La régulation des télécommunications au Congo( Télécharger le fichier original )par Audry Jostien EYOMBI Université Marien Ngouabi de Brazzaville - Master en droit public 2012 |
B. Les lois et règlements de tendance libéraleL'expansion qu'a connue le secteur des télécommunications ces deux dernières décennies au Congo a poussé le législateur congolais à renforcer l'arsenal juridique dans ce domaine. Un certain nombre de texte à valeur législative pose des règles d'encadrement du marché entrant dans le champ du droit public économique, notamment en matière des télécommunications. Règle de droit écrite, de portée générale et permanente, adoptée par le parlement dans son domaine de compétence, la loi au Congo a toujours accompagné l'évolution du secteur des télécommunications. La première loi est la loi n° 9-64 du 25 juin 1964, portant création de l'Office Nationale des Postes et des Télécommunications(ONPT), qui était l'organe principal de l'organe de l'Etat, alors que ce dernier jouissait du monopole dans le marché. ONPT était l'organe principal de l'Etat, alors que ce dernier jouissait du monopole dans le marché. C'est choix de ce régime de la socialisation de l'économie et de la planification rigide qui était à l'origine de cette loi (74). En effet, après la chute du président Youlou, le président Alphonse Massamba-Débat arrive au pouvoir avec le soutien des syndicalistes et la force publique le 19 décembre 1963.Quelques jours plus tôt, une nouvelle constitution présidentialiste, affirmant « le caractère républicain, laïc, démocratique et social de l'Etat » avait été adoptée le 8 décembre 1963(75). 1(*) L'O.N.P.T était chargé de l'exploitation du Service public des postes et télécommunications, effectuait le règlement des valeurs, appliquait la législation en vigueur relatives aux postes et télécommunications. Elle est entrée en fonction le 1er janvier 1965.Le vent de la démocratie qui soufflait dans toute l'Afrique noire francophone par le truchement des Conférences Nationales Souveraines a excité le législateur congolais à reformer le secteur des télécommunications. 1. Loi n° 14-97 du 26 mai 1997, portant réglementation du secteur des télécommunications. Cette loi fut l'expression de la `'démocratie administrative`'(76) au Congo, notamment en matière des télécommunications.1(*) Dans l'optique de la libéralisation de l'économie congolaise, cette loi intègre des idées nouvelles dans le secteur des télécommunications, telles-que : la limitation des monopoles et la libéralisation du secteur. Mais aussi, elle introduit pour la première fois le libre jeu de la concurrence dans les télécoms. L'ONPT qui assure une mission de service public est soumis au droit de la concurrence, au même titre que les particuliers. Plusieurs innovations sont alors enregistrées avec cette loi: le monopole de l'Etat est limité à la fourniture des services de base (Téléphone, Télégraphe et le Télex), les autres services sont libéralisés et peuvent êtres fournis par les operateurs privés autorisés(77).Elle détermine aussi les conditions d'acquisition, d'exploitation et d'installations des opérateurs privés. La loi du 26 mai 1997 définit également le cadre institutionnel de la réglementation et l'échelle des pénalités. Pour mieux saisir les enjeux que représente cette loi sur les réformes qu'elle apporte, il est utile de rappeler le contexte de son adoption. En effet, la loi congolaise de réglementation des télécommunications du 26 mai 1997 avait été élaborée et votée sur la base des données économiques congolaises de l'époque mais aussi et surtout européennes et mondiales des années 1990. Le contexte mondial était dominé par la téléphonie filaire mais aussi par le cloisonnement des différents marchés des télécommunications (téléphonie filaire, téléphonie mobile, transmission des données et services de câblodistribution), ce qui exigeait l'évolution vers un cadre réglementaire prenant en compte les différentes exigences du marché des télécommunications et visant à satisfaire les besoins en services de télécommunications(78). Selon les dispositions de cette loi, le réseau public et les services de base (services fixes téléphoniques, télégraphiques et télex, locaux, interurbains et internationaux et les liaisons spécialisées) sont conservés sous droits exclusifs de l'État et concédés à l'opérateur public jusqu'à sa privatisation. Au moment de sa privatisation, qui entraînera la révocation de l'autorisation, une nouvelle autorisation de détention et d'exploitation du réseau public et des services sera délivrée à son acquéreur, pendant une période d'exclusivité fixée dans le cahier de charges. Par ailleurs, l'évolution des Nouvelles Technologies de l'Information et de la Communication a eu plusieurs conséquences dans la législation congolaise. De nombreuses lois sont venues renforcer l'arsenal juridique congolais, on note entre autre : 2. Loi n° 9-2009, du 25 novembre 2009, portant réglementation du secteur des communications électroniques Comme la plupart des États du monde, le Congo n'a pas été épargné par le mouvement mondial de structuration du secteur des télécommunications des années 1990. Aussi, dans le but de mettre fin au monopole de l'État et de libéraliser le secteur des télécommunications afin de satisfaire la demande en la matière, un marché multi opérateurs a été créé, et un nouveau cadre réglementaire a été défini par l'adoption de la loi n° 11-2009 du 25 novembre 2009, portant création de l'Agence de Régulation des Postes et Communications Electroniques. Cette loi a été l'élément déclencheur du processus de libéralisation des télécommunications au Congo La loi 9 dont la teneur donne une place de choix aux consommateurs, à l'article 3, le droit `' de bénéficier des services de communications électroniques `' à toute personne (physique ou morale) : Exploitant, Etat, collectivité ou particulier''.Elle garantie l'accès aux services de communications électroniques sur tout le territoire national ''.Il est plus aisé d'avouer que cette loi pose un principe de base sur la notion d'aménagement du territoire, d'ailleurs recommandé par le règlement de l'Union Economique de l'Afrique Centrale n° 21/08-UEAC-133-CM-18, relatif à l'harmonisation des réglementations et des politiques de régulation des communications électroniques au sein des Etats membres de la CEMAC(79). La loi du 25 novembre remet clairement en cause le monopole que l'Etat jouissait depuis l'accession du Congo à la souveraineté nationale. Le 4e alinéa reconnait « la liberté du choix du fournisseur des services de communications électronique ».1(*) Si la loi n° 14-97 du 26 mai 1997, avait limité le monopole de l'Etat à la fourniture des services de base (Téléphone, Télégraphe et le Télex), celle de 2009 au contraire va plus loin, en libéralisant tous les services. Toutefois, elle laisse `' la gestion des ressources rares `'(80) à l'exclusivité de l'Etat(81). Cette loi est plus ouverte que les premières, par exemple elle prévoit dans son titre XV des Infractions aux opérateurs détracteurs, ayant méconnu ses prévisions et les peines qui leurs sont applicables. Dans l'esprit de mettre en place une concurrence loyale, transparente, non discriminatoire, durable et efficace, cette loi a mis en place des mesures, quelques peu universelles car communes à la quasi-totalité des lois régissant le secteur(82). En se référant à l'article 9 du code civil français qui émet un principe fondamental en droit civil `' chacun à droit au respect de sa vie privée `', reproduit au préambule du code de la famille congolais, le législateur congolais dans la loi n° 9-2009 n'est pas resté en marge du principe posé par cet article, au contraire il étend ce principe jusqu'au domaine des communications électroniques. Il consacre le titre X de ladite loi à `' la protection de la vie privée des utilisateurs `'.Une innovation sous le ciel congolais.1(*) 3. Loi n° 11-2009 du 25 novembre 2009, portant création de l'Agence de Régulation des Postes et Communications Electroniques. Cette loi constitue pour le Congo une véritable mutation en matière politique économique. Elle remet en cause l'autorité exclusive que l'Etat exerce jusque là sur le marché. Cette loi fait de l'organe qu'elle crée un établissement public administratif, doté d'une personnalité juridique et de l'autonomie financière. Le Congo inaugure aussi l'ère des Autorités Publiques Indépendantes. L'autorité administrative indépendante est un mécanisme auquel l'Etat recourt fréquemment pour accomplir certaines fonctions relatives aux libertés fondamentales ou aux activités économiques(83).Seule leur dénomination, suggère les difficultés que représentent de telles autorités puisqu'elle est, comme a pu le rappeler Jean Marc Sauvé « l'expression d'un oxymore que l'on pourrait presque qualifier d'ontologie :celui d'être à la fois une autorité administrative, c'est-à-dire relevant de l'exécutif de l'Etat, mais dans le même temps une autorité indépendante, et donc soustraite au principe rappelé par l'article 20 de la Constitution »(84).Dans ce cadre, l'octroi de la personnalité morale à certaine autorités administratives indépendantes constitue une évolution non négligeable. Le contrôle de l'Etat sur l'organe de régulation passe du contrôle hiérarchique (la Direction Générale des Postes et des Télécommunication), au contrôle de tutelle (Agence de Régulation des Postes et Communications électroniques), exercé par le Ministre en charge des Communications électroniques (article 1er).Car, étant en présence de deux personnes juridiques de droits publiques. En fin, dans l'ordre interne l'on note aussi l'existence des mesures réglementaires, qui encadrent des télécommunications au Congo. On entend par règlement un acte de portée générale et impersonnelle, édictée par une autorité exécutive compétente(85). .1(*) L'article 56 de la constitution du 20 janvier 2002 reconnait que le pouvoir réglementaire appartient au Président de la République. Tandis que l'article 75 reconnait pour sa part expressément que le Président de la République peut déléguer une partie de ses pouvoirs réglementaires à un ministre. Dès lors que ni les principes généraux du droit, ni les matières législatives ne sont en cause, les règlements administratifs peuvent encadrer le marché. En effet, le pouvoir réglementaire ayant pour fonction de mettre les lois en application peut limiter la liberté du marché(86).Les dispositions de décrets qui restreindraient la liberté du commerce et de l'industrie, « trouvent(...) une base légale dans la loi du 1er aout 1905 », à la condition de ne pas outrepasser le cadre législatif(87). C'est le décret n° 64-328 du 23 septembre 1964 qui est le premier texte réglementaire congolais dans le secteur des Télécommunications. Ce décret portait organisation de l'ex O.N.P.T. Après, plusieurs décrets ce sont succédés : 1. Décret n° 83/668 du 30 aout 1983, portant transformation de certaines entreprises d'Etat en entreprises pilotes d'Etat ; 2. Décret n° 98-87 du 25 février 1998, portant organisation et attributions du Ministère de Postes et Télécommunications ; 3. Décret n° 98-86 du 25 février 1998 portant attributions et organisation de la Direction Générale de l'Administration Centrale des Postes et Télécommunications ; 4. Décret n° 99-187 du 29 octobre 1999, portant réglementation de l'interconnexion des réseaux des télécommunications ; 5. Décret n° 2003-124 du 8 juillet 2003, fixant les conditions de gestion, de régulation et de contrôle du spectre des fréquences radioélectriques. Cependant, nous porterons nos analyses sur cinq décrets encore en vigueur. Selon l'ordre de leurs dates respectives d'entrée en vigueur, nous commencerons d'abord par le décret n° 2009-473 du 24 décembre 2009, portant organisation du ministère des postes, des télécommunications et des nouvelles technologies de la communication. Ce texte réglementaire est la preuve suffisante de la volonté des autorités congolaises de libéraliser le secteur des télécommunications, vu l'importance des technologies de l'information et de la communication dans le développement de l'innovation, de la compétitivité, de l'emploi, de la croissance économique et de l'aménagement du territoire dans le pays. A coté des organismes sous hiérarchie du ministre en charge des communications électroniques, notamment le cabinet, l'inspection générale des postes et télécommunication et la direction générale des postes et télécommunications, il y a l'agence de régulation instituée par une loi. Cette agence, au regard du décret n° 2009-473 est l'acteur principal de la gestion du secteur des postes et des télécommunications. En suite, le décret n° 2009-476 du 24 décembre 2009, portant attributions et organisation de la direction générale des postes et télécommunications électroniques. La particularité de ce texte est l'une des attributions controversées qu'il donne à la direction générale des postes et télécommunications. En effet, le paragraphe 2 de l'article 1er dispose délibérément que la direction générale des postes et télécommunications est `' chargée (...) d'élaborer, en rapport avec l'agence de régulation des postes et des communications électroniques, la règlementation en matière des postes et des télécommunications `'.A la lumière de ce dispositif, l'indépendance de l'agence de régulation semble être méconnue, du fait qu'elle n'est plus seule à réglementer le secteur des communications électroniques. Mais, si l'on en tient à la théorie de la hiérarchie des normes précédemment évoqué, ce dispositif est nul et nul effet, pour la simple raison que l'indépendance de l'agence de régulation est instituée par une loi. En outre, s'ajoutera le décret n° 2010-554 du 26 juillet 2010, portant identification des souscripteurs d'abonnement aux services de téléphonie fixe et mobile et conservation des données des communications électroniques. On osera affirmer que ce décret est le chef d'oeuvre de l'agence de régulation, tout simplement en raison du succès qu'a connu et continue de connaitre l'opération de l'identification des souscripteurs d'abonnement aux services de téléphonie mobile et fixe. Cette opération est de plus en plus appréciée par les consommateurs. Au delà d'être un simple texte réglementant les communications électroniques, le décret n° 2010-554 a une grande portée politique. En effet, les articles 2,3 et 4 dudit décret reprennent successivement l'expression `' les opérations, pour des besoins de défense et de sécurité, de lutte contre le banditisme, la pédophilie et le terrorisme(...)''.Cette répétition est un fait exprès, elle montre à tel point que l'opération instituée par ce décret a pour but d'assurer la `' défense et la sécurité `',dans un Etat comme le Congo où l'on peine à retrouver la paix, car après les successives guerres civiles vécues , la paix n'est qu'une lueur, elle est plus que fragile. De même, comme le stipule les articles sus évoqués `' la lutte contre (...) le terrorisme `' trouve aussi son compte. Il faut signaler qu'après le tragique événement qu'a connu les Etats Unis d'Amérique le 11 septembre 2001, `' la lutte contre le terrorisme `' est devenue un cheval de bataille pour tout Etat qui prétend être ami avec cette grande puissance, mais aussi pour sauvegarder ses propres intérêts contre les menaces des terroristes. Enfin, le dernier décret à analyser est le décret n° 2011-734 du 07 décembre 2011, qui est d'ailleurs tout le dernier dans le secteur des télécommunications. Ce décret fixe les conditions d'établissement et d'exploitation des réseaux et services de communications électroniques à très haut débit. Très haut débit que porte ce décret est défini par ce présent texte comme `' la capacité de transmission de l'ordre du Gbit/s dans les réseaux internationaux et nationaux ; de l'ordre de plusieurs dizaine voire centaines de Mbits/s en voie descendante et remontante dans les réseaux de boucle locale''.Or à en croire cette définition, le `'très haut débit `' est lié avec la fibre optique. Cependant, la fibre optique n'est pas encore effective au Congo. Pour une première fois, les autorités congolaises ont anticipé à réglementer un secteur avant son établissement effectif. Il sied de rappeler qu'à l'heure actuelle, plusieurs projets de décrets se trouvent actuellement en examen au secrétariat général du gouvernement. Il s'agit notamment du projet de décret fixant le barème des droits, taxes, frais et redevances en matière d'exploitation des télécommunications et bien d'autres. * 78. Moudoudou(P), Op.cit., p. 18. 79. Auby(J), « Remarques préliminaires sur la démocratie administrative », RFAP, 2011/1-n° 137-138. * 80. Article 1er de la loi n° 14-97 du 26 mai 1997, portant réglementation du secteur des télécommunications. 81. Niombo(S), `' Implication de la société civile des pays de l'Afrique centrale dans les politiques des TIC : Le cas de la République de Congo'', Institut Panos de l'Afrique de l'ouest, 2008. * 82. Préambule du règlement CEMAC n° 21/08-UEAC-133-CM-18, relatif à l'harmonisation des réglementations et des politiques de régulation des communications électroniques au sein des Etats membres de la CEMAC. 83. La loi 9-2009 du 25 novembre 2009 classe dans le lot des ressources rares les fréquences radioélectriques, la numérotation et l'adressage. 84. Article 34 de la loi 9-2009 du 25 novembre 2009. * 86. Titre III de la loi 9, Op. Cit. 87. Martin(S), « Les autorités publiques indépendantes : réflexion autour d'une nouvelle personne publique », RDP 2013-1-003, p., 53. 88. Sauvé(J.M) reprenait l'idée mise en exergue par G. Braibant selon laquelle une autorité administrative ne peut être indépendante puisque la constitution place l'administration sous l'autorité du gouvernement, dans article « Droit d'accès et droit à l'information », in Mélanges Charlier, 1981, p. 703. 89. Lexiques des termes juridiques, 18e éd., Dalloz, 2011, P. 687. 90. C.E, 16 novembre 1986, Sté Smanor, AJDA, 1986,681. 91. C.E, 22 mars 1991, Ass. Fédérale des nouveaux consommateurs et Sté Tousalon, AJDA, 1991.650, note Théron ; un restreignant les périodes de soldes par rapport à la loi de 1906 est illégal. |
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