2.2.1. Les autobiographes : statut, grandes figures et
oeuvres représentatives
Le résultat des recherches présentent sept
autobiographes parmi lesquels Joseph Brahim Seid et Hinda Deby Itno (annexe 1,
question 18) trouvent leur place.
L'Enfant du Tchad, signé du premier aux
éditions Segerep, en 1962, est la première oeuvre
autobiographique, mais introuvable. Elle est connue à 10%. Rappelons
cependant que Joseph Brahim Seid est une grande figure de la littérature
tchadienne. Il est l'un des premiers
131
écrivains tchadiens avec Au Tchad sous les
étoiles.41 De Fort Lamy au Caire en passant par
Brazzaville, il finit ses études secondaires et obtient en 1949 le
Baccalauréat. Arrivé en France, il finit une licence en droit en
1955 et prépare un brevet de l'École Nationale de la France
d'Outre-Mer. Il termine ses études en France avec une thèse de
doctorat en droit. Il a travaillé au Tchad comme magistrat avant
d'être nommé ambassadeur puis ministre de la justice. J.B. Seid a
résidé à N'Djaména.
Hinda Deby Itno a été classée parmi les
autobiographes tchadiens après la publication de La Main sur le
coeur, en 200842. L'oeuvre est moins connue et lue par les
enquêtés : 5%. Après un Bac D au Lycée
Sacré-Coeur, à N'Djaména, en 1999, Hinda a
étudié la finance et la comptabilité à l'Institut
du Génie Appliqué de Rabat, au Maroc en 2003. Elle est titulaire
d'un BTS en finance et banque obtenu à l'Institut d'Administration et
des Études commerciales à Lomé, au Togo (en 2001). Hinda a
effectué des stages à la BEAC. C'est en 2003 qu'elle est
nommée chef comptable au ministère de la santé. En 2005,
elle épouse Idriss Deby Itno.
Les cinq autres autobiographes reconnus sont Zakaria Fadoul
Khidir, Antoine Bangui, Mahamat Hassan Abakar, Michel N'Gangbet Kosnaye et
Ahmed Kotoko.
Zakaria Fadoul Khidir est une grande figure de
l'autobiographie tchadienne. 75% des enquêtés reconnaissent avoir
lu Loin de moi-même43 et 5% Les Moments
difficiles (dans les prisons d'Hissène Habré en
198944) contre 20% qui ont juste entendu parler.
Prisonnier de Tombalbaye45 d'Antoine
Bangui a été lu par 70% des enquêtés, 15% estiment
avoir lu Les Ombres de Kôh (Paris, Hatier, 1983, Collection
Monde noir, Poche). 15% n'ont pas du tout lu. Signalons qu'il est l'auteur de
Tchad, Elections sous contrôle, 19961997 (Paris, L'Harmattan,
1999).
41 Paris, Présence africaine, 1962
42 Madrid-Paris-New-York, les éditions
continentales, collection « Femmes d'excellence ».
43 Paris, L'Harmattan, 1989
44 Paris, Sépia, 1998
45 Paris, Hatier, 1980, collection Monde noir,
Poche
132
Mahamat Hassan Abakar, l'auteur d'Un Tchadien à
l'aventure (Paris, L'Harmattan, 1992) est aussi une figure
représentative. Ce texte est lu par 20% des enquêtés. En
matière d'ouvrages et d'articles, cet auteur n'est pas le dernier.
Michel N'Gangbet Kosnaye avec Tribulation d'un jeune tchadien
(Paris, L'Harmattan, 1993) a gagné une popularité. 15% de
nos enquêtés reconnaissent avoir lu cette autobiographie.
Enfin, Ahmed Kotoko a produit Le Destin de Hamaï ou le
long chemin vers l'indépendance du Tchad (Paris, L'Harmattan,
collection Mémoires africaines, 1989) qui est reconnue et lue par 10% de
nos enquêtés.
Le tableau suivant récapitule les textes autobiographiques
de ces sept auteurs
N°
|
Auteurs
|
OEuvres
|
Pourcentage
|
Achat
|
Visibilité
|
Lecture
|
1
|
Joseph Brahim Seid
|
L'Enfant du Tchad
|
|
10
|
|
|
Hinda Déby Itno
|
La Main sur le coeur
|
5
|
5
|
|
|
Zakaria Fadoul
Khidir.
|
Loin de moi-même
|
|
75
|
75
|
2
|
Les Moments difficiles
|
|
5
|
5
|
3
|
Antoine Bangui
|
Prisonnier de
Tombalbaye
|
15
|
70
|
70
|
4
|
Les Ombres de Kôh
|
|
15
|
15
|
5
|
M. Hassan Abakar
|
Un Tchadien à l'aventure
|
|
20
|
20
|
6
|
Michel
N'Gangbet Kosnaye
|
Tribulation d'un jeune
tchadien
|
|
15
|
15
|
7
|
Ahmed Kotoko
|
Le Destin de Hamaï
|
|
10
|
10
|
Tableau III : Les autobiographes de renom suivis de
leurs oeuvres représentatives
Ces autobiographies, comme nous les constatons, ont
été éditées à Paris. Au niveau du Tchad, les
écrivains sont tournés beaucoup vers la poésie, la
nouvelle et le théâtre (peut-être à cause des
éventuels et sporadiques prix attribués aux lauréats de
ces genres).
133
2.2.2. Les autobiographes : la situation professionnelle
et lieu de résidence : effet littéraire
Zakaria Fadoul Khidir a enseigné au LFE et à
l'INSH, avant d'occuper le poste de Vice-recteur de l'université de
N'Djaména. Parallèlement, il enseigne la linguistique à la
faculté des lettres.
Antoine Bangui a enseigné les mathématiques
à Bangui en Centrafrique et à Bongor au Tchad entre 1957 et 1960.
De là à 1972, il est resté pendant dix ans directeur de
cabinet au ministère de l'éducation nationale. Il a
été plusieurs fois ministre et ambassadeur du Tchad. Il vit
depuis 1999 en France, étant chef d'un parti politique : MORENAT.
Après s'être rendu indésirable aux yeux du premier
président tchadien, il a travaillé à l'UNESCO entre
19811993.
Mahamat Hassan Abakar, de son retour au Tchad, après
ses études en France, a occupé de 1983 à 1989 les postes
de conseiller à la cour suprême, de procureur de la
république, de président du tribunal de première instance,
de conseiller à la cour spéciale de justice et de premier
substitut du procureur général de la république du Tchad.
Il a été, en 1990, le président de la commission
d'enquête nationale du ministère tchadien de la justice sur les
« crimes et détournements de l'ex-président Habré et
de ses complices ».
Michel N'Gangbet Kosnaye fut plusieurs fois ministre sous le
règne de Tombalbaye. Exilé sous Habré, il rentre en 1987
et occupe des postes de responsabilité à l'UDEAC. Il fonde en
1993 un bureau d'études pour la promotion économique et sociale
à N'Djaména et décède en juillet 2001.
Ahmet Kotoko a occupé des postes ministériels
sous la première République. Il a été ministre de
l'éducation nationale et des finances de 1959 à 1961.
Renvoyé "persona non grata" par Tombalbaye, il a exercé comme
chargé des affaires à l'ambassade du Cameroun à Djeddah en
Arabie Saoudite de 1966 à 1972. Il meurt à Kousseri, au Cameroun,
le 07 octobre 1988.
134
2.3 Les nouvellistes
2.3.1 Les nouvellistes : statuts, figures et oeuvres
représentatives
Les enquêtes présentent quatre noms
représentés chacun par au moins deux titres. Il s'agit de N. N.
N'Djékéry, Baba Moustapha, K. Lamko et M. Naindouba (annexe 1,
question 19). Ce genre est important en quantité après le
théâtre malgré le nombre négligeable d'auteurs.
Ceux-ci sont, au niveau du Tchad, (puisque deux sont morts, un au Burkina Faso
et l'autre en Suisse), suivis par quelques nouvellistes amateurs. Des instances
de légitimation ont oeuvré pour rendre ce genre abondant.
Noël Nétonon N'Djékéry est la grande
figure qui a des textes représentatifs, très populaires. En
réalité, Maoundoé Naindouba est le plus ancien, le premier
à écrire une nouvelle au Tchad, mais ses oeuvres La double
détresse et La lèpre, connues respectivement
à 10% et 5% sont introuvables. Les talents de N'Djékéry
sont confirmés par RFI avec ses prix de la meilleure nouvelle de la
langue française : Les Trouvailles de Bemba (5eprix
du 3e concours), La Descente aux enfers (Grand Prix du 7e
concours), La Carte du parti (6e prix du 8e concours)
etc.
La Descente aux enfers (Paris, Hatier, 1982) est
l'oeuvre qui consacre davantage le nouvelliste. 55% des enquêtés
la reconnaissent comme l'oeuvre phare de N. N. N'Djékéry, suivie
de Les Trouvailles de Bemba (10%) et La Carte du parti (5%).
La Descente aux enfers, selon les termes de Bourdette-Donon «
peint la chute sociale et morale d'un petit commerçant qui perd peu
à peu ses biens, son épouse et sa vie »
(Bourdette-Donon, 2003 : 224). C'est dans un cadre villageois,
Bémoundou, où l'imposition de la culture du coton et l'abus
d'autorité des militaires font peur à la population que Bemba
fait ses trouvailles. La dénonciation du parti unique se fait
ouvertement dans La Carte du parti. N'Djékéry oppose les
vieux dictateurs, cupides et jaloux à la jeune génération
représentée par Belembaye et son épouse, formés en
Europe et pleins de force pour servir l'Etat. « Si le blé ne meurt,
il ne peut sortir de terre » disent les chrétiens.
N'Djékéry a semé l'engagement.
Baba Moustapha est reconnu nouvelliste grâce à
La Couture de Paris, reconnue à 35% par nos enquêtes et
Sortilèges dans les ténèbres, à 15%.
La Couture de Paris est une critique de la civilisation sans base, de
la modernité, du développement à une vitesse
imposée par l'extérieur. Sortilèges dans les
ténèbres est introuvable.
Le talent de nouvelliste du dramaturge de Koulsy Lamko est
reconnu grâce à Le Regard dans une larme : 25%,
Aurore : 10% et Un Cadavre sur l'épaule à
5%.
135
À partir de cette analyse, nous pouvons avoir le tableau
suivant :
N°
|
Auteurs
|
OEuvres
|
Pourcentage
|
Achat
|
Visibilité
|
Lecture
|
1
|
N. N. N'Djékéry,
|
La Descente aux enfers
|
25
|
55
|
35
|
Les Trouvailles
|
|
10
|
5
|
La Carte du parti
|
10
|
5
|
5
|
2
|
Baba Moustapha,
|
La Couture de Paris
|
10
|
35
|
10
|
Sortilèges
|
|
15
|
|
3
|
K. Lamko
|
Le Regard dans une
larme
|
|
25
|
|
Aurore
|
|
10
|
|
Un Cadavre sur l'épaule
|
|
5
|
|
4
|
M. Naindouba
|
La double détresse
|
|
10
|
|
La lèpre
|
|
5
|
5
|
Tableau IV : Les nouvellistes de renom suivis de leurs
oeuvres représentatives
Faisant la lecture critique de toutes ces nouvelles, Taboye
affirme qu'elles dénoncent soit la guerre civile (La Descente aux
enfers), soit la politique (La Carte du parti) et le
sous-développement (La Couture de Paris), soit encore les
méfaits de la colonisation (Les Trouvailles de Bemba).
La situation professionnelle et le lieu de résidence de
ces nouvellistes, qui sont en même temps des dramaturges ont fait l'objet
d'une étude dans la première partie de ce chapitre,
réservée à la dramaturgie.
Au Tchad, quatorze nouvellistes sont recensés : Abakar
Adam Abbaye a écrit Ma mère ; Dinguemnaial Renaud est
l'auteur de Mère pleure (1996) ; Les Yeux de lynx
(1997), Un Corps blanc comme (1997), Visage sans-coeur
(1998) et Au pays de grand-père (parue in Tchad au
coeur, RLP, N'Djaména, 1998) ; Djédouboum Saloum a
signé Le Clochard de Kabalaye (1993), Épitre
posthume (1994) et Rupture (1995). Djékorédom Nabam
Koopa publie La porte bleue en 1994. En 1997, Djimet Kari écrit
Jeunesse africaine, porte ton deuil. La même
année paraît Exilé de Djimong Kodibaye Franck (in
Encres encrés, SBL, N'Djaména). El Katib Abdou a écrit
Mari et femme, Le Bonheur chez soi, et Enfin libre
en 1993 ; Le Bac en 1994, Le Choix de Kadi et
Souvenir indélébile en 1997. La même année
paraît Le Devoir d'aîné de famille (RLP,
N'Djaména) de Hourmadji Moussa Doumgor. Kodibaye Patrick est l'auteur de
Ceux qui n'ont droit qu'à l'enfer (1992), Le trésor
(1996) et Tchad au coeur, en 1998 (in Tchad au coeur,
RLP, N'Djaména). Dans ce collectif paraît également
Samara de Faigou Nafée Nelly. Palouma Zilhoubé, la
deuxième femme, produit
136
L'Enfant rebelle (in Nouvelle du Tchad,
PACT, N'Djaména) en 1994. Saleh Adoum Nguérébaye a
à son actif Shimkiri (in Tchad et Culture, n°
104-107 du 11/77 au 02/78). Samafou a écrit La
N'djaménoise, Kamingdi et Vangdar Dorsouma Ismaël,
Amour ou cauchemar ; Le mystère d'un nom ; Les
yeux ; Qui aurait cru ?etc.
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