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L'epanouissement de l'enseignant et son engagement au travail: cas des enseignants de quelques etablissements de yaounde

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par Aline Florence NJI MFOUT
Université de Yaoundé I - Master en psychologie sociale 2010
  

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Les qualités requises de la part de l'enseignant

Le rapport à soi comme personne ou, en termes synthétiques, la connaissance de soi requiert une capacité introspective qui demande une mise à distance avec soi. Cette mise à distance est rendue possible grâce à un esprit réflexif capable d'autoévaluation. La psychologie au XXe siècle, de quelque allégeance qu'elle soit, l'a bien montré, la connaissance de soi contre la tendance - naturelle et inconsciente - de la personne à projeter sur l'autre ses propres manques et lacunes. Tous les outils que nous a légués la psychologie, sans nécessairement entrer dans une démarche thérapeutique, peuvent être utiles à cet exercice «d'examen de soi», du simple regard introspectif à la narration autobiographique. On retrouvera par ailleurs la composante «connaissance de soi» décrite un peu plus loin.

Quant au rapport aux enseignants et à la profession, on a vu qu'il comportait plusieurs éléments. Il est difficile de mettre terme à terme les qualités requises pour chacune de ces composantes, non pas parce qu'il est impossible de les identifier, mais plutôt parce que plusieurs composantes font appel à des qualités similaires. Aussi ferons-nous l'exercice, mais en identifiant les recoupements possibles.

Dans la section rapport au travail, nous avons vu que l'enseignant était un professionnel de l'éducation/apprentissage et que l'enseignement était un acte complexe, réflexif et interactif, ce qui se reflète dans les autres composantes de l'identité, plus particulièrement dans le rapport aux apprenants. L'enseignement requiert donc la maîtrise de nombreux savoirs, dont plusieurs ont été mentionnés: savoirs disciplinaires, pédagogiques et didactiques - d'ordre théorique et pratique - et l'acquisition de plusieurs compétences, dont la capacité réflexive. C'est en analysant constamment sa propre pratique, en ayant une distance par rapport à celle-ci, et en la réajustant que l'enseignant exerce sa fonction en qualité de professionnel. Cette capacité analytique se double d'un sens praxéologique qui permet de faire le pont entre la théorie et la pratique et d'effectuer des choix. Pour ce faire, l'enseignant devra exercer son jugement. HARE (1993) définit le jugement comme la capacité d'évaluer de façon critique l'information disponible, les raisons qui sont invoquées pour soutenir un point de vue plutôt qu'un autre lors d'une prise de décision. Réflexion, analyse, jugement sont donc nécessaires pour effectuer des choix proprement éducatifs, qui ne reposent pas uniquement sur un rapport d'émotivité aux événements et aux choses.

Ces compétences ou capacités ne peuvent par ailleurs s'exercer sans l'autonomie de l'enseignant. Autant à certains égards et dans une certaine mesure, il devra agir de concert avec ses collègues, autant il doit pouvoir fonctionner de façon indépendante, en prenant des décisions dont il assume la responsabilité. Enfin, le réajustement constant de ses pratiques implique la capacité à s'auto évaluer. Pour ce faire, il devra avoir une bonne connaissance de soi, comme nous l'avons vu. Dans la section rapport aux responsabilités, on a vu que la responsabilité de l'enseignant, en tant que professionnel, envers le public et en tant que maître/adulte, envers l'enfant, devait s'exprimer, entre autres, par la prise en compte de considérations d'ordre éthique dans l'exercice de sa fonction. Pour ce faire, il doit avoir une connaissance des règles déontologiques régissant sa profession. Ces règles, statuant sur les devoirs du professionnel envers le «client» (respect, intégrité, etc.), qu'elles soient codifiées par un ordre professionnel ou non, ne sont par ailleurs pas suffisantes pour assurer une pleine compétence éthique chez l'enseignant. Il faut d'abord et avant tout développer un sens éthique chez celui-ci, soit une compréhension de l'importance de ces questions dans l'exercice de ses fonctions. Si les règles déontologiques stipulent les devoirs que l'enseignant a envers l'élève et envers sa profession, elles ne circonscrivent en effet pas tout le domaine de l'éthique qui englobe, de façon plus générale, la réflexion sur la conduite humaine. Or, on le sait, toutes les conduites humaines ne sont pas codifiées et ne doivent certainement pas l'être. En sus de sa propre conduite, l'enseignant devra jauger celle de l'élève, qui devra parfois être sanctionnée. Les situations qui appellent une réflexion d'ordre éthique étant variées, il est important que l'enseignant développe une capacité à réfléchir aux dilemmes d'ordre éthique qui se présentent, au cas par cas, sous la forme de la délibération éthique, par exemple (RACINE, LEGAULT et BEGIN, 1991).

Dans la section rapport aux apprenants, on a mentionné l'importance de la relation pédagogique, qu'elle soit d'ordre intellectuel, affectif ou moral, au sens large du terme, faisant référence à l'influence que peut exercer l'enseignant, en tant que porteur de valeurs, sur l'élève, comme modèle - au sens fort ou faible du terme. Pour instituer cette relation, l'enseignant devra faire preuve d'une capacité relationnelle, soit être capable d'entrer en relation avec l'autre. Cette capacité se manifeste par des qualités d'empathie et d'écoute, comme l'ont fait valoir les pédagogues humanistes, mais également par cette autre qualité qu'ils ont dénommée congruence. Or, la congruence, comprise comme cohérence ou concordance, chez un individu, entre le dire, le faire et le penser est impossible à réaliser sans une bonne connaissance de soi, qu'on a vue dans la composante représentation de soi. On rejoint ici également la capacité à s'auto évaluer déjà relevée dans la section rapport au travail. Cette connaissance de soi exige que la personne soit capable d'introspection, et aussi qu'elle connaisse les mécanismes d'ordre psychologique qui régissent les relations interpersonnelles, notamment ceux d'introjection et de projection qui aident à faire le partage entre ce qui appartient à soi et ce qui appartient à l'autre dans l'univers complexe de la relation. Mais cette connaissance de soi ne devrait pas se limiter à la dimension psychologique et affective de la relation pédagogique. Elle devrait aussi toucher les dimensions intellectuelle et morale de la personnalité, par une connaissance, d'une part, des capacités et des limites intellectuelles de chacun et, d'autre part, des valeurs qu'il véhicule souvent de façon implicite et qu'il doit rendre explicites. Cette connaissance de soi facilitera d'ailleurs les relations qu'il établira avec ses collègues.

En référence à la section Le rapport aux collègues et au corps professoral, outre les compétences relationnelles qui viennent d'être évoquées, l'enseignant devra posséder un sens de la collégialité, de partage et de rapport avec ses collègues, lequel sera généré entre autres par un sentiment d'appartenance à ce groupe. Ce sentiment d'appartenance peut lui-même être développé par la formulation d'objectifs communs dans le cadre du projet éducatif, par exemple, mais également par l'exercice de la mise en commun des pratiques pédagogiques aussi bien que des difficultés rencontrées en situation d'enseignement. Cette mise en commun requiert une compétence dialogique, à savoir une capacité à discuter avec ses pairs et à arriver, lorsque cela est nécessaire, à des décisions consensuelles. Cette collégialité se manifeste aussi par la capacité à travailler en équipe sur des projets communs, d'ordre scolaire aussi bien que parascolaire, comme on l'a relevé. Mais les collègues ne sont pas les seuls acteurs de l'éducation avec qui l'enseignant doit engager un dialogue. Il doit interagir avec tous les intervenants du monde de l'éducation, au premier chef ceux qui ont un lien avec l'établissement dans lequel il oeuvre.

A la section le rapport à l'école comme institution sociale, on a vu que le projet éducatif était le lieu névralgique de la rencontre du mandat que la société donnait aux enseignants et de leur participation à la définition ou redéfinition de ce mandat. Pour pouvoir intervenir dans la formulation de ce projet, l'enseignant doit avoir une connaissance des demandes sociales qui lui sont adressées et, plus largement, de la culture dans laquelle s'insère l'école, comme institution sociale. Ce n'est en effet qu'en connaissant le contexte et les enjeux des demandes de la société envers l'école qu'il pourra prendre des décisions éclairées sur les orientations éducatives et pédagogiques à privilégier. Pour prendre part à cette discussion, il lui faudra acquérir une compétence argumentative. (PALLASCIO et all, 1999 :66) insistent sur l'importance, pour l'enseignant, de s'affirmer professionnellement, c'est-à-dire de défendre ses choix, éventuellement par «l'expression d'un engagement au service d'une situation problématique par laquelle le pédagogue se sent rejoint et concerné, qui le pousse à assumer une responsabilité, à l'exercer, à se compromettre, et qui devient ainsi progressivement pour lui l'objet d'une véritable cause mobilisatrice».

Les qualités identifiées ici peuvent être mises en rapport avec deux éléments structurels essentiels au processus de construction identitaire sur le plan professionnel, soit les mécanismes d'identisation et d'identification. On retrouve en effet dans les qualités énumérées la présence constante et concomitante de la connaissance de soi et du rapport à l'autre. Une synthèse des qualités énumérées, même si elle est réductrice, étaye ce constat.

· Rapport à soi: capacité introspective, réflexive, d'autoévaluation.

· Rapport au travail: savoirs, capacité réflexive, capacité à faire le transfert entre la théorie et la pratique, capacité analytique, capacité à faire des choix, jugement, autonomie, capacité à s'auto-évaluer.

· Rapport aux responsabilités: connaissance des règles déontologiques, sens éthique, délibération éthique.

· Rapport aux apprenants: capacité relationnelle, empathie, écoute, congruence, connaissance de soi, capacité introspective, connaissance des mécanismes psychologiques, connaissance de ses capacités et limites intellectuelles et de ses valeurs.

· Rapport aux collègues: collégialité, sentiment d'appartenance au groupe, compétence dialogique, capacité à travailler en équipe.

· Rapport à la société à travers l'école: connaissance des demandes sociales, de la culture, capacité à s'affirmer, compétence argumentative. Sous chaque composante se retrouvent des éléments qui font référence à la connaissance de l'autre (élève, collègue, société) et à la capacité d'entrer en relation avec cet autre (capacité relationnelle et dialogique entre autres) qui a, en retour, des influences sur soi (culture, savoirs, demandes sociales, appartenance au groupe). Ce rapport à l'autre fait aussi appel au retour sur soi, à la connaissance de soi (capacité introspective, valeurs, capacités et limites intellectuelles). Ceci vient conforter l'idée que dans les éléments qui composent l'identité professionnelle et qui concourent à sa construction, les pôles identitaires d'identisation et d'identification sont présents. Autrement dit, les mécanismes de la construction identitaire se reflètent dans les qualités requises dans l'enseignement comme profession, ce qui conforte l'idée que l'identité professionnelle ne saurait être uniquement une identité socialement donnée (par le groupe des enseignants ou, plus largement, par la société), mais est composé de ce qu'on peut appeler l'identité personnelle (que la personne, s'attribue comme telle) et de l'identité sociale de la personne et fait appel à des dimensions psycho-individuelles et sociales dans sa constitution. Ainsi, le processus de construction de l'identité professionnelle, par la mise en oeuvre conjuguée des processus d'identisation et d'identification et du rapport dialectique à soi et à l'autre, est essentiellement de nature dynamique et interactive. Son caractère dynamique est largement tributaire des phases de crise et de remise en question vécues par les enseignants.

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