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La production littéraire tchadienne écrite d'expression française : essai d'analyse sociologique.

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par Robert MAMADI
Université de Ngaoundéré - Master ès Letrres 2010
  

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CONCLUSION GÉNÉRALE

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Ce travail sur la littérature tchadienne tel que mené s'inscrit dans une perspective nouvelle, celle de la sociologie de la littérature qui s'intéresse aux contextes, processus et acteurs de la production littéraire. Dubois (1978) a interrogé un certain nombre de structures, notamment les sphères de production, les fonctions de la littérature, les instances de production, etc. et est arrivé à la conclusion selon laquelle tout texte littéraire porte en lui les marques de son inscription dans la société. Fandio saisit la littérature comme le produit d'une société historique et développe les rapports de classes assimilés à l'institution littéraire qu'il définit comme « un ensemble des paramètres humains et matériels qui concourent à l'existence du livre littéraire» (Fandio, 2006 : 16). Pour ceux-ci, les moyens techniques et les capacités intellectuelles et morales des producteurs sont des paramètres importants dans le processus de création. En leur consacrant une étude minutieuse, nous avons trouvé ces éléments essentiels et « déterminants pour l'avènement de la littérature écrite » (Fandio, 2006 : 20).

La question de départ était de savoir ce qui a retardé l'institutionnalisation de la littérature au Tchad et ce qui est fait ou nécessite d'être fait pour corriger les erreurs du passé. D'emblée, le contexte sociopolitique instable est supposé être la cause du retard et la démocratie, celle du sursaut. Les résultats de cette recherche confirment ce postulat. La réussite de ce projet vient du fait que l'analyse est axée sur les notions de champ, d'institution et de production littéraires définies par P. Bourdieu, R. Escarpit et J. Dubois entre autres.

La connaissance des réalités sociopolitiques et économiques du Tchad a été et reste indispensable pour l'étude du fait littéraire. En effet, la succession non pacifique au pouvoir a engendré une instabilité politique. Dans un tel contexte, les champs économique, littéraire et culturel n'ont pas pu être bien organisés. Cependant, la solarisation, l'alphabétisation, l'ajustement structurel, l'avènement de la démocratie et le boom pétrolier ont favorisé la reconstruction de ces champs perturbés par les conflits armés. L'étude des contextes de production a permis de justifier l'apport d'autres disciplines dans le domaine littéraire pour faciliter la compréhension des faits comme l'atteste Michel Vincent, parlant du roman : « Le roman, carrefour de représentations ne peut non plus bien se comprendre sans faire appel aux sciences humaines f...] dont les acquis éclairent maints aspects du travail littéraire» (Vincent, 1994 :3)

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Aux termes de cette analyse, nous sommes arrivé à quelques résultats qu'il est nécessaire de présenter.

Le contexte politique est en perpétuelle mutation pour être une source de recherche en littérature. Des rois, des conquérants et des colonisateurs se sont partagé le Tchad avant les indépendances. Ces derniers ont laissé comme legs la langue française et la culture de l'écriture.

Parlant de la succession au pouvoir et son effet littéraire, nous avons trouvé que le premier président du Tchad, François Tombalbaye a lutté pour l'émancipation politique et économique du pays. Mais il a aussi été accusé de népotisme et de tribalisme. La dissolution du PPT-RDA a précédé à un programme culturel : le MNRSC. Plusieurs critiques et écrivains ont critiqué dans ce mouvement unitaire l'imposition du yondo comme pratique nationale obligatoire, les travaux forcés, l'emprisonnement des chrétiens et le changement de nom.

Après la première république, cinq dirigeants ont eu, chacun à son passif, quelques dérives qui n'ont pas échappé à la loupe des écrivains.

Le GROFAT a trouvé en Malloum la personne la mieux indiquée pour gérer les nombreux projets de l'État. Mais 12 février 1979, suite à un incident qui oppose les éléments de l'armée nationale à ceux de Habré, le Tchad sera plongé dans un chaos sociopolitique. Heureusement, avant l'accord de Lagos qui donne mandat à Goukouni de diriger le pays (18 aout 1979), Lol Mahamat Choua a été nommé par consensus président provisoire. De 1979 à 1982, la gestion de Goukouni n'a pas réussi à intégrer les factions rebelles dans l'armée nationale et leurs leaders le GUNT, comme prévu. Habré se retire en province et revient revendiquer avec succès le pouvoir le 07 juin 1982. Une paix morose et éphémère a précédé une dictature. Le tribalisme, la répression policière la redynamisation du parti unique, la guerre à répétition, etc. en ces temps ont été suffisamment critiqués par les écrivains. Le 1erdécembre 1990, Idriss Déby renverse Habré et instaure une gestion démocratique du pouvoir. Les auteurs ont critiqué à cette époque la répression, la gestion ethnico-religieuse de la fonction publique, l'insécurité et la dilapidation des biens publiques. Cependant, les résultats de l'enquête dévoilent que la liberté d'expression est un facteur émergent pour la littérature à cette époque. C'est cette stabilité politique qui a favorisé la mise sur pied d'une institution littéraire.

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Aux dénouements de l'étude du contexte socio-économique et culturel, il ressort que :

Au niveau social, il y a eu des crises parmi lesquelles la guerre et ses conséquences, l'analphabétisme, l'illettrisme et la corruption sont ciblés comme freins au développement de la littérature. La guerre est toujours liée à la prise de pouvoir au Tchad selon les sources documentaires consultées sur cette lutte armée. Les écrivains n'ont pas cessé de décrire ces guerres qui ont des conséquences néfastes sur l'économie du pays et sur le système éducatif. L'analphabétisme et l'illettrisme sont quelques-unes de leurs conséquences, n'étant pas de nature à favoriser la production et la consommation des oeuvres de l'esprit. La corruption est l'un des virus qui ralentissent le système sociopolitique. Elle est une autre conséquence des guerres civiles et des règnes claniques.

Au niveau économique, il a été question de mesurer l'enjeu de l'économie tchadienne sur la production littéraire. En 48 ans de production littéraire, une vingtaine d'auteurs seulement ont pu produire chacun au maximum deux oeuvres littéraires reconnues. Une raison probable de cette lenteur est que la situation économique aléatoire a retardé la création des instances de productions. Il a suffi que ce contexte de précarité soit « renforcé » par une crise économique inévitable pour que l'écriture d'oeuvres de fiction soit retardée au profit de la recherche du pain quotidien. L'exploitation du pétrole a remonté le niveau de l'économie nationale et a permis aux acteurs du livre de s'installer. D'une oeuvre en moyenne produite par an avant 2000, on est actuellement à quatre oeuvres en moyenne par an.

Au niveau culturel, il y a des réalités comme la diversité ethnique et la culture de l'oralité qui, au lieu d'être une richesse pour la production littéraire écrite, constituent des obstacles à celle-ci : La religion et les divisions administratives ont favorisé une division linguistique et idéologique. Le tribalisme et la discrimination ont découlé de cette séparation. L'école et la littérature ont intérêt à exploiter la diversité pour asseoir une paix durable. La culture de l'oralité, basée sur la transmission de bouche à oreille des informations ne peut pas résoudre ce problème. Les informations se perdent au cours du temps. Il est utile de les consigner sur papier pour leur sauvegarde. La démocratie est enfin de compte un facteur non négligeable pour la production et la consommation de la littérature. Elle lutte contre les antagonistes ethniques et religieux, tout en accordant la liberté d'expression qui a favorisé au Tchad la prolifération des discours critiques, littéraires et la naissance d'une société civile organisée.

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Quelques conditions encourageantes ont mérité d'être connues. Il s'agit des événements littéraires (rencontres, festivals, concours, associations et prix), des apports des expatriés et du niveau intellectuel acceptable des créateurs, etc. qui ont revigoré le champ littéraire. Par contre les difficultés liées aux langues nationales et étrangères, aux religions révélées et aux cultures hétéroclites constituent jusque-là des facteurs défavorables à la production littéraire. En ce qui concerne les difficultés linguistiques par exemple, la sous-scolarisation est l'une des causes de la faible production littéraire au Tchad, surtout que les langues d'écriture sont des langues étrangères. À propos, la scolarisation de masse est l'une des solutions à envisager. Salaka reconnaît à cet effet que « les littératures émergeantes posent le problème des rapports aux langues coloniales f...] La scolarisation a pour objectif d'amener le scolarisé à la maîtrise d'une langue qui n'est pas la langue maternelle» (Salaka, 2003 : 36). Malheureusement, la volonté d'apprentissage du français est minime chez certaines couches de la population tchadienne. Les milieux populaires ne connaissent qu'un accès marginal aux livres, pire encore à son écriture et à sa publication. La littérature doit surmonter ces obstacles pour prôner une culture nationale fondée sur les diversités linguistiques, religieuses et culturelles, gages d'une richesse littéraire certaine.

Les facteurs littéraires et historiques sont des atouts qui n'ont pas été oubliés dans cette analyse sociologique. Les européens ont porté un regard moins innocent sur les réalités sociopolitiques, économiques et culturelles des ex-colonies. Andrée Clair, Louis Courtek, Germain Chambost, Baudouin Chailley, Ivonne de Coppet et Michel Planchon, ayant, ayant vécu au Tchad, ont produit des oeuvres qui résument leurs séjours professionnels. Après eux, les jeunes écrivains tchadiens se sont donnés pour les concours littéraires organisés par des associations littéraires au niveau national et international. Deux revues (Carrefour et Tchad et Culture) et un magazine littéraire (Malt) ont mérité d'être cités pour leur apport à la production de la littérature.

En ce qui concerne les concours au niveau international, six textes bénéficiaires du prix de la meilleure nouvelle de langue française et quatre ayant encaissé d'autres prix en nouvelle ont été cités. Neuf pièces ont été primées au CTI et trois à l'occasion d'autres concours de théâtre. En poésie, cinq textes ont arraché des prix de renommée internationale. En mise en scène, quatre pièces ont eu des prix de mise en scène au niveau international. Au niveau du pays, il est fait mention de trois recueils de poèmes, huit pièces et huit nouvelles

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primés. Ces auteurs récompensés se sont inspirés des réalités politiques, historiques, socio-économiques et culturelles du Tchad.

Dans cette logique, l'étude a démontré que le niveau intellectuel des écrivains tchadiens est acceptable. Parmi les quatorze dramaturges analysés, il y a deux docteurs en dramaturgie et en économie, quatre professeurs de lycées, deux administrateurs licenciés en droit, trois comédiens et trois communicateurs. En nouvelle et autobiographie, il y a deux licenciés en droit, un en anglais, un en télécommunication et deux titulaires de BTS en bureautique et en communication.

Si les écrits des expatriés, les évènements littéraires et les associations ont été des atouts pour la production littéraire, il y a cependant les multiplicités linguistiques, religieuses et culturelles qui freinent l'épanouissement de la littérature.

Sur le plan politique, économique et socioculturel, le multilinguisme constitue un obstacle. Un bon programme politique et éducatif peut faire de sorte que la diversité linguistique soit une richesse. Le bilinguisme arabe-français est mal géré et chacune de ces deux langues représente, selon plusieurs personnes enquêtées, l'islam ou le christianisme au point où les locuteurs de l'une ne fournissent pas d'efforts pour apprendre l'autre. Le phénomène n'étant pas de nature à encourager la cohésion sociale et la consommation des oeuvres littéraires, un effort d'apprentissage et de vulgarisation est un atout. Contrairement au français utilisé par la moitié de la population nationale, l'arabe littéraire n'est parlé que par 10% de la population (selon le RGPH de 1993).

L'islam et le christianisme divisent le Tchad en groupes religieux et ethniques géographiquement antagonistes. Leur pratique crée un conflit social. Heureusement ils servent d'inspiration littéraire. L'étude a démontré que les littéraires ont une position très pointue contre l'intolérance et estiment instaurer son contraire par l'écriture.

Enfin, nous avons relevé le fait qu'il y a une multitude de cultures qu'on peut vulgariser, d'où le concept de culture nationale au service duquel la littérature doit être employée. Il n'est pas facile d'envisager une unité culturelle. Il suffit de délaisser les éléments culturels jugés désuets par la majorité des cultures nationales et accepter ceux considérés dignes de modèles par beaucoup des concitoyens.

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Les éléments qui ont retardé ou favorisé la mise en exercice du processus de production et de diffusion du livre littéraire tchadien dans tous ses genres sont désormais connus. Ce processus, son environnement et ses instances, suivies de leurs acteurs et de leurs moyens humains et techniques sont passé en revue. Malgré les quelques difficultés énumérées, il n'est pas impossible de redynamiser la chaîne du livre au Tchad. Les écrivains y occupent une situation particulière.

Cette étude a pris en compte 28 auteurs de renommée internationale (dont 51 de leurs oeuvres sont reconnues et lues par les personnes enquêtées). Au niveau national, 11 dramaturges, 14 nouvellistes et 4 poètes qui s'efforcent pour reverdir le champ littéraire tchadien ont également fait l'objet d'analyse dans ce travail. Le total fait 57 auteurs étudiés. En effet, les auteurs tchadiens sont soit des littéraires, juristes, économistes ou agronomes enseignants au lycée ou à l'université, soit des éditeurs, animateurs culturels, journalistes, comédiens, metteurs en scène, soit encore des administrateurs civils. Leur formation et leur profession, généralement en rapport avec la littérature, font d'eux des formateurs.

Il existe un nombre suffisant d'éditeurs et d'imprimeurs au niveau local. Seulement, tant que « les verres et les tasses des salons ne sont pas remplacés par des livres pour permettre aux enfants de lire dès le bas-âge» (Renaud Dinguemnaial, entretien réalisé le 09/08/2010), tant que « les lycées et les collèges ne sont pas dotés de bibliothèques garnies »(Ngartora Maryengué Marius, entretien réalisé le 29/04/2010) et tant que « les étudiants ne sont pas formés avec de bonnes bibliothèques » (La responsable du centre Al-Mouna, entretien du 27/07/2010), la production et le marché du livre littéraire vont toujours demeurer faibles. En conséquence, il serait difficile de s'installer en tant qu'auteur, éditeur ou imprimeur et prétendre gagner de l'argent en produisant ou en publiant des textes littéraires. Dès lors, la discussion franchit les limites de la production pour la consommation, une autre piste d'étude en sociologie de la littérature. Sur les 100 personnes enquêtées, les seules occasions indiquées pour la lecture sont les études des oeuvres aux programmes (25%) et le temps de vacances (25%). 25% d'enquêtés seulement prétendent lire à tout temps, 20% autres quand le livre parait et 5% lors de voyages (annexe 1, question 6). Il y a là un problème de réception ou d'habitude de lecteur.

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L'analyse sociologique des écrivains a consisté à les regrouper par genres littéraires. Dans toutes les formes d'expression, le statut des écrivains, les textes phares et les distinctions académiques et littéraires ont été passés en revue. Ce travail a permis de connaître des talents :

Six dramaturges de renom : M. Naindouba, B Moustapha, K. Lamko, P. Bebnoné, N. Djédanoum et N. N'Djékéry et une dizaine de dramaturges (enseignants, éditeurs, comédiens, metteurs en scène, journalistes, économistes, agents de développement, etc.) qui oeuvrent au niveau local pour reverdir le champ littéraire, dont les écrits ne bénéficient pas d'une réelle visibilité, sont découverts. La majorité de ceux-ci vivent à N'Djaména où ils exercent la profession d'écrivain comme activité seconde60.

Huit romanciers ont été repérés par les enquêtes et ont fait l'objet d'une étude. Deux d'entre eux vivent au pays où ils sont enseignants en économie et en agronomie. Il s'agit des docteurs A. Haggar et Mouimou Djékoré. Les autres, informaticiens, diplomates, docteurs en philosophie et dramaturgie, etc. vivent à l'extérieur du pays (surtout en France). Là aussi, l'écriture est une activité seconde pour eux.

Sept autobiographes s'arrachent la figure de star. Parmi eux, seuls le docteur Z.F. Khidir, vice-recteur de l'université de N'Djaména et Hinda Déby, l'épouse du président vivent au pays. Les autres sont soit morts, soit en exil.

Quatre nouvellistes de renom et quatorze jeunes qui s'exercent en nouvelle et répondent de temps en temps aux concours dudit genre au niveau du Tchad sont répertoriés

Cinq poètes ont une renommée internationale. Au niveau local, il y a de recueils inédits qui sont clamés par leurs auteurs, mais les recueils publiés des quatre poètes reverdissent le champ. Ceux-ci vivent à N'Djaména, au Tchad.

Des acteurs concernés par la production, l'étude a été consacrée aux éditeurs et imprimeurs et à leurs instances. C'est auprès de ces derniers que sont collectées les

60 Escarpit (1968) avoue qu'il faut considérer le second métier comme une solution acceptable mais qui ne peut absolument pas résoudre le problème de l'intégration du métier de lettres au système socio- économique.

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informations techniques sur la réalisation d'ouvrages. L'annexe 4 réservé aux personnes ressources enquêtées en donne quelques noms.

S'agissant des instances techniques, après une étude historique et fonctionnelle de l'édition et de l'imprimerie et quelques autres possibilités de publication comme l'internet (Open Access, Creatives Commons), l'étude a pris en compte l'existence des maisons d'édition en Europe et en Afrique, surtout celles qui ont ouvert leurs portes aux auteurs tchadiens. Bourdette et Taboye (2003) confirment le fait que la littérature tchadienne soit produite en majorité en Europe. Sur une centaine de titres recensés, seuls Koulsy, Koundja, et Moustapha ont produit quelques cinq oeuvres en Afrique, en dehors du Tchad. La majorité d'écrivains, à défaut des instances dynamiques au niveau national, ont choisi la France comme lieu d'édition. Le directeur des éditions Sao reconnaît ce fait et déclare:

Au départ, la littérature tchadienne était l'apanage d'une poignée d'écrivains qui, par la force des choses se sont retrouvés en Europe, surtout en France, où les conditions de production sont enviables. Au Tchad, l'instabilité politique et la crise sociale n'ont pas été favorables pour la réalisation d'un tel rêve. Aujourd'hui, il faut reconnaître que quelque chose a changé. Cette dernière décennie, nous avons à notre actif vingt-quatre oeuvres dans la collection littérature tchadienne. (Entretien avec L. Bao, le 26/04/ 2010, aux Éditions Sao)

L'étude sur les structures d'édition et d'impression au Tchad a permis de confirmer l'hypothèse selon laquelle les instances de production existent et méritent d'être encouragées, financées pour être dynamiques. Il y a un investissement humain et matériel appréciable : quatre maisons d'éditions (AL-Mouna, SAO, CEFOD, CNAR) et six imprimeries tchadiennes (IDT, AGB, GIT, Aubaine, Créative et IS). Selon les responsables de ces instances, l'apport de l'État dans leurs activités est toujours nul. Pourtant Escarpit, parlant du financement externe, qu'il développe en terme de mécénat (ou entretien des acteurs du livre par une personne ou une institution qui les protègent mais attendent d'eux, en retour, la satisfaction du besoin culturel) reconnaît que « tout au long des âges, le mécénat d'État s'est traduit par l'octroi de pensions plus ou moins régulières ou par l'attribution de fonctions officielles.» (Escarpit, 1968 :48). Ce « refus » de financement de l'activité littéraire peut faire l'objet d'une étude. C'est probablement ce manque d'attention de l'activité littéraire qui pousse les auteurs vers les pays qui accordent d'intérêt à la production, la consécration et la légitimation des

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oeuvres littéraires. Le mécénat, comme le déclare Escarpit, « rend possible l'intégration de l'écrivain a un cycle économique où il n'avait pas sa place, et donc de lui permettre d'exister et de produire,» (Escarpit 1968 :48). Il est souvent mis à son actif une influence généralement heureuse sur les lettres. A cet effet, un effort est à faire dans ce domaine par l'État.

La littérature tchadienne, malgré son immaturité est en voie de se constituer en champ autonome. Tous les acteurs et les composantes de la chaine du livre sont en place. L'objectif visé par eux est le degré d'autonomie de ce champ qui « peut se mesurer à l'aune de l'élasticité et ou de l'étroitesse de liens de dépendance qu'il entretient avec des champs concurrents dont le champ politique », comme l'estime Pascal Durand (Durand, in Fonkoua, 2001 : 12). Écrivains, éditeurs, imprimeurs, diffuseurs, libraires, bibliothécaires, etc. (pris individuellement ou collectivement, dans le champ littéraire ou en rapport avec d'autres champs - politique, économique, religieux ou culturel, etc.-) peuvent faire l'objet d'étude avec pour grille la sociologie de la littérature ou avec une autre méthode d'étude du fait littéraire. L'apprenant en sociologie de la littérature peut s'intéresser à l'étude comparée entre le champ littéraire et le champ politique ou culturel, à la question de génération d'écrivains, de diffusion ou de consommation, etc. de la littérature tchadienne écrite d'expression française. Il faut noter que ces pistes sont entre autres des possibilités d'élargissement du champ littéraire.

Cette étude, il est vrai, a permis de collecter un certain nombre d'informations jusqu'à la inédites, mais elle est pour ce grand domaine de l'institution de la littérature, une ébauche d'analyse qui vaut la peine d'être perpétuer.

GLOSSAIRE

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Acteur du livre : Toute personne qui contribue à la production ou la diffusion du livre.

Analyse sociologique : Une étude du fait littéraire par une démarche sociologique. Dans le présent travail, les enquêtes extensive et intensive menées sont des techniques de collecte des informations en sociologie, entendons la science qui étudie les faits de société.

Auteur : Producteur d'un texte écrit. Le mot « auteur » garantit la valeur juridique et concerne les rapports de propriétés, les droits d'auteurs. Le mot s'applique aujourd'hui à toute sorte de publication et se distingue de « écrivain » qui ne concerne que la littérature seule. Bibliographie : Ensemble de la production livresque d'une époque.

Chaine du livre : Processus qui va de l'écrivain au lecteur en passant par l'éditeur, l'imprimeur, le libraire, le bibliothécaire et bien d'autres acteurs du livre.

Champ littéraire : Réseau, ou configuration de relations objectives entre les positions. P. Bourdieu classe les classes sociales en champs politique, économique, culturel, littéraire, etc. A l'intérieur de ces domaines qui s'influencent et réclament, chacun, son autonomie, se trouvent les acteurs. Il a ses codes, ses valeurs et ses propres lois.

Création littéraire : Activité productrice de lettres, ensemble des produits oraux et écrits de cette activité. La littérature est création littéraire, en ce sens qu'elle invente des idées, des images, des personnages voire de mondes nouveaux.

Écriture : Terme qui renvoie à la littérature écrite, à l'action d'écrire des oeuvres littéraires. L'écriture est pour Barthes « une fonctions chargée d'exprimer le rapport entre la création et la société.

Écrivain : Producteur d'un texte littéraire. Le terme reçoit une autre appellation en fonction des genres littéraires. On parlera de dramaturge pour l'auteur de pièces de théâtre, nouvelliste (nouvelle), romancier (roman), autobiographe (autobiographie), poète (poésie), etc. À l'époque moderne, il désigne « l'auteur d'une oeuvre littéraire reconnue.» (Aron et al, 2002 :164).

Fait littéraire : La littéraire est un fait social et historique. Elle a une existence matérielle qui peut être un objet de savoir et de mémoire. Par ailleurs, elle est également création des faits présentés comme vrais ou comme imaginaires, et ceux-ci ont leur propre histoire.

Formes d'expression : Genres dans lesquels les écrivains produisent.

Institution littéraire : Notion qui recouvre bien plus que le concept de la vie littéraire. Selon Viala, « les institutions de la vie littéraire » ce sont les lois et les cadres sociaux de cette praxis, lesquels englobent à la fois les structures de production, de distribution du texte

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littéraire et les différentes instances de légitimation qui existent dans la société. Le Dictionnaire international des termes littéraires définit l'institution comme un ensemble des structures organisées tendant à se perpétuer dans chaque secteur de l'activité sociale.

Littérature nationale : Ensemble de traits thématiques et linguistiques qui permettent de rattacher un corpus d'oeuvres et de pratiques à un groupe ou une communauté historiquement et politiquement constituée.

Livre littéraire : Après moult définitions du mot livre, Escarpit affirme qu' « il a pour but la multiplication de la parole en même temps que sa conservation» (Escarpit, 1968 : 18). Selon lui, le livre est « le mode de circulation le plus commode et le plus efficace de la pensée et de l'art» (Escarpit, 1972 : 58) Le livre est littéraire quand il « n'est pas un outil mais une fin en soi» (Escarpit, 1968: 21)

Genres littéraires : cadres littéraires légués par la tradition et qui ont l'avantage de bien mettre en valeur une inspiration dominante déterminée.

Prix littéraire: Récompenses au niveau international et national des producteurs des textes littéraires de qualité excellente. Cette reconnaissance dans le cas d'espèce a stimulé la créativité littéraire.

Production littéraire : Ensemble des oeuvres ou des ouvrages produits par un groupe (finalité ou produit) ; processus de réalisation d'oeuvres littéraires. Elle suit un schéma régulier presque connu de tous : un créateur appelé auteur propose un texte, fruit de son imagination ou de son expérience sociale à un éditeur qui en juge la qualité en fonction des attentes d'un public consommateur appelé lecteur et le met sur le marché pour le bénéfice et le plaisir de celui-ci. Elle est le fait d'une population d'écrivains.

Sociologie de la littérature : Branche de la sociologie qui s'intéresse aux faits littéraires, en essayant de les lier aux contextes sociopolitique, économique et culturel du milieu de l'écrivain. Etudier les rapports que la littérature entretient avec les instances de production et de légitimation est une de ses préoccupations. Elle applique les méthodes de la sociologie à la production, à la diffusion, à l'institution littéraire, aux groupes professionnels tels qu'écrivains, professeurs ou critiques, en un mot à tout ce qui, dans la littérature, n'est pas le texte lui-même. Elle est considérée comme une des méthodes des sciences de la littérature, méthode critique tournée vers le texte, et vers la signification de celui-ci.

Visibilité : Connaissance, dans ce travail, des faits littéraires par les lecteurs, surtout ceux qui ont été enquêtés. Opposé de l'appellation nihiliste de « vacuité ».

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ANNEXES

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"Soit réservé sans ostentation pour éviter de t'attirer l'incompréhension haineuse des ignorants"   Pythagore