Cooperation transfrontaliere entre le Cameroun et la Guinee equatoriale( Télécharger le fichier original )par Eric Bertrand BELINGA Universite de yaounde II=Soa, Institut Des Relations Internationales Du Cameroun - Master 2 2013 |
b. Le transnationalismeLe transnationalisme est né en réaction contre le réalisme classique. Pour les tenants du transnationalisme, ce postulat stato-centré fournit une base inadéquate pour l'étude de la politique mondiale en changement. Les individus et la société civile par leurs relations transnationales15(*) constituent des acteurs à part entière des relations internationales aux cotés des Etats. Robert Keohane et Joseph Nye16(*), deux auteurs majeurs de cette théorie, mettent ainsi l'accent sur les liens d'interdépendance complexe qui lient entre eux les acteurs étatiques et non étatiques. Ils considèrent que sans la prise en compte des acteurs non étatiques, l'étude des relations internationales ne serait que partielle. Ils se proposent de ce fait de : « Rompre avec la tradition du stato-centré et de se concentrer sur les relations transnationales, contacts, coalitions et interactions transfrontalières, qui ne sont pas contrôlées par les organes centraux de la politique étrangère des gouvernements. Composés par l'ensemble des mouvements transfrontaliers des biens tangibles et intangibles mettant aux prises des acteurs dont l'un au moins n'est de nature ni gouvernementale ni intergouvernementale, l'information, les flux financiers, le transport des biens physiques et la circulation des personnes et des idées exercent en effet une contrainte sur les Etats, en ce qu'ils augmentent la sensibilité réciproque des sociétés et par là même affectent les relations entre gouvernements. Si alors on veut accéder à une bonne compréhension du monde contemporain, l'étude des effets réciproques entre relations transnationales et système interétatique est indispensable17(*) » En somme, l'analyse transnationale prend en considération les forces supranationales, transnationales, subnationales ainsi que toute une série de transactions économiques, technologiques, culturelles et sociales « échappant, en partie, au moins aux Etats et s'établissant à travers les frontières entre divers groupes sociaux18(*) ». C'est donc à travers ce paradigme que seront analysés dans ce travail, les usages liés à l'effet-frontière d'une part, l'instrumentalisation de la frontière étatique par les populations riveraines d'autre part. Cette transgression des frontières par des acteurs subétatiques pouvant être considérée comme un facteur de coopération transfrontalière, du fait du rapprochement entre acteurs locaux et entre Etats qu'elle induit. c. Le constructivismeTel qu'il se présente dans le domaine de la coopération, le constructivisme a été développé par ce qu'il est convenu d'appeler, d'après le professeur Andrew Moravcsik, l'école de Copenhague19(*). En reconnaissant la force explicative du constructivisme dans certains aspects des relations internationales (par exemple dans le conflit israélo-arabe) et en cherchant à l'appliquer ailleurs, ils ont proposé les balises permettant de canaliser le potentiel constructiviste dans le domaine de la coopération en Europe. Inspirés par la philosophie de penseurs comme Foucault, Austine ou Derrida, les chercheurs de cette école ont développé le potentiel analytique de cette approche et l'ont adapté aux rigueurs et aux nécessités méthodologiques de la science politique. D'après les constructivistes, ni les réalistes, ni les théories fonctionnalistes, ni même l'inter gouvernementalisme libéral ou l'institutionnalisme historique ne sont en mesure d'expliquer clairement par exemple pourquoi et comment les identités nationales des Etats membres évoluent au cours de la coopération en Europe par exemple. Ainsi, le constructivisme accorde une place primordiale aux identités, à la représentation que l'on se fait de ses identités et à la construction sociale de ses identités. Autrement dit, le comportement des acteurs des relations internationales, qu'il s'agisse des Etats aussi bien que des individus, est guidé par les identités et autres groupes d'idées auxquels appartiennent ces acteurs. Il en est de même entre le Cameroun et la Guinée Equatoriale. En effet, le constructivisme se base sur l'idée selon laquelle les structures sociales sont prioritairement déterminées par les identités que partagent les acteurs des relations internationales, plutôt que par les matières qu'ils partagent entre eux. Ces structures sociales sont des cultures, au sens d'ensemble de savoirs socialement partagés. Les acteurs des relations internationales ne sont pas forcément des structures matérielles à l'instar des Etats, des organisations internationales ou des collectivités territoriales. Mais ce sont aussi des groupes, des réseaux de croyances ou d'idées plus ou moins autonomes, agissant de part et d'autre des frontières nationales et, tentant d'influencer et de s'auto-influencer. Les pratiques transnationales de ces groupes identitaires sont de ce fait susceptibles d'influencer la manière même dont se déroulent les relations internationales. Dès lors, « l'ambition du constructivisme est de démontrer que les pratiques, les discours, les valeurs ne peuvent être compris qu'en rappelant qu'ils sont les produits des actions humaines situées dans des contextes particuliers, à la fois historiques, politiques, géographiques20(*) ». Autrement dit, la compréhension d'une pratique sociale et des intérêts qui y sont associés passe par la prise en compte de la spécificité du contexte historique qui les a vu naître. C'est ainsi que dans le contexte de la présente étude, nous pensons que les identités ethnoculturelles et géographiques communes aux populations riveraines des deux pays sont des facteurs susceptibles de cerner le maintien des liens séculaires, en dépit de l'établissement de la limite politique entre les deux Etats. * 15 B. Badie et Marie-Claude Smouts, Op. Cit., p. 66, définissent ces relations transnationales comme étant « toute relation qui, par la volonté délibérée ou par destination, se construit dans l'espace mondial au-delà du cadre étatique national et qui se réalise en échappant au moins partiellement au contrôle et à l'action médiatrice des Etats » * 16 R. Keohane et J. Nye, Transnational relations and world politics, numéro spécial, International organisation, été 1971. Ces auteurs sont par ailleurs à l'origine du concept d'interdépendance. * 17 R. Keohane et J. Nye, cités par D. Battistella op.cit., p. 194. * 18 P. Braillard et M. Reza-Djailli, Les relations internationales, Coll. Que sais-je ? Paris, PUF, 1988, p.128. * 19 Cette école intègre des chercheurs et scientifiques de l'environnement académique de Copenhague qui travaillent essentiellement dans le domaine des Relations internationales. * 20 A. Blom et F. Charillon, Théories et concepts des relations internationales, Paris, Hachette, 2001, p. 75. |
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