Vision africaine du droit des peuples à disposer d'eux-mêmes( Télécharger le fichier original )par Wendeyida Jessie Josias OUEDRAOGO Université Privée de Ouagadougou - Licences es Sciences Juridiques; Option: Droit public 2012 |
II. Exercice au niveau externeL'accent ici sera mis sur la possibilité de créer un État indépendant et souverain. Il faudra distinguer le cas de la décolonisation (A) de celui des sécessions (B). A. Création d'un État dans le cadre de la décolonisationDans le cadre de la décolonisation, deux chemins permettent d'aboutir à la création d'un État : le respect de l'obligation de décoloniser (1) ou l'exercice du droit de se libérer du joug colonial (2). 1. L'obligation de décoloniserIl y a deux siècles de cela, on assistait à la « codification de la colonisation ». Il s'agissait pour les puissances de l'Europe occidentale de s'accorder sur un certain nombre de points afin de ne pas verser dans des querelles dangereuses dans le cadre de l'expansion coloniale. Au Congrès de Berlin de 1885, ceux-ci convinrent sur les trois principaux points suivants : ne pas empiéter sur leurs zones d'influences respectives, ne pas considérer les colonies du seul point de vue de l'intérêt de chaque métropole et de permettre par conséquent le libre accès aux marchés et aux matières premières des colonies. Ces principes demeurèrent sous l'empire de la SDN avec cependant deux différences à savoir l'instauration du système des mandats et l'obligation des puissances coloniales de respecter les intérêts des populations colonisées115(*). Il fallut alors attendre la Charte des Nations Unies pour trouver un fondement juridique de la décolonisation. Là encore, c'est « sous le signe de l'autodétermination que la stratégie anticolonialiste des Nations Unies se développe dès le début sur deux fronts à la fois. D'une part, en se basant sur l'article 73, on demande la création d'un Comité chargé d'examiner les informations remises conformément à cet article. D'autre part, en s'appuyant sur l'article premier, paragraphe deux, la Commission des droits de l'homme est invitée à prendre part au débat sur la décolonisation »116(*). Selon Maurice Flory, en invoquant les résolutions de l'AGNU 1514 (XV), 1541 (XV) et 2625 (XXV) dans son avis consultatif sur le Sahara occidental, la CIJ montre que « l'autodétermination, c'est-à-dire « la nécessité fondamentale de tenir compte des voeux de la population en cause » constitue le principe de base de la procédure de décolonisation »117(*). Cependant, comme l'affirme Domenico Mazzeo, jusqu'au milieu des années cinquante, « ni le Comité des renseignements ni la Commission des droits de l'homme ne semblent avoir contesté directement et ouvertement le droit colonial en tant que tel. On préfère mettre en évidence le DEVOIR POUR LES MÉTROPOLES DE SUIVRE UNE POLITIQUE COLONIALE CONFORME AUX PRINCIPES DE LA CHARTE DES NATIONS UNIES. L'accent est mis sur la question du gouvernement représentatif plutôt que sur celle de l'indépendance ». Cette situation n'a tout de même pas perduré en raison des luttes anticolonialistes de plus en plus fortes118(*). En réalité, avec l'adoption de la Déclaration sur l'octroi de l'indépendance, le colonialisme est désormais considéré comme une menace contre la paix et la coopération internationale. On peut parler donc de « droit à l'indépendance » et mieux d'une « obligation de décoloniser »119(*). Pour Jean Charpentier qui défend carrément que le « prétendu droit des peuples à disposer d'eux-mêmes » n'est rien d'autre que l' « obligation de décoloniser », cette obligation est imprécise120(*). Avec l'avènement du Comité de décolonisation, cette obligation serra plus opérationnelle. Suite aux résistances du Portugal à décoloniser l'Angola, un sous-comité fut créé pour y remédier121(*). Également, de nombreuses recommandations tendant à obliger le Portugal à décoloniser l'Angola ont été formulées. À ce sujet, on note que les États des Nations Unies on été invités à prendre différentes mesures contre le Portugal : « au plan politique, rupture des relations diplomatiques ou consulaires ; au plan économique, refus du droit d'atterrissage et de passage aux avions et navires portugais et gel des échanges commerciaux ; au plan militaire, arrêt immédiat des livraisons d'armes au gouvernement portugais »122(*). Outre les États, il a été aussi demandé aux agences spécialisées de « n'octroyer aucune assistance financière ou technique au Portugal, aussi longtemps que celui-ci n'a pas accepté de respecter les résolutions de I'ONU sur les territoires non autonomes »123(*). L'obligation de décoloniser s'accompagne d'un droit qui lui est très proche : le droit de s'affranchir du joug colonial. * 115 Domenico MAZZEO, « Les Nations Unies et la diplomatie de la décolonisation », Etudes internationales, volume 3, n°3, 1972, pp. 331-332. * 116 Ibid., p. 333. * 117 Maurice FLORY, « L'avis de la Cour internationale de Justice sur le Sahara occidental », Annuaire français de droit international, volume 21, 1975, p. 275. * 118 Domenico MAZZEO, op cit., pp. 337. « À partir de 1955, par contre, les groupes de pays anticolonialistes deviennent de plus en plus agressifs. L'Asie a presque achevé sa décolonisation et l'Afrique donne des signes d'un réveil soudain. La liquidation des protectorats en Afrique du nord, la victoire électorale du parti de l'indépendance au Ghana en 1957, les sanglants événements d'Algérie et l'éclatement du nationalisme panafricain annoncent clairement la fin du colonialisme dans le continent noir. Les forces anticolonialistes, tant à l'intérieur qu'à l'extérieur du cadre des Nations Unies, insistent alors de plus en plus sur l'octroi aux territoires non autonomes de l'indépendance complète ». * 119 Ibid., pp. 338-340. « Même si les colonies ne sont pas prêtes pour l'indépendance, les puissances coloniales ont le devoir de leur accorder le droit à l'autodétermination, car le processus de décolonisation est jugé à la fois inévitable et irréversible. [...] L'indépendance inconditionnelle a été jugée par le Comité [de décolonisation] la seule solution valable pour mettre fin à l'exploitation des peuples colonisés ». * 120 Jean CHARPENTIER, op cit., pp. 206-208. Il distingue les colonies d'exploitation des colonies de peuplement, les premières étant celles dont « l'occupation par la puissance coloniale a été motivée par la volonté d'en tirer des avantages économiques [...], ou stratégiques, sans que l'installation sur place du personnel métropolitain nécessaires à l'exercice des fonctions administratives ou des activités économiques économique dépasse un faible pourcentage de la population autochtone ». Les colonies de peuplement sont celles dont « l'exploitation a été assurée par une population ayant quitté la métropole pour des raisons diverses (économiques ou politiques) et qui s'y est installé sans retour ». Après un certain temps, la population d'origine métropolitaine et la population autochtone sont dans des proportions relativement équilibrées. Il peut arriver aussi que la population autochtone se retrouve réduite à une minorité face à la population d'origine métropolitaine, grossie éventuellement de couches successives d'immigrants. Pour les colonies d'exploitations, la conduite à tenir par la puissance coloniale est claire ; elle doit quitter le territoire, cesser d'y exercer sa souveraineté. Lorsqu'il s'agit des colonies de peuplement, en cas de supériorité numérique de la population d'origine métropolitaine, le droit international ne dit rien mais la possibilité de décoloniser semble épuisée. Seule reste valable la possibilité d'invoquer les droits des minorités et autres droits collectifs par exemple. Si les deux populations sont proportionnellement équilibrées, le droit international ne prévoit rien non plus. Il ne reste qu'à envisager un référendum. * 121 Voir Rés. AG. 1699, XVI. cité in Domenico MAZZEO, op cit., p. 343. * 122 Domenico MAZZEO, op cit. p. 343. « Les pays les plus directement visés par ces dispositions sont, naturellement, les membres de I'OTAN, qui accorderaient au Portugal une aide économique et militaire lui permettant de poursuivre la répression dans les colonies ». * 123 « Ce même appel est plusieurs fois relancé par l'Assemblée générale. Un tel avertissement vise tout particulièrement la Banque mondiale. Néanmoins, le 14 juin 1966, celle-ci signe avec des compagnies portugaises deux accords, garantis par le gouvernement portugais ». |
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