DE LITTÉRATURE THEORIQUE II.1.1-
les premiers balbutiements de la politique monétaire
L'idée d'étudier l'importance de la politique
monétaire dans l'économie et son impact sur le niveau
général des prix ne date pas d'aujourd'hui. En effet, bien avant
que l'économie politique ne se constitue en discipline autonome, ils
furent l'objet des réflexions économiques. Dès la fin du
XIXème et au cours du XXème siècle, certains auteurs comme
Irvin Fischer et Arthur C. Pigou se posèrent des questions relatives au
rôle de la monnaie dans l'économie. Ils
s'intéressèrent surtout à la relation entre la monnaie et
les prix.
Ce phénomène fut aussi un sujet d'étude
d'un intérêt tout à fait particulier à
l'école suédoise si bien que K. Wicksell26, le premier
qui a eu l'idée que l'inflation pourrait s'expliquer par la variation
des taux d'intérêt fixés par les banques, soulignait que
dans un régime monétaire de pure économie de crédit
; le taux d'intérêt monétaire et le taux
d'intérêt naturel peuvent
26 Knut Wicksell (1898): interests and prices,
cité par P. Guillot.
25
facilement se diverger en inflation et déflation
successives. De son côté, R. Cantillon27 (1755)
mentionnait, dans son essai sur la nature du commerce en général,
qu'une progression de la masse monétaire peut modifier les prix
relatifs. Ce phénomène est connu sous le nom d'« effet
Cantillon » et a servi à F. Hayek28 de piste de
réflexion lorsqu'il écrivait que toute émission
monétaire excessive va provoquer des déséquilibres entre
le marché de production et celui de la consommation, en dernier ressort
ceci va entraîner des crises. Donc, le libéralisme autrichien
s'est révélé l'un des premiers balbutiements du
monétarisme de l'ère moderne.
Toutefois, le concept « monétarisme » a
été prononcé pour la première fois par
Brunner29 en 1968, dans un article sur la politique
monétaire, pour expliquer une approche à trois dimensions :
« Premièrement, les impulsions monétaires sont
déterminantes dans la variation de la production, de l'emploi et des
prix. Deuxièmement, l'évolution de la masse monétaire est
l'indice le plus sûr pour mesurer les pulsations monétaires.
Troisièmement, les autorités monétaires peuvent
contrôler l'évolution de la masse monétaire au cours de
cycles économiques.»30
Toutefois, il a fallu attendre les années 1970
dominées par la doctrine monétariste où Milton Friedman
proférait que les causes de l'inflation sont d'origine monétaire.
Aussi accusait-il les autorités monétaires comme premiers
responsables des poussées inflationnistes.
En effet, cette théorie puise ses fondements de la
théorie quantitative d'Irvin Fisher (1896) où il démontra
que le niveau général des prix est tributaire de la
quantité de monnaie en circulation. D'où la formulation de
l'équation quantitative : MV = PT.
27 Richard CANTILLON (1680 ?-1734) : Economiste et
financier irlandais, il est un élément clé de
l'école autrichienne.
28 Friedrich hayek (1899-1992) : Economiste de
l'école autrichienne et prix nobel d'économie pour ses travaux
pionniers dans ans la théorie de la monnaie et des fluctuations
économiques et pour son analyse de l'interdépendance des
phénomènes économique, social et institutionnel.
29 Karl BRUNNER (1916-1989) : Economiste suisse
30 Cité par Yannick F. E. SIMON : Politique
monétaire et croissance économique en zone CEMAC : une
évaluation empirique en données de panel.
26
Il est indéniablement évident que les premiers
balbutiements de la théorie monétariste remontent longtemps avant
Friedman. Comment les économistes issus d'horizons divers dont ceux de
la nouvelle économie classique et F. Hayek l'ont-ils
apprécié ?
II.1.2- La pensée monétariste versus la
NEC et Hayek Friedman et la nouvelle économie
classique
Friedman soutient l'idée que les politiques
monétaires expansionnistes peuvent avoir un effet transitoire sur
l'activité économique et l'emploi. Les économistes de la
nouvelle économie classique (Lucas, Barro, Sargent, Wallace) reprennent
les mêmes hypothèses que les monétaristes (prix flexibles,
économie à l'équilibre, chômage naturel,
neutralité de la monnaie) mais se proposent de démontrer que la
monnaie est neutre même à court terme. Ils considèrent que
les politiques monétaires expansionnistes n'ont aucun effet sur la
production et ont des retombées inflationnistes immédiates parce
que ces politiques sont directement anticipées par les agents
(anticipations rationnelles). D'où la verticalité de la courbe de
Phillips à court terme. Tandis que la version originale de la courbe de
Phillips décrit une relation inverse entre le chômage et
l'inflation.
Friedman et Hayek
Les divergences entre Friedman et Hayek sont plus importantes
car elles portent sur deux axes fondamentales : l'analyse du rôle de la
monnaie et les recommandations en matière de politique
économique. Pour Friedman, la monnaie est neutre dans le long terme et
donc, n'a aucun effet sur la production dans le long terme. Contrairement,
Hayek est favorable à l'idée que la création
monétaire peut avoir des effets directs sur la production : elle
crée des distorsions en modifiant la structure des prix relatifs et
conduit à une allocation sous-optimale des ressources. Donc, elle aura
des effets sur l'activité économique. De ce fait, Hayek propose
d'enrayer la mission de
27
création monétaire à la Banque Centrale
qui doit être soumise aux lois du marché et il soutient le
système de change fixe. Par ailleurs, Friedman propose en matière
de conduite de la politique monétaire la règle du k%
c'est-à-dire la hausse de la masse monétaire doit être
corrélée avec la croissance économique réelle. En
outre il opte pour le système de change flexible.
II.1.3- la position des structuralistes
De nombreux auteurs - tels que Olivera (1964), Argry (1970),
Urquidi et Throp (1973), puis Wachter (1976) - rejettent
l'interprétation selon laquelle l'inflation serait d'origine
monétaire. Selon eux, l'inflation provient des contraintes structurelles
et des déséquilibres non monétaires. Ainsi les causes de
l'inflation ne seraient-elles pas issues des politiques monétaires ou
fiscales conduites par les autorités compétentes.
Cas de Sunkel
Sunkel31 (1971, 1973) abonde aussi dans le
même sens lorsqu'il écrivait que les causes de l'inflation dans
les pays en développement doivent être recherchées dans les
problèmes fondamentaux de développement économique et dans
les caractéristiques structurelles du système de production
notamment l'agriculture, le commerce extérieur et l'administration
publique. Elles sont caractérisées par des rigidités
institutionnelles qui propulsent la hausse des prix.
Pour étayer sa thèse, Sunkel rappelle que
l'offre des produits alimentaires est administrée dans le but de
protéger les agriculteurs. Donc, elle est incapable de satisfaire des
pressions sur la demande. Ensuite, les marchés ont
généralement une structure oligopolistique ou monopolistique, les
prix des biens et services sont donc fixés sur la base d'une marge de
profit
31 Cité par Dammak et
Boujelbène in déterminants de long terme et dynamique de court de
l'inflation en Tunisie
28
(mark-up). En outre, le panier d'importation des pays en voie
de développement se compose essentiellement de biens
intermédiaires et de biens d'équipements qui croissent plus vite
que les exportations : ceux-ci provoquent des déficits au niveau de la
balance des paiements. Enfin, ces pays souvent font face à des
problèmes de déficit d'épargne tant au niveau du secteur
public qu'au niveau du secteur privé. Ce dernier facteur alimente
davantage le déséquilibre de la balance des paiements.
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