La gestion des risques dans les etablissements de microfinance au cameroun( Télécharger le fichier original )par Armel POUGHELA DJOUMBI Université de Yaoundé 2 - SOA (Faculté des Sciences Economiques et de Gestion) - Master 2 en Comptabilité et Finance 2013 |
CONCLUSIONTout au long de ce chapitre, il était question de montrer qu'il y a une corrélation positive entre la qualité de la gouvernance et la gestion des risques micro-financiers. L'indice agrégé de gouvernance et ses variables selon le FMI (2004), Briceno-Garmendia & Foster (2007) et Mbangala (2007) nous ont permis à base de signes, de faire des formulations hypothétiques qui traduiraient l'influence ou non de chacune de ces variables sur la gestion des risques microfinanciers. De ces formulations, nous pouvons déduire que la qualité de la gouvernance dans les IMF justifie la qualité de la gestion des risques micro-financiers. En d'autres termes, si le système de gouvernance est efficace, alors la gestion des risques sera efficace ; de même si le système de gouvernance est inefficace, alors la gestion des risques micro-financiers sera également inefficace. Il faut cependant noter qu'on observe pour certains indicateurs une absence de corrélation (signe =) avec la gestion des risques. Fort de tout cela nous pouvons dire que de manière globale il y a en effet une corrélation positive entre la qualité de la gouvernance et la gestion des risques micro-financiers. Toutefois, qu'en est-il du système de gouvernance des EMF camerounais face à la gestion des risques ? CHAPITRE 4 : LA QUALITE DE GOUVERNANCE DANS LES EMF CAMEROUNAIS RELATIVEMENT A LA GESTION DES RISQUES INTRODUCTIONMécanismes externes de gouvernance, taille du conseil d'administration, statut juridique, forme organisationnelle, et bien d'autres, sont des éléments utilisés par un bon nombre d'auteurs pour analyser les effets de la gouvernance sur la performance des IMF. Si dans notre étude nous assimilons la gestion des risques micro-financiers à une forme de performance quelconque, nous pourrons penser comme et Barth al. (2004) que, dans le secteur bancaire, quelques-uns n'établissent pas de lien significatif entre la supervision, la performance financière et l'efficacité sociale des IMF ; ou comme Hartarska (2005) qui trouve que les IMF sujettes à la régulation sont moins rentables économiquement ; ou encore comme Hartarska (2005) qui trouve également une influence positive et significative de la taille du conseil d'administration sur la rentabilité, indiquant que les IMF ayant des conseils d'administration de grandes tailles sont plus rentables mais que les IMF les plus viables sont celles qui disposent d'un conseil d'administration de plus petite taille, ou encore comme Mersland et Strøm (2009) qui ne trouvent pas de relation significative entre la taille du conseil d'administration et la performance financière et sociale des sociétés privées de microfinance ; ou comme Hartarska (2005) et Mersland & Strøm (2008 ; 2009) qui pensent qu'aucune différence significative de performance sociale et financière n'est trouvée entre les ONG et les sociétés privées de microfinance ; ou encore comme Desrochers et Fischer (2005) qui pensent que l'intégration dans les réseaux est moins importante dans les IMF des pays en développement et d'Afrique et donc que l'intégration dans les réseaux n'explique pas leur efficacité. Dans ce chapitre, il sera question dans un premier temps de présenter l'approche méthodologique par laquelle nous avons abordé l'analyse de la qualité de gouvernance dans les EMF du Cameroun et son influence sur la gestion des risques, et dans un second temps de présenter l'analyse des données de l'étude ainsi que les résultats empiriques auxquels nous avons abouti. 4.1. Approche méthodologique L'hypothèse soutenue dans cette partie est le fait que les EMF camerounais n'arrivent pas à mieux gérer leurs risques à cause de la gouvernance inefficace. Pour vérifier cette hypothèse, la méthodologie adoptée est décrite de la manière suivante :
Les données de notre étude ont été recueillies au moyen de sondages à travers des questionnaires (annexe 4) qui ont été déposés auprès des EMF dont la direction générale pour la plupart se trouve dans la ville de Yaoundé. L'échantillon est le même que celui du chapitre 2 (section 2.1.1).
Il s'agit pour nous ici de présenter d'une part les variables de l'étude et d'autre part le test statistique réalisé et qui nous a permis d'aboutir à nos conclusions.
Les variables relatives à la qualité de la gouvernance sont inspirées de l'indice agrégé de gouvernance des IMF et ses quatre dimensions (respect de la législation, autonomie managériale, qualité du système d'information et conseil d'administration) selon le FMI (2004), Briceno-Garmendia & Foster (2007) et Mbangala (2007) et qui ont d'ailleurs été utilisées par Wele I (2009) pour analyser la qualité de la gouvernance des IMF du Benin18(*). Nous avons sur la base des indicateurs rattachés à ces quatre variables, façonné nos variables d'étude qui sont représentées par : l'autorisation d'exercice (RL_AE), le respect des normes prudentielles (RL_RNP), l'autonomie managériale vis-à-vis des pouvoirs publics (AM_PP), l'autonomie managériale vis-à-vis des bailleurs de fonds (AM_BF), la cohérence des manuels de procédures (QSI_CMP), la disponibilité des rapports d'audit (QSI_DRA), la participation à une évaluation internationale (QSI_EI), la séparation des fonctions de Directeur Général et de Président du CA (CA_SP), l'autonomie décisionnelle du CA (CA_AD). Note : RL : respect de la législation ; AM : autonomie managériale ; QSI : qualité du système d'information ; CA : conseil d'administration S'agissant des variables relatives à la gestion des risques, nous adoptons en fonction des types de risques les variables ci-après : la gestion des risques institutionnels (GR_I), la gestion des risques opérationnels (GR_O), la gestion des risques de gestion financière (GR_GF) et la gestion des risques externes (GR_E). Compte tenu de l'hétérogénéité des EMF de notre échantillon, nous avons ajouté des variables dites « de contrôle » à savoir la forme juridique (FORM_JUR), la taille du conseil d'administration (TA_CA) et la taille de l'EMF (TA_EMF). Les EMF de l'échantillon étant tous des EMF indépendants, nous n'avons pas pris en compte la forme organisationnelle. Tableau 10 : Description et opérationnalisation des principales variables (2)
Source : Auteur (d'après Briceno-Garmendia & Foster 2007) Le traitement de ces variables va sans doute nécessiter le recours à un test statistique.
Etant donné que nos variables sont essentiellement qualitatives et ordonnées, nous avons choisi d'utiliser dans le cas de cette étude le test de Kruskal-Wallis car il nous permettra de calculer les rangs moyens. La statistique de Kruskal-Wallis selon Bertrand F. & Maumy M. (2011) est la suivante : Hypothèse nulle : H 0 : med1 = · · · = medA Statistique de test :
Remarque : La statistique KWexp est une fonction monotone de la statistique FR de Fisher associé aux données rangs19(*) Rij : 1 / KWexp = 1/ FR x N - A / (N - 1)(A - 1) + 1/N-1 La règle de décision Soit á un risque fixé a priori Règle de décision :
Nota. q(X2A-1 ; 1- á) est le quantile 1- á de X2A-1 Règle de décision basée sur P-value :
Proba Critique = Pr(X2A-1 > KW) est souvent fournie par les logiciels. 4.2. Analyse des données et résultats empiriques De l'analyse des données issues des questionnaires de l'enquête ainsi que des données issues de certains rapports du Ministère des finances du Cameroun et de la COBAC, nous sommes parvenus aux constats ci-après :
L' « annexe 3 » présente la qualité de gouvernance qui caractérise les EMF du Cameroun, principalement à travers ses quatre dimensions. D'après ce tableau, la moyenne de l'indice de gouvernance pour les 27 EMF que compte l'échantillon est de 58,0%. Ceci veut dire qu'en général les EMF observés dans le cadre de cette étude au Cameroun répondent à un peu plus de cinq critères sur les neuf qu'exigerait une gouvernance efficace. Tableau 11 : Statistiques descriptives des variables binaires
Source : Auteur RL_AE : Autorisation d'exercice ; RL_RNP : Respect des normes prudentielles ; AM_PP : Autonomie managériale vis-à-vis des pouvoirs publics ; AM_BF : Autonomie managériale vis-à-vis des bailleurs de fonds ; QSI_CMP : Cohérence des manuels de procédures ; QSI_DRA : Disponibilité des rapports d'audit ; QSI_EI : Participation à une évaluation internationale ; CA_SP : Séparation des fonctions de Directeur Général et de Président du CA ; CA_AD : Autonomie décisionnelle du CA Pour l'ensemble des EMF observés au Cameroun, le principe de l'autorisation d'exercice en ce qui concerne le respect de la législation est parfaitement respecté (100%) et ne fait l'objet d'aucun débat. Par contre, s'agissant du respect des normes prudentielles, nous notons qu'un seul EMF satisfait les 100% des normes prudentielles COBAC (soit 3,7%). L'autonomie managériale vis-à-vis de l'Etat est également respectée (96,3%), en dehors d'un seul EMF ; cependant l'autonomie vis-à-vis des bailleurs des fonds n'est pas respectée par quatre EMF sur les 27 de l'échantillon (d'où 85,2%). Nous notons par ailleurs que seulement 22,2% respectent la qualité du système d'information en ce qui concerne la cohérence des manuels de procédures, et pour ce qui est des rapports d'audit, seulement 55,6% des EMF affirment qu'ils sont disponibles. L'annexe 3 montre également qu'aucun EMF du Cameroun n'est soumis à une évaluation internationale (d'où 0,0%). L'analyse du pouvoir du CA nous montre d'une part que seulement 17 EMF sur les 27 respectent le principe de la séparation des pouvoirs entre le directeur général et le président du conseil d'administration d'où la distribution de 63,0%, et d'autre part que 26 EMF contre 1 respectent le principe de l'autonomie décisionnelle du CA. Lorsqu'on prend en compte la forme juridique, la taille du conseil d'administration et la taille de l'EMF, le test de Kruskal-Wallis à travers le Tableau 12 indique une différence significative au seuil de 5% entre la qualité de gouvernance des EMF constitués à partir de leur forme juridique, à savoir les EMF de première catégorie (COOPEC) et les EMF de deuxième catégorie (SA). La même chose peut être dite pour ce qui est de la taille du conseil d'administration et de la taille de l'EMF qui diffèrent sensiblement suivant le type d'EMF. Tableau 12 : Test de Kruskal-Wallis sur les indices de gouvernance
(**) Seuil de significativité de 1%. (*) Seuil de significativité de 5%. Source : Auteur (Données collectées auprès des EMF, janvier 2013) Il ressort donc du Tableau 12 que les EMF de première catégorie (COOPEC) ont le système de gouvernance le plus efficace puisqu'ils occupent le rang moyen le plus élevé dans le classement des indices par ordre croissant, avec un indice moyen de 61,5%. Les EMF de deuxième catégorie (SA) quant à eux ont le rang moyen le moins élevé avec un indice moyen de 53,7%. Il est important de noter que dans tout l'échantillon, MC2 BAFIA se distingue en étant le seul EMF à réaliser un score de gouvernance de 88,9%. Dans l'ensemble, nous pouvons dire que la gouvernance dans les EMF camerounais est inefficace au regard de l'indice moyen global qui est de 58,0%.
Le Tableau 13 nous montre la qualité de gouvernance des EMF camerounais selon la forme juridique. Tableau 13 : La qualité de gouvernance des EMF camerounais selon la forme juridique
Source : Auteur (Données collectées auprès des EMF, janvier 2013). A partir de ce tableau à la lumière de la section 2 du chapitre 3, nous analysons l'influence de cette qualité de gouvernance sur la gestion des risques. Tableau 14 : Analyse de l'influence de la qualité de gouvernance des EMF camerounais sur la gestion des risques
Signe : + : Influence positive ; - : Influence négative ; = : Aucune influence Source : Auteur RL_AE : Autorisation d'exercice ; RL_RNP : Respect des normes prudentielles ; AM_PP : Autonomie managériale vis-à-vis des pouvoirs publics ; AM_BF : Autonomie managériale vis-à-vis des bailleurs de fonds ; QSI_CMP : Cohérence des manuels de procédures ; QSI_DRA : Disponibilité des rapports d'audit ; QSI_EI : Participation à une évaluation internationale ; CA_SP : Séparation des fonctions de Directeur Général et de Président du CA ; CA_AD : Autonomie décisionnelle du CA ; GR_I : Gestion des risques institutionnels ; GR_O : Gestion des risques opérationnels ; GR_GF : Gestion des risques de gestion financière ; GR_E : Gestion des risques externes. De ce tableau, il apparait que l'autorisation d'exercice (RL_AE) dont l'indice est de 100% exerce une influence positive sur la gestion des risques externes (GR_E) mais n'a cependant aucune influence sur la gestion des autres types de risques (GR_I, GR_O et GR_GF). Le respect des normes prudentielles dont l'indice est 3,7%, exerce quant à lui, une influence négative sur la gestion des risques externes et de gestion financière (GR_E et GR_GF) mais n'a cependant aucune influence sur la gestion des autres types de risques (GR_I et GR_O). Pour ce qui est de l'autonomie managériale vis-à-vis des pouvoirs publics (AM_PP) dont l'indice est 96,3%, on note qu'il exerce une influence positive sur la gestion des risques institutionnels et externes (GR_I et GR_E) mais n'a cependant aucune sur la gestion des autres types de risques (GR_O et GR_GF). S'agissant de l'autonomie managériale vis-à-vis des bailleurs de fonds (AM_BF) dont l'indice est 85,2%, on observe une influence positive sur la gestion des risques institutionnels et de gestion financière (GR_I et GR_GF) mais une absence d'influence sur les autres (GR_O et GR_E). La participation à une évaluation internationale malgré son indice de 0,0% se distingue par le fait qu'elle n'exerce aucune influence sur aucun type de risque. L'autonomie décisionnelle également dont l'indice est de 96,3 exerce une influence positive sur tous les types de risque. Par ailleurs, la cohérence des manuels de procédures, la disponibilité des rapports d'audit et la séparation des fonctions de Directeur Général et de Président du CA dont les indices sont respectivement de 22,2%, 55,6% et 63,0% se distinguent par le fait qu'elles exercent une influence négative sur tous les risques. Si nous considérons donc le nombre de signes (+) qui est de 9, le nombre de signes (=) qui est de 13, et le nombre de signes (-) qui est quant à lui de 14 et donc le plus élevé, nous pouvons conclure que la gouvernance inefficace justifie la gestion lacunaire des risques dans les EMF au Cameroun. * 18 Wele I (2009) : « La qualité de la gouvernance microfinancière dans les pays de l'UEMOA : construction d'un indice agrégé de gouvernance des IMF appliqué au cas du Bénin », Université d'Abomey-Calavi. * 19 A noter que 12 + 22 + · · · + n2 = n(n+1)(2n+1) /6 * 20 Les valeurs de Khi-deux sont données avec deux degrés de liberté. |
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