La régulation des télécommunications au Congo( Télécharger le fichier original )par Audry Jostien EYOMBI Université Marien Ngouabi de Brazzaville - Master en droit public 2012 |
Paragraphe 2. ARPCE : un organe neutralisé par le système politiquePar nature de sa mission, l'agence de régulation des postes et communications électroniques a vocation à bénéficier d'un statut similaire à celui que connaissent en France les autorités administratives indépendantes(228).1(*) Un statut qui exige forcement l'indépendance d'action de l'agence de régulation aussi bien vis-à-vis du Gouvernement que du Parlement, a été crée en vue d'assurer dans son domaine de compétence, sans intervention directe de l'administration, un certain nombre de garanties telles-que la protection des droits et libertés, la protection de certaines personnes ainsi que le bon fonctionnement du secteur de l'économie numérique. Mais, les institutions administratives qui, en France, bénéficient d'un tel statut relèvent d'une philosophie démocratique de l'exercice du pouvoir. La régulation indépendante est ainsi le mode de contrôle permettant le maintien de l'équilibre d'un système complexe et structuré tel que l'économie du marché. Ce statut favorise ainsi, le repli de l'action de l'Etat dans le secteur des télécommunications, au profit de l'organe de régulation Elles attestent d'une volonté d'autolimitation de l'Etat par rapport à des droits et libertés particulièrement sensible. Elles doivent la qualité de leur statut et l'effectivité de ce statut à la nature démocratique du système politique au sein duquel elles opèrent. Puisque, naturellement, la régulation d'un secteur économique ne peut s'exercer sans la dame de compagnie. Or, la République du Congo, comme la majorité des Etats africains ne participent pas encore à ce type de système politique. Il atteste que encore d'une philosophe autoritaire de l'exercice du pouvoir. Il s'en suit qu'il transfère difficilement les prérogatives de puissance publique(229) à un acteur qui échappe en principe au contrôle hiérarchique de l'Etat(230). C'est ce que confirment les choix que le Congo a fait sur la question du statut à accorder à l'agence de régulation. Ces choix convergent tous vers une neutralisation statutaire de l'agence. En fait, tout se passe comme si le Congo respectait les conditions formelles imposées par les organes internationaux(AGCS) et communautaires (CEMAC) : création d'une autorité de régulation sectorielle. Tout en s'exonérant des obligations de fonds : non attribution d'une autonomie décisionnelle à l'organe de régulation sectorielle. Le Congo ne récuse donc pas l'idée d'une autorité de régulation séparée du gouvernement. Simplement, il ne peut concevoir que cette séparation entraine la suppression du pouvoir de gouvernement de contrôle hiérarchique. La préoccupation de l'Etat a donc été de trouver une formule qui laisserait intacte leur capacité à orienter la jurisprudence de l'agence. Une formule qui rendrait possible l'activité de l'agence sans que cette dernière puisse s'ériger en une volonté autonome ou indépendante du gouvernement. Concrètement, on observe une diversité de statuts des autorités de régulation en matière des télécommunications. Certaines sont sous tutelle express des Etats, d'autres bénéficient de l'autonomie ou de l'indépendance(231). En effet, l'Afrique compte aujourd'hui cinquante deux Etats, sur les cinquante quatre que compte le continent, qui possèdent les autorités de régulation. Une minorité d'Etats, quinze au total, ont fait le choix d'une autorité non séparé du gouvernement. C'est le cas par exemple du Swaziland, le Benin, la République Démocratique du Congo, la Libye et aussi le Congo. Ces autorités de régulation non séparées du gouvernement sont à l'évidence dans un rapport de tutelle. Ce qui signifie qu'elles ne bénéficient nullement de l'autonomie décisionnelle nécessaire à une régulation efficace. Cependant, la majorité des Etats, trente et sept au total, ont fait le choix d'une autorité de régulation séparée du gouvernement. C'est le cas par exemple de l'Algérie, le Maroc, le Togo, le Cameroun, le Malawi... 1(*)1(*) L'agence de régulation des télécommunications du Congo a un statut d'un `' Etablissement public administratif `'(232).Sa marge de manoeuvre est de toutes les façons limitées. Soit parce que ses membres sont en droit désignées et composés de membres de l'exécutif. 1(*)Ce qui permet au gouvernement d'exercer en toute légalité un pouvoir de tutelle sur cet organisme(233).1(*) Paradoxalement c'est le droit même de l'OMC qui permet aux Etats africains de procéder à une neutralisation statutaire des autorités de régulation(234). Pour créer une agence qui satisfasse aux critères d'une régulation efficace, l'OMC n'impose pas aux Etats un modèle statutaire universel. Diverses options s'offrent donc aux Etats : celle d'un organe de régulation indépendant, autonome ou sous tutelle du gouvernement. Cette diversité des options ouverte aux Etats a pour objet de tenir compte du contexte économique, politique et social et partant, de respecter les traditions juridiques et politiques propres à chaque pays(235). Toutefois, par le jeu de ces options, les Etats peuvent plus ou moins limiter l'autonomie décisionnelle des agences de régulations, voire instrumentaliser ces institutions. Un tel scenario conduit à fausser la transparence du marché. C'est ce qui se passé au Congo, où l'Etat a su mettre à profit le jeu de ces diverses options pour contrer la vocation de cet organe d'une autonomie décisionnelle. Et pourtant, l'élément essentiel de l'indépendance d'une autorité de régulation reste `' la soustraction à la hiérarchie administrative'' (236). Les membres n'ont aucun compte à rendre à l'administration : aucune tutelle, aucun pouvoir hiérarchique ne s'exerce sur eux. Ils ne recevaient ni ordres ni instructions, ce qui fait des Autorités Administratives Indépendantes `' des appendices de l'administration, sur lesquelles cette dernière est sans contrôle `'(237).1(*) Le degré d'autonomie de l'organe de régulation doit s'apprécier non seulement par rapport aux opérateurs, mais également par rapport au Ministère de tutelle des opérateurs publics. L'autonomie par rapport aux opérateurs a pour but d'éviter les problèmes de capture de l'organe de régulation qui ne sera plus en mesure de garantir les intérêts de tous les opérateurs intervenant dans le secteur et ceux des consommateurs. Plusieurs motifs peuvent être à la base de la capture : amitié personnelle ou politique, emploi futur chez les opérateurs, conflit d'intérêt lié à une participation financière, transfert d'argent, etc. Pour ce qui est de l'autonomie par rapport au Ministère de tutelle des opérateurs publics, les solutions mises en place ont divergé selon les pays, de même que leurs historiques et les contextes particuliers, les objectifs du Gouvernement en place. Il est capital pour l'organe de régulation d'être libéré de l'emprise des pouvoirs publics, ce qui signifie, en général, qu'il doit disposer de l'autonomie financière (générer des recettes au moyen des licences, des amendes, etc.). Pour une autonomie contrôlée et efficiente de l'autorité de régulation, le rôle de l'Etat dans le cadre réglementaire va se limiter à la définition des questions de politique sectorielle et du cadre réglementaire. Il s'agit donc pour les autorités publiques de confier l'exercice des attributions de l'administration, en matière de régulation, à un organe crédible et indépendant qui disposerait d'un pouvoir administratif important. L'indépendance doit également s'observer dans la composition de l'organe. Les membres doivent être des techniciens en télécommunication et des experts en : comptabilité, économie, finance et droit. Leur désignation doit être irrévocable pour la durée du mandat.
* 246. Du Marais(B), Droit public de la régulation économique, Op.cit., p.5. * 248. Les prérogatives de puissance publique sont les moyens exorbitants des droits communs reconnus à l'administration et, le cas échéant, à d'autres organismes afin de leur permettre de remplir leurs missions d'intérêt général. (Lexiques des termes juridiques, 18e éd., Dalloz, p. 623). Les prérogatives de puissance publique est un élément essentiel de l'identification de l'établissement public (T.C, 9 décembre 1899, Association syndicale du canal de Gignac, Rec. 731) 249. Placide Moudoudou, Jean Paul Markus, Droit des institutions administratives congolaises, L'Harmattan, 2005, p.128. 250. Vallée(A), Amélioration des performances en télécommunications. Paris, 2001, p. 16. * 251. Chapus(R), Droit administratif général, P. 184-185. 252. Textes juridiques OMC, Annexe 1B, AGCS, p. 355. 253. Do-Nascimento(J), « l'Etat en Afrique face aux contraintes d'une régulation indépendante du marché des télécommunications », revue électronique des droits d'Afrique, Bordeaux, janvier 2000, p., 56. 254. Textes juridiques OMC, Annexe 1B, AGCS, p. 355. 255. Do-Nascimento(J), « l'Etat en Afrique face aux contraintes d'une régulation indépendante du marché des télécommunications », revue électronique des droits d'Afrique, Bordeaux, janvier 2000, p., 56. 256. Moudoudou(P) et Markus(J.P), Droit des institutions administratives congolaises, précité., p. 128. |
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