1.2 L'analphabétisme et l'illettrisme
La situation du système éducatif demeure
critique, un siècle après l'implantation de la première
école française, à Mao, au Nord du Tchad (1911) alors que
« l'éducation est l'un des secteurs prioritaires auxquels le
gouvernement accorde une grande importance » (Bandoumal, in
Collectif, 2002 : 142). Cette situation joue à la fois contre le
développement économique, contre l'accès du plus grand
nombre de la population aux opportunités des revenus et contre sa
participation effective à la gestion du développement comme
l'estime Bérilingar Dathol Antoine (Bérilingar, in Collectif,
2002 : 142). À la base de cette crise, nous avons
l'analphabétisme et l'illettrisme. Dans les pays
développés, la scolarisation obligatoire s'est étendue
à l'ensemble de la population depuis près d'un siècle. Au
Tchad, la solarisation est encore un luxe, il y a des gens qui n'ont jamais
été à l'école, d'autres y partent mais ressortent
sitôt pour apprendre un métier, d'autres encore refusent
l'école occidentale sous toutes ses formes, à cause d'une
certaine confession religieuse qu'ils estiment incompatible avec l'école
française qui véhiculerait les valeurs chrétiennes.
Les premiers sont analphabètes. Sont
considérés comme tels ceux qui ne savent ni lire ni
écrire, ceux qui ne connaissent pas l'alphabet parce qu'ils ne l'ont
jamais appris. Ceux-ci sont nombreux en zone rurale. C'est une des
caractéristiques des pays pauvres. Des villages et les cantons sont
encore sans écoles ou sont dotés d'écoles sans
instituteurs.
Les seconds, ceux qui abandonnent tôt l'école
seront illettrés, incapables de lire une petite annonce publicitaire ou
une quelconque directive avec l'âge. En 1984, en France, un rapport
officiel adressé au premier ministre intitulé « Des
illettrés en France » révèle qu' « un nombre
important de(s) personnes francophones, ayant été
scolarisés, ont des sérieuses difficultés avec la langue
écrite au point d'être incapables de comprendre un simple
exposé de faits en rapport avec la vie quotidienne»
(Esperendieu, in Fourier, 2000 : 42). L'illettrisme apparaît sous
diverses formes, mais on utilise ce terme pour designer « les
personnes qui, malgré un passage par l'instruction scolaire, sont
démunies face à l'écrit » (Fourier, 2000 : 42).
L'illettrisme tout comme l'analphabétisme est un obstacle à la
productivité littéraire et économique, un facteur
obscurantiste dans l'exercice des droits civiques, dans la participation
à la vie économique et culturelle, l'épanouissement de soi
et la liberté individuelle.
Les derniers enfin, ceux qui ont refusé à une
certaine époque l'école française sous toutes ses formes
à cause d'une certaine confession religieuse ; les populations du Nord,
puisque qu'il s'agit d'elles, étaient malheureusement
analphabètes en arabe. Selon les auteurs du Contentieux linguistique
française-arabe (N'Djaména, Al-Mouna, 1997), 10% de la
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population tchadienne seulement est scolarisée en
arabe, la deuxième langue de partage du savoir après le
français. L'État tchadien a revu le système
éducatif pour lutter contre la baisse de niveau, l'analphabétisme
et l'illettrisme. Cependant les programmes scolaires, le cursus, les
méthodes d'enseignement et le personnel doivent être revus.
Parlant du personnel, Molelmbaye déclare : « On peut avoir de
l'argent, des bonnes méthodes d'enseignement et des moyens
matériels mais s'il manque un personnel qualifié, on ne peut pas
aboutir à un bon résultat» (Molelmbaye, in Tchad et
culture, n° 250, 2006 : 3).
L'alphabétisation est une réponse sur le plan
culturel et humain à l'analphabétisme, après la
scolarisation obligatoire et gratuite des enfants. Ce fléau
émanent du sous-développement touche tous les secteurs de la vie
d'un pays. L'alphabétisation fonctionnel, celle qui consiste à
aider les adultes ouvriers à bien connaître leur métier,
est un atout, surtout pour un pays comme le Tchad où 80% de la
population est rurale. Traquer l'illettrisme, c'est lutter contre
l'échec scolaire dont les causes ne sont pas souvent claires. Le Tchad a
hérité d'un système éducatif non adapté
à la réalité traditionnelle dans laquelle il vit. Selon
les complaintes des acteurs du livre, un bon nombre d'élèves et
étudiants, vu la pression d'ordre académique, lisent
généralement pour valider des unités de valeurs et passer
en classe supérieure. La recherche de la connaissance
générale, d'une acquisition suffisante du savoir est
minimisée. La demande au marché du livre est dans ce cas faible,
c'est pourquoi l'offre est limitée. Si tout le monde est
alphabétisé, scolarisé voire instruit et adonné
à la recherche du savoir par le biais du livre, chacun aura sa petite
bibliothèque et ni les écrivains, ni les éditeurs,
à notre connaissance, ne se plaindraient d'un quelconque manque
d'intérêt à la chose culturelle, littéraire. R.
Escarpit dans « Littérature et développement »
déclare qu'« il ne sert à rien de tirer une population
de l'analphabétisme si on ne lui fournit un flot constant de
matières à lire avec les moyens nécessaires pour
l'utiliser et les motivations indispensables pour le vouloir»
(Escarpit, 1970 : 248). Mettre des livres à la disposition de la
population est une nécessité, qu'il s'agisse d'apprentissage de
la lecture au niveau de la scolarisation primaire ou de campagne
d'alphabétisation au niveau de l'éducation des adultes.
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