SECTION 3 : CONCEPT D'INFLATION
I.3.1- Définition et mesure de l'inflation
Le terme inflation vient du latin « inflatio »
qui désigne une enflure, l'inflation est en fait la perte du
pouvoir d'achat de la monnaie matérialisée par la hausse du
niveau général des prix. En Haïti, on la mesure par le
pourcentage de variation de l'Indice des Prix à la Consommation (IPC) de
deux périodes. La compréhension du concept d'inflation
nécessite la maîtrise d'autres concepts fondamentaux.
14 Franco Modigliani (1971), « Monetary policy and
consumption » dans Consumer spending and monetary policy : the linkages,
Boston, Federal Reserve Bank of Boston, p. 9-84.
15 Modèle économétrique
construit par Franco Modigliani conjointement avec Albert Ando dont l'objectif
était de faire des prévisions dans les analyses
économiques.
18
I.3.2- Concepts clés à l'inflation
Le fait même d'étudier l'inflation nécessite
la compréhension de quelques concepts clés tels que :
o Déflation
C'est la baisse du niveau général des prix sur une
période suffisamment longue (plusieurs trimestres). Elle est
caractérisée par des taux d'inflation négatifs et est
associée à une érosion prolongée de
l'activité économique jointe à un niveau de chômage
élevé.
o Désinflation
P-A. SAMUELSON et W-D. NORDHAUS (1995)16 soulignent
que le terme « désinflation » est synonyme de la baisse du
taux d'inflation, elle correspond à une réduction du rythme de
hausse des prix.
o Stagflation
La stagflation consiste en la concomitance d'une croissance
faible voire négative, avec un niveau élevé d'inflation.
C'est-à-dire une stagnation de l'activité économique
jointe à une situation inflationniste. Cependant les causes de
l'inflation peuvent être très variées et on en retient
plusieurs sources.
I.3.3- Les principales formes et conséquences de
l'inflation
L'inflation a toujours été un problème
macroéconomique majeur, elle a été l'objet de grands
débats entre les économistes de différentes écoles.
C'est à juste titre que le professeur William J.
16 Cit op, p. 760.
19
BAUMOL17 l'a taxé de l'un des deux
fléaux de la macroéconomie. Ainsi John Kenneth GALBRAITH
abonde-t-il dans le même sens lorsqu'il écrivait : « rien ne
mine autant un gouvernement que l'inflation »18. Toutefois, les
discussions relatives à son origine et à ses différentes
formes sont très controversées ; on distingue plusieurs formes
d'inflation si on se réfère au rythme de croissance des prix et
aux origines du phénomène.
o Selon le rythme
On en distingue :
a. L'inflation galopante ou Hyperinflation
Selon le dictionnaire « Lexique d'économie
»19, l'inflation galopante est caractérisée par
une hausse des prix atteignant des taux annuels supérieurs à 6 %
dans certains pays industrialisés.
Elle se manifeste par une augmentation du taux d'inflation
dans des proportions spectaculaires occasionnant une destruction quasi totale
du pouvoir d'achat de la monnaie. Selon Philip Cagan (1956), une
économie est en situation d'hyperinflation lorsque les taux d'inflation
atteignent un niveau plus élevé que 50% par mois pendant au moins
un an.
En outre, non seulement les prix croissent rapidement mais
surtout la vitesse de circulation devient extrêmement rapide ; la masse
monétaire et le crédit prennent une allure exponentielle,
créant ainsi des fossés significatifs entre valeur réelle
et valeur nominale.
17 William J. BAUMOL et al. : William L. Baumol et al.
Macroéconomie (Principes et Politiques). Page 16.
18 Cité par William J. BAUMOL
19 Ahmed SILEM, Jean-Marie ALBERTINI et al. (2006) :
Lexique d'économie, 9ème édition, DALLOZ.
b. L'inflation latente ou larvée ou rampante
Selon le lexique d'économie20 de Jean-Marie
ALBERTINI, l'inflation rampante se caractérise par une augmentation
annuelle du taux d'inflation de manière modérée (moins de
3% l'an) et durable. L'inflation rampante ne s'avère pas une menace
inquiétante pour le progrès économique et social. Parfois,
elle peut même stimuler l'activité économique, en ce sens
que l'investissement en usines et en équipements
s'accélère car les prix augmentent plus vite que les coûts.
Par ailleurs, les particuliers, entreprises et organismes publics emprunteurs
se verront remboursés avec de l'argent ayant de moins en moins de
pouvoir d'achat.
B. RYELANDT (1970)21 dénonce le
caractère arbitraire de l''inflation rampante qui, selon lui, contraint
les agents économiques à vivre sans ajustement de leur pouvoir
d'achat.
c. l'inflation ouverte ou déclarée (« open
inflation »)
Elle est caractérisée par des taux d'inflation
variant environ de 3 à 6% l'an22. Ce phénomène
inflationniste est souvent déclaré avec tous les symptômes
correspondant à l'apparition des conséquences néfastes sur
l'environnement économique.
20
20 Ibid., page 19.
21 RYELANDT, B., L'inflation en pays
sous-développés, Mouton, Paris, 1970, p.47
22 Voir Jean-Marie ALBERTINI et Ahmed SILEM.
21
o Selon l'origine
L'inflation par les coûts
Elle est celle où la hausse des prix est issue
logiquement de l'augmentation autonome de divers coûts de production tels
que la hausse des salaires suite à une révision à la
hausse du niveau des salaires minimum tandis que la productivité des
travailleurs demeure la même.
P. A. Samuelson et W. D. Norhaus la définissent comme
étant l'inflation qui apparaisse à la suite de la hausse des
coûts au cours des périodes de chômages importants et
d'utilisation ralentie des ressources23.
L'inflation importée
Lorsqu'une économie est considérablement
dépendante de l'extérieur - à titre d'exemple la
nôtre où l'absorption domestique est de loin plus
élevée que le revenu national. De plus, avec un panier de la
ménagère composé essentiellement de biens de consommation
- les prix des biens nationaux sont fortement influencés par ceux du
reste du monde ; à cause de la hausse du coût des matières
premières et des biens de consommation dont la majeure partie provient
de l'extérieur.
L'inflation par la demande
L'inflation par la demande est caractérisée par
un déséquilibre entre l'offre de biens et services et les revenus
distribués.
BEZBAKH24 (2006) avance quatre raisons majeures qui
alimentent l'inflation par la demande :
23 P.A. Samuelson et W. Norhaus, Macroéconomie,
14ème éd, Nouveaux Horizons, Paris, 1995, p.840
24 . BERBAKH, P., Inflation et désinflation, La
Couverte, No. 48, Paris, 2006, p. 36.
a.
22
Le stockage d'une partie importante des stocks existant par
les chefs d'entreprise car ces derniers anticipent que les prix vont augmenter
dans un avenir assez proche. Ce processus raréfie l'offre
immédiatement disponible sur le marché ;
b. Des effets d'anticipations de hausse des prix de la part
des consommateurs les portent à intensifier leur demande pour
éviter d'acheter les biens à des prix plus élevé
dans le futur. Et ce, même par le biais d'une désépargne,
surtout si leurs dépôts génèrent très peu
d'intérêt.
c. La tendance des taux d'intérêt à
augmenter lorsque les consommateurs ou les entrepreneurs demandent davantage de
crédit pour augmenter leur capacité productive ;
d. Des dépenses d'installation d'équipements
nouveaux, qui vont accroître l'offre ultérieurement, font
augmenter dans l'immédiat les revenus distribués.
L'inflation budgétaire
Selon le lexique d'économie de Jean-Marie
ALBERTINI25, l'inflation budgétaire se caractérise par
la croissance des dépenses publiques occasionnant des déficits
budgétaires financés par la création de monnaie.
L'inflation par la monnaie
Les prémices de la théorie selon laquelle
l'inflation serait d'origine monétaire remontent du
XVIème siècle (au moment de l'avènement des
métaux précieux en Europe) quand la question du rapport entre le
niveau général des prix et la masse monétaire en
circulation a été placée au coeur de la
problématique économique.
Après le développement de maints travaux sur la
question, le mérite revient à l'économiste et
mathématicien américain Irving FISHER pour sa formulation moderne
de la théorie, il l'a
25 Voir la page 434.
23
formalisée ainsi : MV = PT, M représentant la
quantité de monnaie en circulation, P le niveau général
des prix, T le volume de production et V, vitesse de circulation de la monnaie
ou nombre de fois où une unité monétaire permet de
régler les transactions.
Dans l'hypothèse qu'à court terme, le nombre de
fois qu'une unité monétaire permet de régler
une transaction (V) et le volume de production
(T) restent constants, c'est-à-dire et , Milton FRIEDMAN
nous montre que toute augmentation de la masse monétaire se traduit par
une augmentation du niveau général des prix. En
conséquence, il a pu établir une relation causale entre inflation
et émission monétaire. D'où sa fameuse conclusion : «
l'inflation est toujours et partout un phénomène monétaire
». Les facteurs réels à l'origine de l'inflation des
coûts ou de la demande sont à ses yeux négligeables,
puisque seules les manipulations monétaires menées par les
gouvernements expliquent l'augmentation du niveau général des
prix et, par là même, la diminution du revenu national.
Pourquoi un tel intérêt est accordé à
l'étude de l'inflation ?
Conséquences de l'inflation
En tant que phénomène macroéconomique
majeur, l'inflation a des retombées sur différents aspects de la
réalité économique dont une redistribution de la richesse
et des revenus entre les classes sociales, des distorsions dans les prix
relatifs. En effet, l'inflation pénalise les créanciers, ainsi
que les détenteurs de monnaie en réduisant leur pouvoir d'achat,
elle réduit la capacité du pays à exporter. En outre, Les
agents économiques sont victimes d'illusion monétaire.
Par ailleurs, l'inflation favorise les débiteurs, elle
profite aux créanciers qui arrivent à se surprotéger
contre elle en pratiquant des taux d'intérêt variables. Elle
privilégie les détenteurs d'actifs par opposition aux
détenteurs de monnaie. Elle favorise les vendeurs de produits dont leur
demande est inélastique.
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