La régulation des télécommunications au Congo( Télécharger le fichier original )par Audry Jostien EYOMBI Université Marien Ngouabi de Brazzaville - Master en droit public 2012 |
Paragraphe 2. L'action du régulateur indépendant : l'autorisation d'exploitation.`'Les autorités administratives indépendante forment aujourd'hui un ensemble de structures originales dans l'appareil d'Etat `'(158).Par son essence, le régulateur congolais exécute une mission de service public, dans le secteur des télécommunications(159). Au delà de l'octroi de droits exclusifs aux opérateurs privés pour gérer le service public, il existe un régime encore plus « libéral » de fourniture de service public des télécommunications : l'octroi d'autorisation. Le régime des autorisations s'inscrit d'abord dans le régime général de l'acte administratif (160).S'il est difficile de définir précisément la notion de l'acte administratif (161) les autorisations répondent ainsi à certains critères de l'acte administratif (162), et notamment : - Au caractère exécutoire de la décision, qui modifie l'ordonnance juridique existant sans rechercher l'accord des volontés, contrairement au droit civil. - Au privilège préalable, selon lequel l'administration n'est pas obligée de passer par l'intermédiaire du juge pour rendre ses décisions exécutoires à l'égard de l'opérateur, et peut ainsi faire appliquer les conditions de l'autorisation. Ce privilège doit néanmoins avoir un fondement législatif précis. Celui-ci se trouve en général dans des lois sectorielles, qui fixent notamment les dispositions relatives aux pouvoirs de sanction et de contrôle sur les opérateurs. - A l'application du régime particulier des sanctions administratives (suspension, voire retrait de l'autorisation, prescriptions particulières, voire amendes administratives) (163), en complément des sanctions pénales(164) éventuellement instaurées par la loi.1(*) Les conséquences de l'application de ce régime sont considérés dans les pratiques, et d'ailleurs sans doute mal appréhendées par les opérateurs privés(165).Le régimes des autorisations, parce qu'il appartient au régime de l'acte administratif unilatéral, offre moins de garantie à l'opérateur privé que le régime contractuel qui consacre la libre volonté de deux partie. Comme tout acte administratif, le régime de l'interruption anticipée des autorisations est plus favorable à l'agence de régulation que ne l'est le régime contractuel. Certes, les changements de circonstance ne peuvent être invoqués par l'administration pour abroger un acte administratif unilatéral (166). Ainsi, les titulaires d'autorisations bénéficient du principe d'intangibilité des actes individuels créateurs de droit. Cependant, ces principes ne valent qu'autant que les décisions en cause ne sont pas entachées d'illégalité, même de forme. Dans ce dernier cas, le principe de légalité qui régit le droit administratif impose que les actes administratifs soient retirés, c'est-à-dire abrogés rétroactivement. Ainsi, en application des principes généraux issus de la jurisprudence, les actes individuels, même créateurs de droit, comme les autorisations du régulateurs, peuvent être retirés (167), mais dans un délai de quatre mois (168).Il sied de signifier que cette limite de délai ne s'applique pas aux actes réglementaires, qui peuvent être retirés sans condition de délai (169).1(*) Cependant, de même que les contrats de délégation de service public peuvent comporter des clauses réglementaires, les autorisations d'exécuter le service public peuvent comporter les clauses réglementaires inscrites dans un cahier des charges annexé à l'autorisation, par exemple, en France, en application de la loi du 26 juillet 1996 portant réglementation des télécommunications, le cahier des charges de tout opérateur chargé du service universel du téléphone contient notamment des obligations tarifaires, qui sont toutes de portée réglementaire. En matière de contentieux, l'autorisation peut être contestée dans le délai de recours contentieux, de deux mois en France et de quatre mois au Congo à compter de l'accomplissement des formalités de publicité, par toute personne intéressée. Les autorisations de créer des réseaux ou d'opérer des services des télécommunications fournies au public ne sont pas cessibles, elles sont individuelles. L'agence de régulation est le premier organisme de régulation sectorielle, doté de pouvoirs techniques et économiques. Elle est dirigée par un organe technique appelé `'Commission de régulation `' de cinq membres non renouvelables et non révocables, nommés pour un mandat non renouvelables de 6 ans. Le président et deux membres sont nommés par le Président de la République et les deux autres membres le sont respectivement par le président de l'Assemblée nationale et celui du Senat. Les membres sont renouvelés par tiers tous les deux ans. La procédure d'autorisation d'exploitation au domaine des télécommunications été « bradée ». Les opérateurs de téléphonie mobile ont pris d'assaut le secteur des télécommunications en connivence avec des responsables politiques qui, de façon fantaisiste, ont accordé les autorisations d'exploitation sans aucun respect des règles de l'art en la matière. Quand on analyse tant soit peu la pratique par rapport aux conditions de délivrance des autorisations d'exploitation (170), elles sont en violation de l'orthodoxie juridico-administrative d'une part et d'autre part les transactions, négociations et alliances nébuleuses qui se sont opérées au cours de ces «deals». Puisqu'il s'agissait bien sûr de deals entre des pouvoirs publics et les sociétés de télécommunications, il est facile de prévoir que cette situation constitue des bombes à retardement. De leur côté, les sociétés de télécommunications sont conscientes du risque qu'elles prenaient en acceptant de recevoir les autorisations dans des telles conditions et surtout en acceptant de faire le jeu des politiques, qui sont sorts gagnants au détriment de l'État.1(*) Mais vu les énormes avantages de ces contrats qui ne leur exige aucune obligation envers l'État ou envers les citoyens, elles ont accepté, ce qui a coûté cher aux consommateurs qui malheureusement ont fait les frais de ces pratiques d'antan. Du moment où les sociétés de téléphonie mobile sont conscientes que leurs investissements ne sont pas en sécurité du fait même de la nature des transactions, elles n'ont qu'un seul souci: celui de vite rentabiliser leur capital et récupérer leur investissement avant que le déluge ne survienne. 1(*) C'est donc dans ce souci de récupération de leur capital que les coûts de communications sont fixés de façon exorbitante au grand dam du consommateur, qui lui se retrouve dans le jeu sans force. A de fois même au mépris de la réglementation communautaire(171). De même ces sociétés accèdent aux appels internationaux sans passer par la plateforme de Congo télécom, à l'exception faite de la société Warid. * 167. Moudoudou(P), « les tendances du droit administratif dans le Etats d'Afrique francophone », précité, p.124. 168. Article 1er de la loi du 25 novembre 2009. 169. Delvolvé(P), Droit public de l'économie, Paris, 1998, Dalloz, p. 450. 170. De Laubadère(A), Venezia(J.C) et Gaudemet(Y), Traité de droit administratif, tome I, n° 878 et ss., Paris, LGDJ, 1990. 171. Delvolvé(P), Droit public de l'économie,Op. Cit.,p. 450. 172. Des articles 171 à 175 de la loi 9-2009 de la loi 25 décembre 2009. 173. Ibid., articles 176 à 190. 174. Delvolvé(P), Droit public de l'économie, Paris, 1998, Dalloz, p. 451.
* 175. Delvolvé(P), Droit public de l'économie, Paris, 1998, Dalloz, p. 452. 176. Dame Cachet, CE, 3 novembre 1922, Rec. Lebon, p. 790 177. CE, Ass., 26 octobre 2001, Ternon, req. n° 197018. 178. CE, Ass., 3 février 1989, Compagnie Alitalia, Rec. 44. 179. Les conditions de délivrance des autorisations sont posées par l'article 19 de la loi 9-2009 du 25 décembre : « l'autorisation est délivrée par l'agence. L'autorisation doit être notifiée au bénéficiaire dans un délai ne dépassant pas les deux mois à compter de la date de la demande. L'autorisation donne lieu au paiement des taxes fixées par les textes réglementaires(...) ». * 181. Directive n° 10/08-UEAC-133-CM-18, Harmonisant les modalités d'établissement et de contrôle des tarifs de services de communications électroniques au sein de la CEMAC. 182. Vallée(A), « Amélioration des performances en télécommunications », Paris, Seuil, 2001, p. 3 183. Ibid., p. 3 |
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