II.2.2- cas d'Haïti
- Orisma L. (2007)38 a
porté l'attention sur les effets de politiques monétaires et les
incertitudes politiques sur l'inflation en Haïti. Du point de vue de
l'auteur, les incertitudes politiques et l'émission de monnaie
constitueraient deux grandes sources d'inflation dans l'économie
haïtienne et les politiques monétaires qui tenteraient de
réduire l'inflation ne faisaient que ralentir son rythme
d'accroissement. Pour réaliser l'étude, l'auteur a utilisé
plusieurs variables qu'il a divisées en deux groupes, d'une part les
instruments de politique monétaire comprenant les taux de
réserves obligatoires des banques privées (TRBP) et les taux de
réserves de la Banque Centrale (TRBC) et d'autre part les variables
économiques et autres qui sont l'inflation (DPIB)39, la masse
monétaire (M1), une variable dummy (D)40, et choc politique
(CP). Avec toutes ces variables l'auteur a fait des analyses
économétriques en mettant en évidence les changements
structurels,
38 Lonège OGISMA (2007) : Politique
monétaire, Crises politiques et inflation en Haïti.
39 Déflateur du PIB.
40La variable D prend la valeur de 1 sur tout le
segment ou le changement structurel est observé et 0 dans le cas
contraire.
37
en procédant à des analyses uni variées
des séries de base, a testé d'éventuelles relations de
cointégration des séries et a mené le test de
causalité au sens de Granger.
Dans le cadre empirique, l'auteur est arrivé à
la conclusion que durant la période considérée les
politiques monétaires de la Banque Centrale (BRIT) sont
caractérisées par des changements structurels qui ont eu lieu
à des moments importants de la vie économique du pays. Il a
divisé son travail en trois sous-périodes au cours desquelles son
modèle économétrique montre que les prix augmentent suite
à chaque choc politique pour ensuite stagner sur une période
relativement longue. Sur la première période (janvier 1983
à octobre 1988), Il a montré que le choc politique de 1986 et
l'émission de monnaie avaient fait augmenter l'inflation de 70 points et
74.4 points respectivement. Par contre, l'augmentation du TRBP avait fait
baisser le niveau général des prix de 20.2 points.
Pour la deuxième période (novembre 1988 à
décembre 1994), période dominée par le coup d'état
du 29 septembre 1991joint au blocus commercial, l'inflation n'a fait
qu'augmenter sur toute la période. Alors que les politiques
monétaires ne font baisser l'inflation que sur une période de
trois (3) mois et la baisse enregistrée est d'une moyenne de 1.4 point
et de 0.5 point pour le TRBP et pour le TRBC respectivement.
La troisième période (janvier 1995 à mars
2006) est caractérisée par la reprise de l'aide internationale
qui a été antérieurement gelée et la
création de l'instrument de bons BRIT qui sont très
utilisés. Alors, sur une période de moins d'un (1) an,
l'inflation passe d'une moyenne de 56% à une moyenne de 13%. Cependant,
les tensions politiques occasionnant l'incapacité des agents
économiques à prédire l'avenir économique sur la
période allant de 1994 à 2006 font augmenter l'inflation à
plusieurs reprises. Globalement, les incertitudes politiques font croître
l'inflation d'une moyenne de 160 points de base alors que les instruments de
politiques monétaires ne la font baisser que de 10 points de base. Dans
cette étude les facteurs influençant sur l'inflation sont la
croissance de la masse monétaire
38
et les chocs politiques. Toutefois les chocs politiques ont un
poids plus important que les instruments monétaires.
À présent, voyons s'il n'y a pas de
théories économiques rejetant l'idée selon laquelle
l'inflation serait issue des politiques monétaires comme le
prétend la théorie monétariste et comme le
démontrent les travaux empiriques précités. Ensuite nous
tenterons d'expliquer pourquoi nombreux sont les auteurs ayant eu recourt
à la modélisation VAR pour réaliser leur étude.
Ludmilla BUTEAU (2008), voulant
étudier l'impact de l'inflation sur le taux de change, a
démontré qu'un choc des prix a un incidence sur le taux de change
en tenant compte de la masse monétaire M2 et du taux directeur de la
Banque Centrale. Pour réaliser cette étude, L. BUTEAU a construit
un modèle vectoriel à correction d'erreur sur la période
1997-2007. En outre, elle a utilisé sur une base mensuelle les variables
: taux d'inflation (TXINF), masse monétaire (DMM2), taux de change
(DTXCH) et taux d'intérêt directeur (TXDIR). Ses résultats
indiquent qu'une hausse du taux d'inflation entraine une hausse du taux de
change (dépréciation de la monnaie locale), qui dure environ 7
mois. Par la suite compte tenu de la réaction des autorités
monétaires, l'effet tend à se dissiper et on observe une baisse
du taux de change (appréciation de la monnaie locale).
Annick Eudes JEAN-BAPTISTE (2008), pour sa
part, a utilisé un modèle vectoriel autorégressif standard
en vue de déterminer si la variation des prix en Haïti
dépend davantage de la variation des prix relatif ou de la
dépréciation du taux de change. Pour réaliser cette
étude, l'auteur a utilisé le logarithme népérien
des données mensuelles de l'Indice des Prix à la Consommation en
Haïti (IPCHT), aux Etats Unis (IPCUS), en République Dominicaine
(IPCRD), et le taux de change (TX) sur la période allant de janvier 2001
à avril 2007. Selon les conclusions de sa recherche, le taux de change
est la principale variable qui agit sur l'inflation en
39
Haïti. En effet, le taux de change explique les prix en
Haïti à hauteur de 6.16% en moyenne dès la troisième
période de prévision pour se stabiliser à 7.36%. Ce qui,
de l'avis de l'auteur, démontre que la transmission de l'inflation
s'opère à travers l'importation des biens, les anticipations de
dépréciation et les spéculations continues sur le taux de
change. En outre, il est constaté que les variations de prix en
Haïti sont plus sensibles aux changements de prix en République
Dominicaine qu'aux variations de l'IPC aux Etats Unis. Ce constat, selon
l'auteur, est le reflet de la proximité de la République
Dominicaine avec Haïti en matière d'échanges commerciaux.
Christine JUSTINVILLE (2008) a fait une
analyse empirique sur la période s'étalant d'octobre 1996
à avril 2006 pour identifier les déterminants de la
rigidité des prix à la consommation en Haïti. Dans sa
recherche, l'emphase a été mise sur l'importance de la
rigidité des prix dans la persistance de l'inflation en Haïti.
L'idée centrale de son document est que les prix à la
consommation sont rigides à la baisse. Selon l'auteur, cette
rigidité serait en grande partie causée par certaines frictions
du marché des biens et services (chocs sur l'offre et la demande), des
facteurs structurels (asymétrie d'information, absence de
régulation et de système de protection du consommateur
haïtien, inexistence des marchés concurrentiels), les anticipations
des agents et la consommation même du panier de consommation. Pour
réaliser ce travail de recherche, C. JUSTINVILLE a construit un VAR
structurel à l'aide des variables IPC, taux de change et M2. Au terme de
la construction de son modèle, l'auteur a conclu que les
rigidités à la baisse sont essentiellement issues des chocs
monétaires, et non des fluctuations du taux de change. Toutefois, de
l'avis de l'auteur, la lutte contre l'inflation ne devrait pas seulement
tourner autour de la stabilisation de la monnaie en circulation par la
manipulation d'instrument à court terme mais devrait s'articuler en
fonction du comportement de l'IPC, et de sa propension à la
rigidité.
40
CHAPITRE III : ANALYSE DE LA POLITIQUE MONETAIRE
CONDUITE EN HAÏTI DE 2000 A 2010
Ce chapitre se donne un double objectif, tout d'abord elle met
en relief la précarité de l'économie haïtienne au
cours de la période sous étude dans une dynamique de cadrage
macroéconomique : secteur réel, externe et fiscal. En effet,
l'analyse du cadre macroéconomique haïtien témoigne la
grande dépendance du pays vis-à-vis de l'extérieur.
Ensuite, il analyse la politique monétaire conduite en Haïti durant
la période sous étude.
SECTION 1 : PRESENTATION DU CADRE MACROECONOMIQUE AU
COURS DE LA DECENNIE 2000
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