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Le rituel sambaani chez les Baatombu de N'Dali

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par Gnon Chantal DARA
Université d'Abomey Calavi - Maîtrise en sociologie 2010
  

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1-3- Objectifs

Pour parvenir aux réponses à nos diverses questions, nous avons défini des objectifs précis.

1-3-1- Objectif global

Contribuer à une meilleure connaissance du Sambaanidu point de vue mutations intervenues du fait de sa coexistence avec le christianisme et l'islam.

1-3-2- Objectifs spécifiques

· Recenser les fonctions sociales du rituel Sambaani.

· Présenter les changements intervenus dans le rituel du fait des autres religions.

1-4- Clarification Conceptuelle

Dans l'optique d'une meilleure compréhension du sujet de recherche, la clarification de certains concepts s'avère indispensable. Il est nécessaire pour le sociologue ou l'anthropologue de "définir les choses dont il traite afin que l'on sache et qu'il sache bien de quoi il est question. Cela relève de la rigueur méthodologique selon laquelle une théorie n'est valable que si l'on identifie la réalité qu'elle représente" (DURKHEIM, 1957 : 149).

Le rituel désigne l'ensemble du déploiement cérémoniel dans lequel s'insèrent différents rites. Ainsi le rite est d'abord un acte symbolique verbal et/ou gestuel par lequel l'homme tente de communiquer avec des êtres ou des puissances ; le propre du rite est d'être prescrit, codifié, répété et réalisé en vue d'obtenir un effet déterminé. Pour CAZENEUVE, (1971, 334) « le rite est un ensemble codifié d'actes, de gestes, de paroles, d'objets manipulés et de représentation associées qui se répète chaque fois que surviennent d'une manière périodique ou aléatoire les événements et les circonstances auxquels il est lié ». L'ensemble des manifestations, des comportements, des pratiques se rapporte au rite qui est un fait. Dans la société baatonu, Sambaani ou koro est un rituel dans lequel sont honorés les génies tels que les wèrèkunu qui peuvent avoir pour nom Bio (génie du singe. Chez le Baatonu, on appelle le singe Bio parce qu'on le considère comme l'ancêtre de l'homme), Maré (génie du Pullo ou Peulh. On croit que le Peulh pourrait venir d'une région que l'on ignore), Kpireru (génie d'hippopotame. Un animal qui incarne la force), Gariboko (génie du niais. L'enfant niais est considéré comme un esprit) et Kpanro(génie de lépreux).

Le mythe quant à lui, selon le dictionnaire est un récit qui se veut explicatif et fondateur d'une pratique sociale. C'est aussi une parole choisie par l'histoire. Il est porté à l'origine par une tradition orale, qui propose une explication pour certains aspects fondamentaux du monde et de la société qui a forgé ou qui véhicule ces mythes. Les groupes et les individus fondent leur identité sur un mythe personnel au sens du récit approprié et mis en représentation afin d'obtenir l'approbation et la reconnaissance d'autrui. Il traite toujours les questions qui se posent dans les sociétés qui les véhiculent. Le mythe a un lien direct avec la structure religieuse et sociale du peuple et avec la cosmogonie. Réciter le mythe produit une recréation du monde par la force du rite. L'exigence du sacrifice est l'un des plus puissants et le mythe n'est pas récité n'importe quand mais à l'occasion des cérémonies comme le mariage, les initiations et les funérailles. Cela veut dire à l'occasion d'un commencement d'une transformation ou terminaison dont il rend compte. Le mythe se distingue de la légende (qui suppose quelques faits historiques identifiables), du conte (qui se veut inventif sans expliquer), et du roman (qui explique avec peu de fondements).

Le mythe et le rite concourent donc à l'identité de l'individu. Ces deux mots ont en commun une charge de sacralité très prégnante. Le lien entre mythes, rites et identités peut donc être perçu comme un élément de l'histoire des représentations.

Dans une perspective anthropologique, la culture se définit comme ce qui dans le milieu est dû à l'homme. Effectivement, l'homme seul est capable de culture et c'est ce qui le distingue des autres animaux bien que tous les deux soient à la fois des êtres biologiques et sociaux. « Une culture est le mode de vie d'un peuple ; alors qu'une société est l'ensemble organisé d'individus qui suivent un mode de vie donné. Plus simplement, une société se compose d'individus, la manière dont ils se composent constitue une société » (Herskovits, 1967). Ainsi, la culture pourrait être simplement considérée comme la vie d'une société. L'auteur reconnaît toute fois que la définition de Tylor apparaît comme l'une des plus élaborées. Ce dernier définit la culture comme « un tout complexe qui inclut les connaissances, les croyances, l'art, la morale, les lois, les coutumes et autres dispositions et habitudes acquise par l'homme en tant que membre d'une société ». Cette définition, qui insiste sur le rôle primordial de l'apprentissage, induit également une étude comparative « des » cultures humaines. Tylor est le premier à aborder les faits culturels dans leur ensemble et leur systématisme ; il prend ainsi ses distances avec la théorie « radicale » de l'évolution linéaire, incarnée par Lewis Morgan. Considérant que l'intellect humain est universel, il défend l'idée de stades d'évolution plutôt que d'une nature différente entre sociétés « primitives » et sociétés « civilisées ».Nous pourrons dire que la culture, c'est le mode de vie de l'homme collectif, un mode de vie découlant de la conception de la vie et des expériences. Elle est traversable à tous les domaines de la réalité sociale. Ainsi, l'homme ne se comprend que par sa culture à laquelle il donne un sens en usant de symbole.

La cérémonie est une forme extérieure et régulière d'un culte, d'un événement de la vie sociale.

"Cohésion sociale" constitue un processus à la fois de construction et de consolidation des liens sociaux entre les différents segments d'une société. Et c'est bien évidemment ce processus qui permet et assure les productions matérielles et immatérielles. Les immatérielles (pratiques religieuses, etc.) qui prolifèrent et multiplient les besoins à tel point que le vocabulaire vient parfois à manquer de les nommer, ne constituent qu'un pan de la réalité culturelle. En tant que produit immatériel qui ne s'offre pas à la vue et affecte le sens, le rituel n'est compris et assimilé véritablement que dans son rapport avec un milieu ou des circonstances de pratique ; d'où s'en dégagent des lois, un ordre, un système d'obligations, des privilèges etc. Il s'offre à la consommation qui s'entend comme un mode actif de relations, d'activités systématiques et de réponse globale sur lequel se fonde le système culturel. C'est dire donc que le Sambaani doit être mis en rapport avec son milieu de production afin de saisir les fonctions manifestes ou latentes qu'induit son pratique.

1- 5- Etat de la question

« La recension des écrits constitue la pierre angulaire de l'organisation systématique d'une recherche. Aucun chercheur sérieux n'oserait entreprendre une recherche sans avoir au préalable vérifié l'état de la question sur le sujet à investiguer » (Assaba, 1985 : 12). Cette exigence d'ordre méthodologique en matière de recherche scientifique a beaucoup influencé nos démarches orientées essentiellement vers l'appréciation des acquis antérieurs aussi bien sur le plan des supports écrits que de ceux relevant de l'oralité.

En Afrique en général et au Bénin en particulier, il existe une pluralité de religions. Dans Religions et philosophie africaine, « parler des religions traditionnelles en Afrique, c'est reconnaître la diversité des peuples et des tribus ». (MBITI, 1972). Chaque groupe social possède son propre système religieux qui constitue une réalité suffisamment importante. Il pense que l' ontologie donne en général un caractère particulier et une couleur locale à leurs croyances et leurs pratiques religieuses, à leur langue, à leurs institutions et à leurs coutumes, à leur réaction psychologique et, de façon plus générale à tous les comportements. Pour connaitre la société baatonu, il faut passer par son comportement religieux. En voulant observer ce comportement religieux, il faut passer par les rites.

C'est dans ce cadre que MAUSS (1985) dans son ouvrage intitulé

Sociologie et Anthropologie, aborde les rites dans leur forme communicationnelle tout en révélant leur rôle pour l'intégration des peuples baatombu dans leur communauté. Ainsi, selon lui, les rites permettent une communication horizontale c'est-à-dire entre les hommes et une communication verticale c'est-à-dire entre les Hommes et les dieux. L'explication de certains faits de l'univers par les hommes est due aux rites. Selon lui, le rite transmet une inspiration et témoigne d'un élément, d'un évènement mythique. Si MAUSS a pu donner les fonctions du rite, CAZENEUVE (1971) quant à lui fait la typologie des rites dans son oeuvre Sociologie du rite. Il distingue les rites de protection magique, négative et religieuse. Le rite de protection magique est tout rite institué par l'homme pour être à l'abri des mauvais sorts. Ensuite le rite négatif est l'ensemble des rites que l'homme peut utiliser pour jeter des mauvais sorts sur d'autres acteurs. Quant au dernier rite, celui du religieux, il permet d'être en communication avec Dieu et les divinités.

Le rite n'est pas seulement vu sous la forme communicationnelle et il ne s'agit pas de faire la typologie du rite. Il faut aussi aborder d'autres aspects. C'est dans cette optique que BALANDIER (1962) dans L'Afrique ambiguë, parle de l'aspect coercitif des rites sans oublier comment ils peuvent influencer les pactes sociaux et les économies. Les « pratiques rituelles introduisaient aussi une réglementation sévère, une sorte de dirigisme indispensable dans le cas d'une activité capable d'ébranler des économies primitives et vulnérables. Les accords établis par la tradition, révèlent cette fine pratique sociologique des Africains opérant toujours en terme d'équilibre » (Balandier, 1969). A l'instar de MAUSS et de CAZENEUVE, BALANDIER et MALINOWSKI ont aussi mis l'accent sur les fonctions du rite, son implication ou ses influences sur la cohésion sociale et l'intégration de l'individu dans sa société. Malinowski souligne dans son livre Dictionnaire des religions que : « même si le rite est une réponse aux besoins psychologiques du pratiquant (monde incompris entraînant angoisse, condition d'existence mystérieuse...), il est le ciment de la solidarité du groupe du fait même de son expérience pratique » (Malinowski, 1984 : 1120).

Dans les Formes élémentaires de la vie religieuse, DURKHEIM (1912) de son côté s'efforce de montrer que les représentations religieuses sont, en fait, des représentations collectives : l'essence du religieux ne peut être que le sacré, tout autre phénomène (comme le transcendant) ne caractérisant pas toutes les religions. Le sacré, être collectif et impersonnel, représente ainsi la société elle-même. Il rapproche rite et religion en prenant les faits tel que la croyance et les magies aux sérieux et les attribue au religieux. Le rite intègre dans la démonstration pour montrer que la religion n'est pas une sorte de fantaisie : « les rites les plus barbares ou les plus bizarres, les mythes les plus étranges traduisent quelque besoin humain, quelque aspect de la vie soit individuelle, soit sociale » (Durkheim, 1912 :3). En associant religion et rite, il inclut deux éléments à savoir la croyance et les rites. Selon lui, les croyances religieuses sont des représentations qui expriment la nature des choses sacrées et les rapports qu'elles soutiennent, soit les unes avec les autres, soit avec les choses profanes. Quant aux rites, ils sont des règles de conduite qui prescrivent comment l'homme doit se comporter face aux choses sacrées. Les rites sont avant tout des moments d'effervescence collective : « les représentations religieuses sont des représentations collectives qui expriment des réalités collectives ; les rites sont des manières d'agir qui ne prennent naissance qu'au sein des groupes assemblés et qui sont destinés à susciter, entretenir ou à faire renaître certains états mentaux de ces groupes » (Durkheim, 1912 : 13).

Il ne s'agit pas de parler uniquement de la fonction du rite, il faut aussi parler de sa morphologie. C'est dans cette perspective que VAN GENNEP (1909) aborde la morphologie du rite. Selon lui, il existe des étapes du cycle de vie sur le plan formel. Il en existe trois (03) étapes : phase de séparation  où l'individu sort de son état antérieur, phase de marge où l'individu vit une expérience liminale et une phase d'agrégation où l'individu est réintégré dans la vie normale avec un statut nouveau. C'est ce statut nouveau qui perme l'intégration de l'adepte du Sambaanidans la société baatonu. Le rite favorise la fabrication d'une nouvelle personne et cherche à recomposer l'ordre social. Il faut souligner que le propre du rite est d'exprimer la continuité des générations en mêlant temps individuel et temps collectif. Mais ISAMBERT (1975, 224) quant à lui, pense qu'il ne faudrait pas prendre en compte le côté morphologique du rite, mais aborder aussi la dimension symbolique du rite. Le rite est un langage efficace en ce sens qu'il agit sur la réalité sociale. On ne peut pas faire du rite avec n'importe quoi, il faut s'appuyer sur des symboles reconnus par la collectivité. Selon lui, l'efficacité du rite dépend de la validité globale du cérémonial, inséparable d'une licéité reconnue par tous c'est-à-dire pour qu'il y ait rite, il faut qu'il y ait un certain nombre d'opération de gestes, de mots et d'objets convenus, qu'il y ait croyance à une sorte de transcendance.

Tout en s'investissant dans l'étude du rituel, MESLIN (1988) quant à lui, ne manquera pas de relever dans L'expérience humaine du divin, le côté sacré de l'homme. On ne peut pas saisir le sacré là où on le rencontre ; donc qu'il n'est jamais à l'état pur. C'est pourquoi il faut partir de l'homme concret pour en venir à l'homme ; c'est-à-dire, c'est à partir du fait religieux, donc de l'expérience religieuse que ressort l'identité de l'homme. Dans la même logique, BIO BIGOU pense que l'être humain a le droit de comprendre et de connaître son identité ; chose fondamentale pour l'évolution de la société. Les valeurs socio-culturelles permettent l'intégration du jeune baatonu dans la société.

Dans la Civilisation primitive Tylor(1871) définit l'animisme comme la croyance en des entités spirituelles supérieures, autonomes, immortelles et dotées d'une grande puissance. Celles-ci sont rattachées à chaque enveloppe corporelle et ont le pouvoir de mener une vie propre. Tylor tente d'établir les raisons qui mènent les hommes à cette croyance ; il affirme qu'à travers diverses expériences comme le rêve ou la transe, les peuples dits primitifs sont confrontés à des images ou visions qui leur prouvent que, à la faveur de certains événements, leur âme peut quitter leur corps et voyager selon son gré. De même, au moment de la mort, l'âme quitterait définitivement le corps mais continuerait à vivre ailleurs, la preuve de ce phénomène se trouvant dans le fait que les personnes mortes peuvent continuer d'apparaître en rêve aux vivants. Selon les descriptions de l'anthropologue, l'âme est assimilée par les peuplades observées à une sorte de fantôme, prenant l'apparence de vapeurs ou d'ombres. On lui attribue la possibilité de migrer d'une personne à une autre, mais aussi d'un être mort vers un vivant. Par extension, il est entendu que le principe de l'âme n'est pas seulement propre à l'humain mais se retrouve dans toutes les composantes de la nature, végétaux, animaux et même objets inanimés, et qu'une âme peut par conséquent migrer et se transmettre indifféremment vers chacune de ces entités, quel que soit son type. Mais les théories de Tylor sont progressivement remises en cause par divers scientifiques, notamment MARETT, pour être finalement abandonnées. La question de l'origine de la religion est le point central de ces querelles. On reproche également à Tylor d'avoir établi une pensée prenant appui sur une réalité fausse, puisque sa théorie implique que l'animisme ait été présent au sein de toutes les cultures de la Terre, ce qui n'est pas le cas. Aujourd'hui, la majorité des anthropologues rejette la théorie de l'animisme de Tylor, même si l'on utilise encore ce terme pour désigner les religions traditionnelles et la croyance en des esprits invisibles.

Dans son essai Anthropologie Structurale, Claude Lévi-Strauss (1958) pense que le mythe se rapporte toujours à des événements passés avant la création du monde ou pendant les premiers âges. Mais la valeur intrinsèque attribuée au mythe provient de ce que les événements, censés se dérouler à un moment du temps, forment aussi une structure permanente. Celle-ci se rapporte simultanément au passé, au présent et au futur.

En effet, le rite, outre sa fonction psychologique chez l'individu, permet également le renforcement des liens sociaux, la cohésion sociale.

1-6- Justification du choix du sujet et du cadre d'étude

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"Là où il n'y a pas d'espoir, nous devons l'inventer"   Albert Camus