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La régulation des télécommunications au Congo

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par Audry Jostien EYOMBI
Université Marien Ngouabi de Brazzaville - Master en droit public  2012
  

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Deuxième partie :

Analyse des faiblesses de la mise en oeuvre de la régulation des télécommunications au Congo

Nul n'ignore le rôle capital que jouent les télécommunications et les Technologies de l'Information et de la Communication dans le processus de développement socio-économique de tous les pays.

La croissance des services dans les économies nationales a mis en lumière le secteur des télécommunications.

En effet, l'information peut créer diverses possibilités pouvant engendrer un développement accéléré des autres secteurs économiques et sociaux dont par exemple l'éducation et la formation, la santé, les transports, l'efficacité gouvernementale et administrative, les industries dont les Petites et Moyennes Entreprises, les communautés urbaines et rurales, etc.

Au Congo, longtemps demeuré sous un régime de monopole public, les télécommunications ont été marquées par de profondes mutations depuis les années 90. Deux événements majeurs ont marqué ces mutations : la connexion du Congo au réseau Internet, réseau des réseaux en 1993 et l'ouverture à la concurrence du réseau mobile de type GSM intervenu au début des années 90. L'avènement des nouvelles technologies, notamment de l'Internet et du mobile GSM, en

République du Congo a suscité un grand engouement tant au niveau de l'administration publique, des entreprises que des ménages et des individus. Cela s'est traduit par une appropriation des outils des technologies de l'information et de la communication avec l'implantation sur tout le territoire national d'unités économiques offrant divers services (cybercafé, télé centres, GSM, télévision, radio, transmission de données, maintenance, etc.).

Cependant, avec ce développement, il faille bien une bonne régulation. C'est en 2009 que le Congo se dote d'un organe de régulation. Analyse de la mise en oeuvre de la régulation des difficultés (chapitre 1) auxquelles nous suggérons quelques approches de solutions (chapitre 2)

Chapitre 1. Les difficultés dans la mise en oeuvre de la régulation

Les performances du marché congolais des télécommunications en termes de croissance des investissements privés restent fortement conditionnées par un challenge auquel doivent répondre les décideurs politiques congolais.

Au Congo, il y a eu libéralisation du secteur des télécommunications qui a marqué le passage d'une situation de monopole, où le développement et l'exploitation des réseaux et des services étaient assurés intégralement par un seul opérateur historique de l'Etat, l'Office National des Postes et Télécommunications(203), à une situation de libre concurrence avec plusieurs opérateurs, notamment dans les téléphonies mobiles(204) et accès à l'internet (205), car l'opérateur public Congo Télécom détient le monopole d'exploitation de la téléphonie fixe de `' fait `' et non de `'droit ''(206).

Cependant, comme dans la plupart des pays africains(207), la mise en oeuvre de réformes dans le secteur des télécommunications ne s'est pas faite sans écueils, puisque opéré dans ce secteur n'est pas toujours chose facile pour les investisseurs et l'accès universel au TIC n'est toujours pas une réalité pour les populations.1(*)

Il est sans gène de l'affirmer que les guerres civiles successives qu'a connu le Congo, notamment celles de juin à octobre 1997 et de 1998-1999 ont eu une grande influence sur l'économie congolaise, en l'a rendant `'sinistrée'', pour répondre les propos du professeur Placide Moudoudou (208). Car, durant tous ces moments de troubles, aucun n'investisseur sérieux n'a osé mettre son pied au Congo. Il été difficile donc pour le pays d'importer ou d'exporter, ou encore de faire prévaloir ses potentialités économiques, particulièrement en matière de télécommunications au concert des nations, pour s'attirer des partenaires.

Ces guerres civiles successives ont naturellement contribué à une `' destruction quasi-totale des infrastructures `' dans le domaine des télécommunications, à Brazzaville aux départements(209)

Seul un Etat avec les décideurs politiques animés par une véritable volonté de mettre en oeuvre une vraie politique de régulation, peut faire échec aux facteurs qui, au sein du paysage politique congolais favorisent les atteintes à une régulation indépendante et limitent la croissance des investisseurs privés dans le secteur des télécommunications, privant ainsi la population de l'accès aux services de communications électroniques.

Seul un tel Etat est à même de garantir aux opérateurs économiques l'existence de règles de jeu transparentes, loyales et favorables aux pratiques concurrentielles(210).Transparentes parce qu'elles sont opposables à tous y compris à l'Etat lui-même, au travers l'opérateur historique.1(*)

Il est aisé de constater les limites de la régulation en la matière (Section 1), car elle se heurte sur les pesanteurs de l'environnement politique congolais (Section 2).

Section 1. Limites de l'action indépendante du régulateur

L'expérience de l'agence de régulation peut constituer pour le Congo une source d'apprentissage et d'appropriation de l'esprit et des mécanismes d'un véritable Etat de droit. Elle constitue de ce fait un champ d'observation privilégié des balbutiements de la construction de l'Etat de droit, auquel le Congo aspire en dépit de toutes ces difficultés.

A travers l'exemple de l'agence de régulation, il apparait plus clair que la question de télécommunications au Congo est inséparable de celle d'une démocratisation à part entière des régimes politiques. Puisque, ce n'est que dans une démocratie véritable que l'on peut parler aussi d'une vraie régulation.

Car, cela exige le sacrifice pour l'administration publique de certains de ses pouvoirs, pour se comporter comme tout autre organisme.

En dépit de tous les efforts pour l'instauration de l'instance de régulation indépendante au Congo, le sentiment que l'organe de régulation n'est pas suffisamment fort subsiste toujours et n'est quasiment plus sujet à discussion.

Cette situation indique assurément qu'il existe une vraie et nette corrélation entre le niveau des investissements privés dans le secteur des télécommunications, le degré d'effectivité d'une régulation indépendante et l'existence d'un Etat impartial, alors que, dans la pratique, l'on constate fortement l'interaction entre l'agence de régulation et le gouvernement (paragraphe 1) ; contribue aussi aux limites de la régulation, la politique des installations des pylônes de relais (paragraphe 2).

Paragraphe 1. L'interaction entre l'agence de régulation et le gouvernement.

Pour commencer, il faut rappeler que l'octroi de la personnalité morale n'empêche absolument pas l'exercice d'un pouvoir de tutelle(211) .On comprend dès lors que l'autonomie, quand elle s'accommode à un pouvoir, elle s'avère contradictoire à l'idée de l'indépendance.

La question des rapports entre le régulateur et les autorités politiques présente un intérêt qui va au-delà de la thématique du développement des Nouvelles Technologiques de l'Information et de la Communication(NTIC). Car, une société de l'information ne peut en effet se développer que dans le contexte d'une régulation indépendante du marché des télécommunications

En réalité, partant du principe jurisprudentiel selon lequel il n'y a « pas de tutelle sans texte ni au-delà des textes»(212) et des évolutions rencontrées par la notion de tutelle, il résulte que l'autorité de tutelle peut se retrouver avec des pouvoirs de contrôle très variables.1(*)

C'est en ce sens que dans le cas de l'agence de régulation, les projets de lois et les décrets sont rédigés par le ministre en charge des télécommunications. Il ne sollicite que les avis de l'organisme de régulation dans ses domaines de compétence.

De même le ministère en charge de télécommunications qui attribue les licences, alors que l'instruction des demandes sont assurées par l'agence de régulation1(*) qui fait des recommandations au ministre. Car, les conditions attachées à une licence sont à la base de la proposition avancée par l'agence de régulation, et les modalités et conditions nécessaires pour distribuer les licences dans le cas du mobile ou des services sans fil requièrent une opinion de l'organisme de régulation.

Il existe aussi une responsabilité partagée dans le domaine du service universel (213) : l'agence analyse le cout du service universel et propose le montant de la contribution demandée à chaque opérateur, mais la décision finale est prise par le ministre en charge des télécommunications. L'Etat définit une politique d'accès et de service universel ainsi que les objectifs à atteindre. L'agence met en oeuvre cette politique(214)

Les décisions de l'agence concernant les obligations liées à l'exploitation des réseaux et des services, l'interconnexion, l'interopérabilité et conditions d'établissement des réseaux nécessitent l'approbation du ministre en charge des télécommunications, avant d'être publiées au Journal officiel. Il s'agit d'une limitation de la liberté d'agir pour l'agence, puisqu'une autorisation est nécessaire pour que ses décisions soient validées.

En outre, l'agence de régulation ne peut intenter une action de sa propre initiative que si elle est saisie pour statuer sur un litige.

C'est à juste titre que le théoricien de la régulation économique, William H. Melody écrit « le terme indépendance, tel qu'il est utilisé dans le cadre de la reforme des télécommunications...ne signifie pas l'indépendance à l'égard de la politique gouvernementale ou le pouvoir d'élaborer une politique, mais l'indépendance dans la mise en oeuvre de la politique sans intervention abusive de la part des politiciens ou des groupes de pression industriels...»(215).

En principe, cette autonomie décisionnelle est fondamentale. La question de la relation entre l'organe de régulation et le gouvernement est en effet l'aspect le plus délicat d'une régulation concurrentielle effective du marché des télécommunications. Si elle s'avère sans conséquence dans certains cas de figure, dans d'autres, en revanche, elle peut avoir une incidence à même de remettre en question le caractère concurrentiel du marché.1(*)

C'est le cas notamment au Congo, où précédemment à la reforme, il existait la structure d'exploitation publique de type PTT. Le gouvernement conserve la totalité des parts dans le capital de l'opérateur historique. Le gouvernement, par le biais du ministre en charge des télécommunications peut trouver des raisons pertinentes telles que les programmes d'accès universel pour protéger les intérêts de l'opérateur historique dont il est lui-même un des principaux investisseurs.

Dans cette hypothèse, il n'hésitera pas à exercer une pression sur son organisme de régulation pour que celui-ci favorise l'opérateur historique par rapport à des nouveaux venus sur le marché.

C'est en substance ce qui se passe avec les installations non autorisées par le régulateur des pylônes de relais, dans les domaines publics de l'Etat, réservé pour les installations scolaires publiques, par l'opérateur historique(216).

On comprend ainsi pourquoi la notion de l'indépendance fait l'objet d'acceptions diverses à l'échelle multilatérale selon que l'organe qui se prononce a une vocation technique ou politique.

Aussi, l'agence de régulation des télécommunications est aussi « dans une certaine mesure, subordonné au gouvernement, par le biais de l'homologation ministérielle que doivent recueillir les règlements(...) pour devenir exécutoires »(217).

Enfin, l'agence jouit d'un pouvoir spécialisé, c'est-à-dire cantonné à certaines missions définies par la Constitution ou la loi : définir les conditions d'utilisation des ondes radiophonique, définir les conditions pour créer des fichiers informatiques nominatifs, définir les conditions dans lesquelles les sondages d'opinion peuvent être effectués lors des campagnes électorales, etc.

Toutefois, une indépendance absolue de l'agence de régulation serait contraire à la Constitution, car le Chef de l'Etat seul et par délégation son gouvernement sont des autorités habilitées à exercer le pouvoir réglementaire d'un Etat(218).1(*)

En France d'ailleurs, le Conseil constitutionnel avait censuré le législateur qui, par méfiance à l'égard du pouvoir exécutif, avait conféré au Conseil supérieur de l'audiovisuel français des pouvoirs bien trop larges : Selon le Conseil constitutionnel français, la Constitution (art. 21) ne fait pas « obstacle à ce que le législateur confie à une autorité de l'Etat autre que le Premier ministre le soin de fixer des normes permettant de mettre en oeuvre une loi,(mais) c'est à la condition que cette habilitation ne concerne que des mesures de portée limitée tant par leur champ d'application que par leur contenu »(219).

* 217. Moudoudou, Droit Administratif Congolais, paris, l'Harmattan, 2003, p. 161

218. Les opérateurs de téléphonie mobile sont : Airtel Congo. La compagnie de téléphonie mobile Airtel Congo qui a racheté en avril 2010 les filiales africaines du koweitien Zain, qui à son tour avait racheté Celtel Congo, lui-même créé depuis le 15 décembre 1999, est le plus important opérateur de téléphonie mobile au Congo. Son parc d'abonnés est de 1 250 000 abonnés en 2008(2) ; MTN Congo. La société MTN, également opérateur GSM, est le deuxième opérateur de téléphonie mobile au Congo. Elle couvre plus de 90 villes et localités du pays ; Warid Congo est le troisième opérateur GSM installé depuis 2007.Il est le seul opérateur des trois à jouir d'un partenariat de production avec Congo Télécom, opérateur historique de l'Etat ; Azur Congo. Equateur Télécom Congo, opérant sous la marque Azur Congo est le quatrième opérateur de téléphonie mobile en République du Congo, filiale du groupe BINTEL(4), fournisseur de service de télécommunications au Moyen Orient et en Afrique et qui fait déjà ses preuves au Gabon et en République Centrafricaine.

219. Les fournisseurs d'accès à internet au Congo sont : Alink télécom, Offis télécom et AMC télécom.

220. Le monopole de fait c'est la situation dans laquelle toute concurrence est éliminée, soit naturellement par la puissance irrésistible d'une entreprise sur le marché, soit conditionnellement par l'intervention de la police, qui, pour des raisons d'ordre public, refuse toutes les facilités qu'elle peut donner à une entreprise. Lexique des termes juridiques, 18e ad. Dalloz, 2011.

221. Selon les sources de la Banque mondiale

222. Moudoudou(P), Droit Administratif Congolais, précité ,p. 153

* 224. Moudoudou(P), Droit Administratif Congolais, précité, p. 153.

225. Du Marais(B), Droit public de la régulation économique, précité. p. 98.

* 226. Martin(S), « Les autorités publiques indépendantes, réflexions autours d'une nouvelle personne publique », Paris, RDPSP, janvier 2013, n°1, p.53.

227. C.E, 16 mai 1969, Syndicat national autonome du personnel des chambres de commerce. Rec., p. 206.

228. Article 86, loi 9-2009 du 25 novembre 2009, précité.,

229. Ibid.

* 230. Melody William H : «Telecom Reform: principles, policies and regulator processes »; 1997.Consultable sur le site: http://lirne.net

* 231. En effet, Congo Télécom a installé plusieurs pylônes de relais dans plusieurs écoles publiques sans l'autorisation de l'agence de régulation. C'est le cas au lycée Thomas Sankara.

232. Moudoudou(P) et Markus(J.P), Droit des institutions administratives congolaises, précité, p. 122

233. Article 56 de la Constitution du Congo du 20 janvier 2002.

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"L'ignorant affirme, le savant doute, le sage réfléchit"   Aristote