2. Hypothèses concernant la communication extra
territoriale
En préambule à cette partie, nous souhaitons
préciser que nous désirions initialement focaliser nos recherches
sur la communication locale. En disposant de plus de temps et d'une
compréhension plus précise du sujet, nous aurions voulu mettre en
place une méthodologie plus efficace pour l'étude de la
communication extra territoriale. Bien que nous soyons en mesure de
répondre aux questions initialement posées, une analyse plus
profonde nécessite que notre méthodologie soit
complétée par :
- Des entretiens semi directifs avec des responsables
communication de différentes collectivités ;
- Des entretiens semi directifs avec des responsables
d'entreprises présentes sur l'agglomération d'Annecy et non
résidentes ;
- Des entretiens semi directifs avec des citoyens «
ordinaires » : cette méthode nous permettrait de mieux comprendre
leurs motivations touristiques, et surtout ce qui peut les intéresser
dans l'offre d'un territoire sur lequel ils envisagent de s'installer.
L'approche empirique sur la communication locale nous a permis de
poser des bases de réflexion sur la communication extra territoriale.
Rappelons par ailleurs que les textes étudiés dans la partie
théorique nous ont appris que la construction d'une offre territoriale
différenciatrice et basée sur l'identité du territoire est
le socle d'une communication externe efficace.
Nous l'avons vu, la commune d'Annecy et la A mettent en placent
différentes actions pour prévenir la production de déchets
et améliorer leur tri et leur recyclage. Cependant, nous avons aussi vu
que ces actions, bien qu'elles se développent depuis quelques
années, restent encore très limitées : elles ne font pas
partie des priorités politiques, pas même en matière de
développement durable. L'étude du programme du maire
récemment réélu, Mr Jean-Luc RIGAUT, nous conforte
d'ailleurs dans cette thèse : le développement durable passe dans
les dernières mesures (sur l'avant dernière page du programme) et
la seule problématique mise en avant est celle de la chute de la
population d'abeilles (qui est somme toute un sujet préoccupant). Nous
ne pouvons donc pas considérer qu'il y ait à Annecy une
volonté de créer une offre différenciatrice basée
sur le recyclage ; nous devons donc nous porter sur l'étude d'autres
communes et d'autres thèmes.
La ville de Fribourg-En-Brisgau en Allemagne est un exemple de
collectivité qui a su mettre en avant dans son offre territoriale une
initiative d'envergure : la réduction de 25% de ses émissions de
CO2, décidée en 1996. Cette réduction a fait l'objet de
diverses mesures, mais la plus marquante en termes de communication extra
territoriale est celle de la construction maisons passives. L'emblème de
cette initiative est aujourd'hui le quartier Vauban, véritable village
pilote en matière d'écologie, qui compte quelques deux mille
logements. Parce qu'elle a été pionnière dans cette
démarche, et parce qu'elle est aujourd'hui représentante de
l'excellence en matière de PassivHaus, Fribourg-En-B. communique sur ces
réalisations. Cela lui permet d'attirer non seulement des touristes qui
peuvent visiter le quartier Vauban et d'autres lieux similaires, mais aussi des
résidents séduits par le concept et des entreprises innovantes,
essentiellement du secteur des énergies renouvelables (hélas,
nous ne disposons pas de données chiffrées).
Pour revenir à Annecy, nous avons appris par Mr BILLET
qu'à défaut d'exceller dans la gestion des déchets, la
Venise des Alpes se défendait très bien en matière de
gestion de l'eau. La visite des différentes installations prévues
à cet effet fait même l'objet d'intérêts
touristiques.
Lorsque les personnes interrogées répondent
à 88% avoir déjà eu connaissance de démarches de
recyclage opérées dans une collectivité autre que la leur,
cela nous indique que cet item est
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suffisamment marquant sur le plan cognitif pour rester dans la
mémoire des citoyens. Mais pour aller plus loin, il aurait fallu savoir
si ces mêmes répondants peuvent citer une action
particulière, et s'ils considèrent tout simplement que cette
action est particulièrement marquante et différencie la
collectivité qui l'a mise en place.
Cela nous ramène donc à l'idée que pour
être réellement différenciatrice, la politique de gestion
des déchets doit faire l'objet d'une expertise inégalée ou
presque : « si on était dans une situation exceptionnelle ou si on
était les seuls à le faire ça vaudrait peut être la
peine. Là on est sur quelque chose qui est bien mais qui n'est pas non
plus extrêmement poussé [...] on n'est pas un territoire
d'exception [...] il faudrait que la valorisation déchets soit aux
alentours de 80% » (Thierry BILLET, 2014). Les réponses des
citoyens au questionnaire confirment ces dires. Alors que 88% des sondés
savent que leur commune ou leur agglomération met en place des
initiatives de recyclage, et que la même proportion a déjà
entendu parler d'autre communes le faisant, 81% estiment que la commune dans
laquelle ils vivent devrait aller plus loin dans ce sens.
Ces constats nous permettent de confirmer
l'hypothèse H2.1, mais à la condition sine qua non que la
collectivité excelle ou soit suffisamment originale dans sa
démarche.
En plus de la création d'une offre
différenciatrice, nous cherchons à savoir plus
précisément si les initiatives de recyclage mises en place au
niveau local peuvent être un élément de communication
touristique.
Nous savons déjà qu'il existe des labels
liés au tri et au recyclage. La A en a d'ailleurs obtenu un, «
QualiTri + », suite à l'établissement d'un partenariat avec
l'ADEME et Eco Emballages. Ce label est aujourd'hui le principal en
matière de tri et de recyclage uniquement. Existent également des
palmarès relatifs à l'application du développement durable
dans les collectivités, et tenant compte des efforts de tri et de
recyclage. Le plus important est la « Marianne d'Or », qui a
récompensé 18 collectivités en 2013. En revanche, aucune
collectivité ne figure en 2013 dans la liste des lauréats
récompensés plus particulièrement plus leurs efforts en
faveur de la réduction des emballages, du tri et du recyclage, qui
présente quatre entreprises (Ethiquable, SIDEVAM, Groupe Castel et
McDonald's). De plus, il n'y a à notre connaissance aucun
palmarès uniquement concentré sur le recyclage.
L'obtention du label « QualiTri + » est pour la A une
opportunité de communication, dans la mesure où cela constitue
une reconnaissance par l'ADEME et l'organisme Eco Emballages de sa performance
en la matière : « pour nous c'est important essentiellement pour
dire que ce qu'on a fait est reconnu par des experts. » (Thierry BILLET,
2014). Mais ni la commune d'Annecy ni la A ne met en avant ce label dans leur
communication touristique : « c'est peut être bête mais
aujourd'hui on n'est pas persuadé que c'est quelque chose de vendeur
{...] si on était dans une situation exceptionnelle ou si on
était les seuls à le faire ça vaudrait peut être la
peine. » (Thierry BILLET, 2014). D'autre part, nous remarquons que les
collectivités préfèrent communiquer sur les actions
qu'elles mettent en place plutôt que sur les résultats obtenus
sous forme de palmarès ou de prix. C'est le cas de Fribourg-En-Brisgau
mais aussi de Rennes, ville pilote en France du développement urbain
écologique, qui met en avant la résidence Salvatierra dans sa
communication touristique et aussi dans le but d'intéresser de nouveaux
résidents territoriaux potentiels.
Il est important d'ajouter en ce qui nous concerne que forte
d'une image déjà bien établie, Annecy ne communique
aujourd'hui presque plus sur le plan touristique. Le service de communication
de la ville compte trois personnes et celui de l'agglomération seulement
deux. De plus, le lac et l'aspect
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montagnard occupent la quasi-totalité de l'espace de
communication. En d'autre terme, même si elle met en avant des
éléments liés à l'écologie avec la
propreté de l'eau, Annecy n'utilise pas le recyclage comme
élément de communication, au motif qu'elle n'est pas assez
performante sur ce point (ce qui rejoint les thèses que nous avons
étudié en partie théorique).
Ces résultats nous permettent de confirmer
l'hypothèse H2.2, au titre que si la collectivité est
suffisamment performante sur cette activité, elle peut mettre en avant
le recyclage et le tri dans sa communication touristique, à l'instar de
Fribourg-En-B. avec les PassivHaus. Cependant, le bon sens nous oblige à
préciser que cette communication s'adresse à une cible
touristique restreinte.
Au vue des éléments apportés par les
hypothèses H2.1 et H2.2, nous pouvons également confirmer
l'hypothèse H2.3. Le recyclage peut être un
élément de communication extra territorial suffisamment
différenciant pour intéresser certaines classes de la population,
en particulier les classes créatives qui sont très
éduquées. Ici, nous sommes même en mesure de supposer que
le recyclage sera un élément de communication plus efficace que
pour la cible touristique. Les entreprises peuvent aussi être
attirées par ce type de démarches, mais là encore tout
dépend des aspirations de leurs dirigeants.
Le dernier élément de communication extra
territoriale que nous souhaitons étudier est le sentiment de
fierté des acteurs. Nous avons vu que les initiatives de recyclage au
niveau territorial, si elles sont poussées, peuvent être un
élément différenciant de communication extra territoriale.
De plus, les démarches mises en place peuvent être
valorisées par des prix et des palmarès.
Les enquêtes menées auprès des citoyens nous
montrent pour leur part que seul 19% d'entre eux définissent leur lieu
de résidence comme « une fierté ». Il serait cependant
opportun de savoir comment ce sentiment de fierté pourrait être
développé chez eux, et si la performance en matière de tri
et de recyclage fait partie des options. Comme nous avons
précédemment vu que ce thème ne suscitait pas un
intérêt majeur chez les répondants, nous pouvons supposer
que la réponse est non pour leur majorité.
Nous pouvons donc avancer que le thème du recyclage n'est
pas assez important pour une partie assez vaste de la population pour en faire
un élément créateur de sentiment de fierté, et
réfuter l'hypothèse H2.4.
Synthèse :
Les recherches empiriques nous ont permis de :
- Réfuter l'hypothèse H1.1, car les individus font
preuve d'une volonté de progrès mais pas d'une réelle
implication ;
- Réfuter l'hypothèse H1.2, car les entreprises
fonctionnent à l'heure actuelle sur un modèle de collaboration
presque exclusivement privé ;
- Confirmer l'hypothèse H1.3 car les initiatives
liées au recyclage peuvent permettre d'animer le territoire ;
- Réfuter l'hypothèse H1.4 car ce sujet ne permet
pas de créer du lien entre le citoyen et la collectivité ;
- Réfuter l'hypothèse H1.5, mais en
précisant que le sentiment d'identité peut tout de même
être développé chez certaines catégories
d'entreprises et d'individus ;
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- Confirmer l'hypothèse H2.1 car ces initiatives peuvent
être le socle d'une offre territoriale
différenciatrice ;
- Confirmer l'hypothèse H2.2 mais pour une cible
touristique restreinte ;
- Confirmer l'hypothèse H2.3 car ces initiatives peuvent
attirer certaines entreprises et les
classes créatives ;
- Réfuter l'hypothèse H2.4 car ces démarches
ne permettent pas à l'heure actuelle de développer le sentiment
de fierté.
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