CONCLUSION
Nous voici au terme de notre étude qui a
essentiellement porté sur « Les incidences juridiques de
l'interprétation des critères de convertibilité sur les
anciens titres forestiers de la Province Orientale », il convient
à présent de la résumer et de formuler des recommandations
utiles aux autorités compétentes.
En fait, dans ce travail, il s'agissait tout d'abord de
présenter l'interprétation des critères de
convertibilité prévus dans le « Décret
n°05/116 du 24 octobre 2005 fixant les modalités de conversion des
anciens titres forestiers en contrats de concession
forestière » telle que réalisée par la
Commission interministérielle et d'étaler les recommandations qui
en sont sorties et en second lieu, de critiquer juridiquement ladite
interprétation ainsi que ses recommandations pour aboutir enfin,
à dégager ses incidences juridiques aussi bien sur les anciens
titres forestiers de la Province Orientale que sur le reste des titres soumis
à la conversion, par extension.
A l'issue d'une analyse méticuleuse conduite par les
méthodes juridique et exégetique, nous avions abouti aux
résultats selon lesquels, les interprétations ainsi que les
positions prises par la Commission interministérielle sur les
critères de convertibilité sous examen aussi bien en session
ordinaire qu'en celle de recours gracieux, est relativement illégale.
Cet état de fait et de droit a comme incidences juridiques : la
convertibilité des titres illégaux et l'illégalité
des bois issus de ces titres en vertu du principe « omnia fraus
corrumpit ». Subséquemment, ces bois avérés
illégaux ne pourront pas sur le plan juridique écouler sur le
marché communautaire européen et ce, en considération de
la mise en place du « Règlement du Parlement européen
et du Conseil établissant les obligations des opérateurs qui
mettent du bois et des produits dérivés sur le
marché ».
En effet, au cours de la session ordinaire, la Commission
interministérielle a par rapport au critère de la
conformité des éléments constitutifs du dossier,
illégalement jugé non rédhibitoire le plan de relance et
la désignation des personnes en charge de la gérance ou de
l'administration dans le procès-verbal d'une assemblée
extraordinaire ou dans le statut. Or, en droit congolais des
sociétés, les personnes morales sont des êtres abstraits et
n'agissent qu'à travers leurs représentants dûment
mandatés.
Quant au plan de relance qui constitue un plan
d'aménagement provisoire fondant les obligations environnementales et
socio-économiques du requérant appelé à la
signature du contrat de concession forestière après que son titre
soit jugé convertible, la Commission l' a malencontreusement jugé
non-rédhibitoire. A cet effet, l'Arrêté n°028 du 7
août 2008 fixant les modèles de contrat de concession
d'exploitation des produits forestiers et de cahier des charges y
afférent spécialement à son article 10 alinéa 3
exige, in specie, l' élaboration d'un plan de relance en attendant la
mise sur pieds par le concessionnaire forestier d'un plan d'aménagement
endéans quatre ans suivant la signature du contrat de concession
forestière.
En ce qui concerne le critère de la validité
juridique des anciens titres forestiers, la Commission
interministérielle a illégalement considéré les
titres provenant des Autorisations de Prospection forestière (APF)
obtenues avant la publication du Code Forestier en date du 31 août 2002
alors que ces APF ne constituaient pas des titres d'exploitation
forestière mais plutôt un visa administratif permettant au futur
concessionnaire de prospecter une forêt proposée. En sus, elles
ne sont pas reprises dans le Code Forestier comme étant des titres
convertibles qui du reste, abroge à son article 156 les disposions
antérieures et contraires.
La Commission a encore illégalement retenu les GA et
les LI relocalisées et existant avant le Code Forestier alors qu'en
réalité l'opération de la relocalisation constitue, en
réalité, une nouvelle attribution des GA et LI étant
donné qu'elle porte essentiellement sur une concession forestière
non concernée par les titres originaires. Or, en vertu des articles 155
et 156 du Code Forestier, on ne devait plus attribuer les nouvelles GA et LI
car elles ont déjà été substituées par le
Contrat de concession forestière. La Commission a également
considéré les LI transférées ou
échangées pendant que ces dernières, en vertu du Guide de
l'exploitant forestier ne sont pas admissibles pour ces opérations car
n'étant que des simples promesses de GA.
Au regard de l'article 14 du Décret n°05/116 sous
examen, le requérant dont le titre est jugé non convertible
assorti de cette session ordinaire au motif d'insuffisance du dossier pouvait
formuler un recours auprès du ministre en charge des forêts:
session de recours gracieux. C'est dans cette optique que, la Commission
interministérielle a été amenée à
préciser les conditions de recevabilité des pièces
produites au soutènement des recours, les conditions de
recevabilité des preuves de paiement de la redevance de la superficie,
la clarification du caractère fonctionnel de l'unité de
transformation et enfin, la clarification du concept « expiration
du titre » pour cette session de recours.
Quant aux conditions de recevabilité des pièces,
la Commission interministérielle a reçu les pièces
établies en date du 30 juillet 2008, date de sa saisine effective. Cette
position est irrégulière d'autant plus que la date limite de
dépôt de requête était fixée le 25 janvier
2006. En cette même date, tout requérant était
supposé être en ordre avec les critères de
convertibilité. Ce qui revient ainsi à affirmer que toute
pièce établie après cette dernière date
c'est-à-dire in tempore suspecto devrait être
irrecevable.
En ce qui concerne les conditions de recevabilité de
preuve de paiement de la redevance, la Commission interministérielle a
retenu la date du 30 juin 2006 pourtant au 25 janvier 2006, date limite de
dépôt de requête, toutes les redevances de superficie pour
les années 2003,2004 et 2005 concernées étaient
déjà exigibles et à cet effet, tout requérant avant
le dépôt de sa requête, était présumé
de s'en être acquitter. Ainsi, toute preuve de paiement établie
après le 25 janvier 2006 devrait être irrecevable.
Quant à la recevabilité de la preuve de
fonctionnalité de l'unité de transformation, la Commission
interministérielle a retenu le 10 novembre 2008 c'est-à-dire au
moment même où elle siège pour le recours alors que les
critères de convertibilité ne constituent pas des mesures
incitatives au respect des obligations contractuelles mais plutôt des
indicateurs de contrôle relatifs au respect par le requérant des
obligations découlant de son titre préexistant. Ainsi, toute
preuve de fonctionnalité de l'unité de transformation
établie après le 25 janvier 2006 devrait être
irrecevable.
En ce qui concerne la clarification de l'expiration du titre,
la Commission a jugé convertible les titres expirés dont le
requérant s'acquittait de toutes les obligations qui en
découlaient. Cette situation était, à tout état de
cause, illégale étant donné que le titre expiré
n'existait plus sur le plan de droit et par voies de conséquence, ne
pouvait plus être convertible.
Subséquemment à ces positions et
interprétations illégales de la Commission
interministérielle, l'on a pu répertorier pour la Province
Orientale ce qui suit : sur 21 titres jugés convertibles
équivalant à une superficie totale de 3.774.466ha, 14 titres sont
avérés illégaux couvrant une superficie de 2.440.904ha ou
soit 64,6%. Et par extension, sur un total de 65 titres jugés
convertibles par la Commission interministérielle (titres de la Province
Orientale y compris) équivalant à une superficie globale de
9.719.246ha, l'on répertorie 38 titres illégaux jugés
convertibles couvrant une superficie de 5.609.330ha ou soit 57,7%.
Et en revanche, 27 titres jugés convertibles
équivalant à une superficie de 4.109.916ha ou soit 42,28% sont
légaux sous réserve des renseignements supplémentaires
contraires que les rapports officiels ne fournissent pas. Ainsi, en vertu du
principe « omnia fraus corrumpit », tous les bois
issus de ces titres avérés illégaux sont
considérés comme des bois illégaux et probablement
à l'horizon 2013, ceux-ci ne pourront plus juridiquement parlant,
écouler sur le marché communautaire européen et ce, en
considération de la mise en place du « Règlement du
Parlement européen et du Conseil établissant les obligations des
opérateurs qui mettent du bois et des produits dérivés sur
le marché ».
En marge de ces situations de fait et de droit, nous
recommandons au Gouvernement de la RDC et au Président de la
République de ne pas endosser les recommandations de la Commission
interministérielle. Et par une volonté politique réelle
qui passe sans nulle doute par le respect des lois, gage d'une bonne
gouvernance forestière, de pouvoir mettre courageusement en place une
nouvelle Commission de contre vérification qui sera réellement
à l'abri des trafics d'influences politiciens et qui doit être
composée des communautés locales concernées
assistées des spécialistes de droit forestier, la
société civile, des représentants du gouvernement ainsi
que les parlementaires.
Nous recommandons enfin à la RDC, de conclure un Accord
de Partenariat Volontaire FLEGT (APV FLEGT) avec son principal partenaire
à savoir l'Union Européenne, de manière à
contourner la réglementation européenne contre les bois
illégaux qui pourra à toute évidence impacter
négativement sur le commerce international des bois congolais, source
non négligeable, des recettes fiscales du pays.
Pour finir, nous n'avons pas la prétention de pouvoir
épuisé tout le contour de ce sujet d'étude. Ainsi,
d'autres chercheurs pourront orienter des nouvelles recherches notamment
sur :
Ø La convertibilité des titres illégaux
et ses incidences sur les droits de communautés locales et sur
l'environnement.
Ø Les impacts de la mise en place de la
règlementation européenne contre les bois illégaux sur la
filière/bois en RDC.
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