§7. Un leadership retrouve
Ces derniers temps, nombre d'Etats membres ont voulu cantonner
le Secrétaire général dans un rôle de simple
gestionnaire des affaires onusiennes. Or, de par les dispositions des articles
97, 98 et 99 de la Charte, le Secrétaire
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général n'est pas seulement un chef
administratif, mais aussi et surtout un chef politique qui possède un
réel pouvoir d'initiative.
L'Article 98 lui donne un droit d'intervention devant les
organes délibérants de l'Organisation (Assemblée
générale, Conseil de sécurité, ECOSOC). L'Article
99 lui confère un droit d'initiative diplomatique de nature politique et
un pouvoir d'appréciation sur l'opportunité de porter ou non une
affaire devant le Conseil de sécurité, dispositions
délicates qui impliquent un jugement personnel et un choix politique,
mais qui permettent quand même de faire des suggestions.209 Ce
sont surtout les dispositions discrétionnaires de l'Article 99
reflétées par les expressions "à son avis" et "pourrait
mettre en danger" qui lui permettent de mener des actions préventives ou
anticipatrices.
C'est ici que doit ressortir pleinement le rôle et la
fonction du Secrétaire général: anticiper,
dénoncer, alerter. En effet, on attend du Secrétaire
général qu'il dénonce telle ou telle atteinte aux droits
de l'homme dans tel ou tel pays (quelles que soient les réprobations ou
les pressions des pays en cause), qu'il mette en garde contre les
conséquences de telle ou telle politique, qu'il dénonce les
signes avant-coureurs de tel ou tel conflit, qu'il souligne les insuffisances
de telle ou telle action.
En somme, comme l'a dit Javier Pérez de Cuellar, le
Secrétaire général est et doit être la "conscience"
de l'humanité toute entière: "c'est au nom des peuples que le
Secrétaire général doit plaider pour le
désarmement, la tolérance et la solidarité".210
En ce sens, c'est au Secrétaire général de promouvoir une
certaine éthique au niveau international et de se faire le
défenseur des plus démunis.
Ainsi, en se positionnant en tant qu'autorité morale,
le Secrétaire général a-t-il plus d'influence sur le
comportement des Etats, pour les encourager à respecter les engagements
qu'implique leur adhésion aux principes de la Charte des Nations Unies,
même si les résultats ne sont pas toujours visibles à court
terme.
Dans ce contexte, la fonction d'information -- on y revient
encore -- du Secrétaire général est primordiale.
L'information qu'il détient lui permet, en toute indépendance,
non seulement d'anticiper sur les événements à venir, mais
aussi de "médiatiser" un problème ou de proposer ou
suggérer telle ou telle solution.
209 L'Article 99 ne fut formellement invoqué que trois
fois: lors de la crise congolaise en juillet 1960 (Dag Hammarskjöld), au
cours de l'affaire des otages américains à Téhéran
en novembre 1979 (Kurt Waldheim) et concernant la situation au Liban en 1989
(Javier Pérez de Cuellar).
210 Javier Pérez de Cuellar, "Le rôle du
Secrétaire général des Nations Unies", Revue
générale de droit international public, 1985, n°2.
211 Boutros Boutros-Ghali, "Relever les nouveaux
défis", Rapport annuel sur l'activité de l'Organisation, 1995,
New York, Nations Unies, paragraphe 1006.
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Une action renforcée visant à exploiter les
avantages comparatifs du système des Nations Unies, un mode de
fonctionnement renouvelé et axé sur une éthique de travail
visant à l'accomplissement d'un projet collectif et à
l'instauration d'un leadership retrouvé au service de la
communauté internationale, telles sont, en toute modestie, les
orientations de réforme proposées ici.
En effet, "l'occasion s'offre [aujourd'hui] à nous
d'allier le processus de réforme [structurelle] en cours avec une
perspective d'ensemble ouverte sur l'avenir. A l'heure où l'Organisation
des Nations Unies atteint le demi-siècle, l'héritage de ses
fondateurs doit être notre source d'inspiration constante. (...) Agissant
de concert, nous pouvons réussir à incarner les impératifs
de la Charte dans le monde d'aujourd'hui."211
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