Cooperation transfrontaliere entre le Cameroun et la Guinee equatoriale( Télécharger le fichier original )par Eric Bertrand BELINGA Universite de yaounde II=Soa, Institut Des Relations Internationales Du Cameroun - Master 2 2013 |
A. L'insécurité transfrontalièreDe manière générale, lorsqu'on parle de l'insécurité transfrontalière au Cameroun, l'on se réfère immédiatement à la frontière orientale, entre le Cameroun et le Tchad ou entre le Cameroun et la République centrafricaine50(*), voire de plus en plus entre le Cameroun et le Nigeria. S'il est vrai que les actes du banditisme rural et transfrontalier perpétrés dans cette zone située aux confins du sahel ont réussi à cristalliser les esprits, il n'en demeure pas moins que la frontière entre le Cameroun et la Guinée Equatoriale est en train de devenir un espace d'insécurité manifeste, au regard de l'émergence d'une diversité d'activités illégales avec en toile de fond une course effrénée vers l'enrichissement illicite. D'où l'impression d'assister à l'éclosion d'une véritable entreprise du crime, orchestrée par des experts munis d'outils nécessaires et sophistiqués pouvant dérouter les forces traditionnelles de sécurité et de défense. 1. Les problèmes traditionnels de sécurité transfrontalièreCes problèmes ont trait aux trafics en tout genre, notamment le trafic de drogue, de stupéfiants et d'êtres humains, la fraude et la contrebande, qui sont autant d'actes de criminalité transfrontalière qui se développent le long de la frontière entre le Cameroun et la Guinée Equatoriale, située dans le Golfe de Guinée. Au-delà d'une forme d'accumulation de biens, ces actes relèvent parfois des enjeux divers relatifs aux revendications sociopolitiques de portée irrédentiste ou identitaire des groupes aux frontières ou internes. Il s'agit généralement d'actes organisés de portée transnationale dont la récurrence est l'expression d'une défaillance conceptuelle en matière de lutte contre cette forme de criminalité et contre la pauvreté. De ce fait, l'importance de la mise en place d'une telle coopération transfrontalière entre les deux Etats parait évidente. Les facteurs conflictuels favorisent les flux humains (déplacement des populations, refugiés) de tout genre à l'intérieur d'un pays, mais aussi et surtout entre les pays. Ainsi on observe depuis le début de l'exploitation pétrolière une forte immigration des populations des pays voisins en direction de la Guinée Equatoriale. Malheureusement, ces mouvements sont le plus souvent mis à profit pour commettre des actes répréhensibles, notamment les trafics de drogue, d'armes, les pillages d'objets d'art ou de vestiges sacrés. Aussi parait-il urgent et nécessaire pour les Etats d'éradiquer le mal à la racine c'est-à-dire au niveau des frontières, à travers une coopération transfrontalière qui se concrétise par une synergie d'actions mises en oeuvre de concert entre les différents pays en vue de contribuer à l'éclosion d'une paix durable. C'est un outil de promotion de l'intégration qui repose sur les principes de confiance mutuelle, tout en appelant les uns et les autres à promouvoir cette nouvelle coopération naissante entre pays frontaliers africains. Car, il y'a nécessité pour la sous-région d'unir ses efforts contre les facteurs déstabilisants tels que le grand banditisme, le trafic transfrontalier. C'est dans cette perspective que s'inscrit l'initiative de la Grande Commission Mixte entre les deux pays à travers la création de la commission ad hoc sur les questions de sécurité afin que la promotion de la coopération transfrontalière constitue un facteur essentiel de paix et de sécurité aussi bien dans la sous-région que dans l'Afrique tout entière. Ainsi, à la faveur de la deuxième session de la commission ad hoc entre les deux pays, tenue à Yaoundé du 21 au 22 février 2011. Des hautes autorités de ces deux pays s'engageaient communément à « ne ménager aucun effort pour réprimer, avec toute la sévérité requise, les actes de criminalité à leurs frontières, dans le souci légitime d'offrir à leurs populations respectives un cadre de vie sécurisé leur permettant de vaquer à leurs occupations sans la moindre encombre51(*) ». A cet effet, poursuit Henri Eyebe Ayissi, la deuxième session de la commission ad hoc entre le Cameroun et la Guinée Equatoriale a adopté « des recommandations d'actions pertinentes et nécessaires, résultant d'une évaluation sans complaisance de l'état de sécurité le long de notre frontière commune, et visant à y remédier de manière réaliste et appropriée »52(*). Dans la foulée, une commission mixte de sécurité est édifiée. « Elle permettra de coordonner les actions communes, voire la riposte conjointe, pour faire échec aux auteurs et complices d'actes criminels dans les zones concernées »53(*). Il est alors certain que le développement des échanges commerciaux tant souhaité par le Cameroun et la Guinée Equatoriale ne passe nécessairement que par une sécurisation de leur frontière commune ; gage d'une mobilité des biens et des personnes. Le processus d'intégration sous-régionale, notamment dans le module circulation des biens et des hommes, trouve un écho favorable au sein d'une coopération transfrontalière : « s'agissant des questions consulaires, l'harmonisation et l'adaptation des textes sous-régionaux permettront certainement de mieux prendre en compte l'aspiration légitime des facilités de mouvements entre les populations des deux pays 54(*)». Et déjà des engagements sont annoncés : exemption de visas aux titulaires des passeports diplomatiques officiels ou de service ; examiner l'octroi des conditions spéciales aux populations riveraines des zones frontalières, et prévenir les incidents frontaliers y compris les conflits frontaliers récurrents entre populations riveraines des deux pays. Pour ce faire, un comité mixte de suivi et d'évaluation de la commission ad hoc sur les questions consulaires est préconisé. Sa mise en place effective aura lieu dans un « futur proche ». Les deux parties s'engagent à transmettre dans les meilleurs délais la composition de ses membres au sein de ce mécanisme. Toutefois, les facilités administratives en matière de circulation de personnes entre les Etats ne passent, paradoxalement, que la maîtrise réelle de l'enveloppe frontalière. L'incertitude qui règne à la frontière constitue en outre une entrave réelle à l'accélération de la visibilité de la coopération entre le Cameroun et la Guinée Equatoriale. Elle est en effet un obstacle concret à l'allègement des procédures douanières et policières nécessaires à la libre circulation régionale voulue par les États africains, libre circulation qui, par delà la place centrale qu'elle occupe dans l'intégration régionale, participe aussi de la prévention structurelle des conflits. Sans démarcation précise de la limite entre deux territoires nationaux, il est techniquement difficile de mettre en place, par exemple, des postes de contrôle conjoints. Le constat fait au niveau continental par l'UA s'applique également aux frontières des pays de la CEMAC, dont le Cameroun et la Guinée Equatoriale. L'intangibilité des frontières héritées de la colonisation, acceptée dans son principe, pose problème dans de nombreux cas au niveau de son application. La raison en est le plus souvent le caractère imprécis des limites frontalières, fondées sur des bases géographiques, topographiques et sociologiques mal maîtrisées à l'époque coloniale, et qui n'ont guère fait l'objet d'un travail d'éclaircissement, de confirmation et de balisage sur le terrain dans les 50 ans écoulés. Cette imprécision est aggravée par les effets conjugués du climat sur la topographie, qui sont importants dans la sous-région : Assèchement de certaines zones, forte pluviométrie, etc. Des contestations de tracés des frontières en résultent, en particulier dans les zones riches en ressources naturelles, abondantes en Afrique Centrale. Autre conséquence : dans les zones d'insécurité frontalière, les forces armées et de sécurité d'un Etat ont tendance à se déployer sur le territoire d'un Etat voisin, tirant partie de l'imprécision du tracé de la frontière. Il y a quelques années, une forte présence militaire centrafricaine en territoire camerounais a ainsi fait les choux gras de la presse. Il était alors question pour ces militaires de rectifier la limite généralement admise entre le Cameroun et la République centrafricaine. Par ailleurs, on ne peut aujourd'hui parler des enjeux sécuritaires sans évoquer la santé et l'environnement. Depuis l'expansion régionale des grandes pandémies comme le SIDA, le paludisme, la grippe aviaire, la fièvre Ebola ...etc., la santé intègre progressivement le cadre des enjeux sécuritaires. Elle devient un terrain de recherche privilégié en études stratégiques lorsque « la nécessité et la compétition en armements, en nouvelles technologies, en armes conventionnelles et non conventionnelles (incluant les armes bactériologiques, chimiques et nucléaires) font du processus de recherche et d'innovation, dans le domaine militaire, un facteur déterminant pour les enjeux de sécurité 55(*)». Dans le contexte de la frontière entre le Cameroun et la Guinée Equatoriale, la problématique de la santé est très liée à celle des migrations ou de mouvements de frontières. Si de manière générale, « la plupart des mouvements migratoires s'effectuent à l'échelle intercontinentale56(*) » avec l'Afrique comme principale zone de départ, il n'en demeure pas moins qu'à l'échelle continentale, le Golfe de Guinée est en train de devenir un véritable pôle d'attraction. C'est, sans doute, par le fait qu'à l'origine, les populations ont toujours cherché les endroits propices à leur épanouissement en fuyant des zones devenues indésirables. C'est dire ainsi que depuis que la Guinée Equatoriale est devenu l'eldorado du golfe de guinée, ce pays à la fois petit (au plan démographique et en superficie) et riche fait face à une vague de migrations sans précédent. Le pays constitue un immense chantier, en termes d'infrastructures (la présence chinoise est devenue très importante) et les opportunités d'affaires sont nombreuses : chacun espère alors avoir son compte, aussi bien les honnêtes gens que les sans scrupules qui sont à l'affût du « business » de toute sorte. La Guinée Equatoriale a peur d'être victime de ses richesses, comme son grand voisin le Nigéria. Au-delà d'un potentiel déséquilibre démographique, la Guinée Equatoriale doit renforcer son dispositif sanitaire pour faire face à cette vague déferlante de migrants venus de toutes parts. Le danger étant aussi les nouveaux défis sécuritaires. * 50 I. Saïbou, Les coupeurs de route : histoire du banditisme rural et transfrontalier dans le bassin du lac Tchad, Paris, Karthala, 2010. * 51 Selon Henri Eyebe Ayissi, Ministre Camerounais des Relations Extérieures, lors de la deuxième session de la commission ad hoc tenue à Yaoundé du 21 au 22 février 2011. * 52 Idem * 53 Idem * 54 « Communiqué final », des travaux de la deuxième session de la commission ad hoc tenue à Yaoundé du 21 au 22 février 2011. * 55 Ch.-Ph. David, La guerre et la paix : approches contemporaines de la sécurité et de la stratégie, Paris, Presses de Sciences Po, 2006, p.44. * 56 P. Boniface (dir.), Atlas des relations internationales, Paris, Hatier, 2003, p.64. |
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