Les canaux de transmission de la politique monétaire
sont le parcours par lequel les impulsions de la politique monétaire se
répercutent sur l'activité économique, et plus
particulièrement sur le niveau des prix. Ils peuvent être
illustrés par le schéma ci-après :
Instruments ? Objectifs intermédiaires (cibles ou
piliers) ? Objectif(s) final(s).
10 Ibid., page 11.
11 C'est le taux d'intérêt
pratiqué par les banques de second rang lorsqu'elles font des
prêts entre elles.
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Les instruments peuvent varier d'un pays à l'autre car
certains peuvent tomber en désuétude : c'est le cas de
l'encadrement du crédit en Haïti. Toutefois, selon
Mishkin12 (1996), la littérature économique identifie
trois canaux essentiels de la politique monétaire : les taux
d'intérêt, le crédit et le prix des autres actifs dont le
taux de change et le cours des actions.
o Le canal des taux d'intérêt
Lorsqu'il est question de faire une analyse du comportement
de dépenses des agents économiques (ménages, entreprises
et Etat), on constate qu'une baisse non anticipée du taux
d'intérêt directeur dans une perspective de court terme peut
mettre en évidence trois effets :
- L'effet de substitution : les modifications
de taux d'intérêt portent les agents à revoir l'arbitrage
entre consommation immédiate et épargne. Une baisse de taux
diminue la valeur de la consommation future et incite à consommer
aujourd'hui puisque l'épargne devient moins intéressante et le
crédit moins cher. Selon l'effet de substitution, une baisse des taux
d'intérêt conduit à consommer davantage aujourd'hui au
détriment de l'épargne dans le futur.
- L'effet de revenu : une baisse de taux
entraîne une hausse de la valeur actualisée des dépenses de
consommation anticipées pour des périodes futures. Donc, la
consommation future est plus coûteuse, toutes choses égales par
ailleurs. Ainsi, les ménages préfèrent épargner
davantage et réduire leur consommation immédiate pour faire face
à cette situation dans le futur.
- L'effet de richesse : une baisse de taux
d'intérêt entraîne une hausse de la valeur actualisée
des revenus futurs des ménages. Cette augmentation s'applique au capital
humain, au capital physique et au capital financier. Ainsi, pour ce dernier,
les agents peuvent décider de vendre une partie du portefeuille de
titres pour obtenir davantage de biens et services. Ils consomment plus de
biens et services. En ce qui a trait aux effets sur l'investissement, une
baisse de taux entraîne
12 F. S. Mishkin (1996), « Les canaux de transmission
monétaire : leçons pour la politique monétaire »,
Bulletin de la Banque de France, mars. C. Bordes, « La politique
monétaire ».
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un coût d'usage du capital plus faible et donc une
augmentation de la profitabilité de la production et une offre
supérieure de biens ; une substitution du capital au travail. Ces deux
effets impliquent une hausse de l'investissement.
o Le canal du crédit
Les banques commerciales jouent un rôle
prépondérant dans le processus de financement de
l'activité économique en octroyant du crédit aux agents
économiques. Le crédit n'est autre que le point de suture entre
les secteurs monétaire et réel. Donc, les banques de second rang
s'avèrent très importantes dans la transmission de la politique
monétaire. En effet, de maints instruments de conduite de la politique
monétaire tendent à agir sur l'offre de crédit.
o Le canal du taux de change
Le taux de change joue rôle de plus en plus important
dans la transmission de la politique monétaire dû à
l'internationalisation croissante des économies. En effet, dans un
régime de change flexible, la variation du taux directeur est
susceptible d'induire des effets sur le taux de change. Toutes choses
étant égales par ailleurs, cette modification du taux de change
aura un impact sur l'économie réelle car les entreprises
nationales deviendront de moins en moins compétitives en cas
d'appréciation de la monnaie nationale ou de plus en plus
compétitives s'il s'agit d'une dépréciation de la monnaie
nationale.
o Le canal du cours des actions
Deux théories sont favorables à l'idée
selon laquelle le cours des actions constitue un canal de transmission de la
politique monétaire sur l'économie réelle :
Tout d'abord, J. Tobin (1969)13 a montré
par sa théorie, dite « q de Tobin » que la politique
monétaire affecte l'économie réelle par l'entremise de ses
effets sur la valorisation des actions. Le « q de Tobin » est le
rapport entre la valeur boursière des entreprises et le coût de
13 J. Tobin (1969), « A general equilibrium approach to
monetary theory », Journal of Money, Credit and Banking, feb. n°1, p.
15-29.
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renouvellement du capital. Un ratio élevé
signifie que la valeur boursière est élevée par rapport au
coût de renouvellement et les nouveaux investissements productifs sont
donc peu onéreux par rapport à la valeur boursière. Les
entreprises ont intérêt à émettre des actions afin
d'en obtenir à un prix élevé. Ainsi ce processus
conduit-il à une augmentation des dépenses d'investissement
(biens d'équipement) des entreprises par l'émission de nouvelles
actions. Donc, un relâchement des conditions monétaires (baisse du
taux directeur) entraîne une hausse du cours des actions (valeur
actualisée) ; ce qui conduit à une augmentation du coefficient
« q » et donc des dépenses d'investissement et entraîne
ipso facto des retombées positives sur la croissance de la
production.
Puis, F. Modigliani (1971)14 a montré, dans
son modèle MPS15, que le cours des actions agit par le biais
des effets de richesse sur la consommation. Les actions sont une composante
majeure du patrimoine financier, l'augmentation de leur cours accroît le
patrimoine financier, donc les ressources globales des consommateurs pendant
leur durée de vie, ce qui induit une augmentation de la consommation et
donc de la production.