XXXV. III-2. REFORMES LEGALES DE LA FORESTERIE AU
CAMEROUN
Les politiques d'exploitations forestières mises en
oeuvre par les administrations coloniales successives sont à l'origine
des problèmes empêchant les populations, l'économie
nationale et l'environnement de bénéficier des forêts du
Cameroun. Cette situation s'est accentuée après
l'indépendance, du fait d'un système d'influence et de
clientélisme dans lequel les ressources forestières sont devenues
l'une des monnaies d'échange du soutien politique.
Après la crise économique de 1985, le Cameroun a
sollicité d'urgence le soutien de la communauté internationale
pour l'aider à restaurer son équilibre macroéconomique,
ses secteurs productifs et sa croissance. Initialement le secteur forestier ne
fut pas considéré comme prioritaire par les responsables
politiques. Toutefois, une évaluation réalisée en 1988 par
le Plan d'Action sur les Forêts Tropicales (PAFT) a retenu l'attention
générale parce qu'elle révélait que la contribution
du secteur forestier à l'économie nationale, était
largement inférieure à son potentiel et que l'industrie
forestière était obsolète, peu rentable et
préjudiciable à l'environnement.
Cependant, comme relevé plus haut, les forêts
camerounaises faisaient partie d'un mode de fonctionnement politique
entièrement investi par la corruption et le clientélisme. C'est
dans ce contexte que sont nées les réformes du secteur forestier.
Rétrospectivement il apparaît qu'elles se sont appuyées
essentiellement sur trois piliers:
Ø La Loi de 1994 portant régime des forêts
;
Ø L'effet de levier économique ;
Ø Les synergies et rapprochements qui se sont
noués entre les partisans
XXXVI. III-2-1. Loi de 1994 portant
régime des forêts
La dévaluation du FCFA en 1994 a augmenté la
pression sur les forêts équatoriales. Après cette
dévaluation, les revenus del'exportation du bois ont doublé
tandis que les coûts de production de la foresterie n'ont
augmenté. Le bois du Cameroun est soudainement devenu beaucoup plus
concurrentiel sur le marché mondial et les marges
bénéficiaires pour les produits d'exportation ont sensiblement
augmenté. L'augmentation de la production du bois s'est
considérablement accélérée après la
dévaluation de 1994 : durant l'année fiscale 1994-1995, la
production de bois a augmenté de 34% par rapport à l'année
précédente. Les années suivantes également, la
récolte du bois a continué à croître. Outre la
production du bois, l'intensité de l'abattage par hectare a
également augmenté. Certaines essences de bois, dont
l'exploitation ne semblait pas intéressante auparavant, ont
également été abattues à partir de 1994. Un an
après la dévaluation, l'exportation des produits du bois avait
augmenté de 80 %. Le nombre d'entreprises forestières est
passé au cours de cette période de 194 (1994) à 351
(1995). Le monde des affaires a marqué le plus grand
intérêt pour l'exploitation forestière. Mais
l'intérêt des investisseurs étrangers a également
fortement augmenté après 1994. L'importance des activités
malaises et thaïlandaises dans la foresterie camerounaise est
particulièrement frappante.
Ces reformes constituaient le socle du projet de Loi portant
régime des forêts présenté à
l'Assemblée Nationale en 1994. Ce projet a introduit cinq
réformes fondamentales :
Ø Le domaine forestier a été
réparti en zones distinctes selon les types d'utilisations prioritaires
: forêts permanentes, y compris aires protégées,
forêts de production commerciale et forêts non
permanentes ;
Ø Des titres d'exploitation forestière à
long terme ont été attribués par le biais d'adjudications
publiques fondées sur des critères techniques et
financiers ;
Ø Les organes gouvernementaux ont été
réorganisés pour assurer la gestion des forêts (fonctions
de régulation et de contrôle). Les activités de production
ont été transférées aux concessionnaires et aux
forêts communautaires et communales ;
Ø Les sociétés privées qui
s'étaient vu accorder des concessions à long terme pour
l'exploitation des forêts permanentes de production, ont dû
élaborer et mettre en oeuvre des plans d'aménagement forestier
sous la supervision de l'administration chargée des
Forêts ;
Ø Les communautés locales et les communes ont pu
faire valoir leurs droits à gérer des forêts dans le cadre
d'une relation contractuelle avec l'administration.
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