2. La personne au coeur du dispositif
Florence WEBER, auteur de l'ouvrage Handicap et
dépendance. Drames humains, enjeux politiques, s'est penchée
sur la question. À partir d'enquêtes statistiques et
ethnographiques, elle analyse la prise en charge du handicap et de la
dépendance par les pouvoirs publics.
Elle pointe plusieurs dysfonctionnements de notre
système, en avançant des propositions en vue de
l'améliorer.
L'un des moyens de mise en oeuvre serait d'abord d'inscrire
véritablement la personne concernée au coeur du dispositif. En
matière de handicap, ce que nous appelons le « projet de
vie » est l'élément qui sert à élaborer
les plans personnalisés de compensation au sein de la MDPH. Aux termes
de la loi, une prestation (en nature ou en espèces) est donc
attribuée en fonction des besoins exprimés par cette personne
dans son projet de vie.
Autrement dit, pour un même handicap, en fonction des
différents impacts de la déficience sur les projets de la
personne, la prestation perçue pourra ne pas être la même,
étant donné que les « besoins »
exprimés par la personne pourront ne pas être les mêmes.
La suppression de la barrière d'âge doit avoir du
sens pour les personnes. Cela suppose, selon elle, un mode d'évaluation
unique en fonction du projet de la personne.
Il faut également prendre en compte le fait que la
perte d'autonomie est une notion évolutive nécessitant une
adaptation continue de la prise en charge, puis une politique cohérente
avec le suivi des personnes.
Les parcours de vie, non linéaires, nécessitent
alors de mieux appréhender leurs besoins.
Afin de simplifier le suivi et assurer un
accompagnementcohérent de la personne lourdementdépendante, des
coopérations peuvent être organiséesentre tous les acteurs,
du champ social comme du champ sanitaire.
Il s'agirait alors de prendre en compte les besoinsdes
personnes dans toutes leurs dimensions.
Cescoopérations peuvent conduire à la mise en
placed'interventions coordonnées autour de chaque personneet d'actions
à destination non seulement despersonnes elles-mêmes, mais
également de leur entourage.
3. Vers un système moins complexe et des
réponses plus adaptées
Florence WEBER va plus loin en évoquant l'idée
suivante au sujet des personnes handicapées : « Pour
avoir la possibilité de choisir l'environnement qui leur convient le
mieux, il faudrait diminuer les frais d'hébergement des personnes
âgées les plus dépendantes et diminuer les coûts
(humains et monétaires) du maintien à domicile pour les enfants
et les adultes sévèrement handicapés ».
Un tel projet nécessite de refonder les modes de
financements et le secteur professionnel de l'aide à domicile et du soin
en établissement. Les projets de vie dépendent des solutions
offertes par nos institutions.
Afin de pouvoir réaliser cette convergence, l'auteur
propose de rapprocher les grilles d'évaluation relatives au handicap
ainsi qu'à la dépendance. En effet, les modalités qui
servent à évaluer sont rattachées à des logiques
purement administratives. Les grilles, les barèmes, les guides mettent
en oeuvre des histoires et des définitions diverses de la
catégorie « handicap », ce qui n'empêche pas
les acteurs du domaine de traiter ces problématiques sous la même
catégorie : le « handicap ».
Un guide d'évaluation unifié pourrait ainsi
être composé d'un « tronc commun » et de «
questions filtres » permettant de répartir les personnes ayant
droit à compensation entre plusieurs régimes.
On pourra dès lors aborder le problème sous deux
angles : des évaluations différentes n'empêchent pas
une même problématique de se constituer comme telle ; et si
dépendance et handicap doivent se rapprocher, quelle définition
du handicap serait mise en oeuvre par ces dispositifs ?
Il serait également pertinent d'opérer une
convergence au niveau du panier des biens pris en charge au titre de la PCH et
de l'APA. Il est vrai qu'il est parfois difficile à justifier, aux
yeux des usagers, que l'aide ménagère puisse être prise en
charge au titre de l'APA mais pas de la PCH. À l'inverse, les
allocataires de l'APA ne comprennent pas pourquoi il leur est interdit
d'indemniser ou de rémunérer un aidant familial, alors qu'un
titulaire de la PCH y est autorisé.
Il faut prendre en considération le fait que l'APA,
aujourd'hui, en dépit de la modicité des montants maximum
d'allocation, laissant un reste à charge important pour les
bénéficiaires, prend en compte l'aide aux actes de la vie
quotidienne alors que la PCH, plus généreuse dans ses montants
attribués, ne prend en compte que les seules aides aux actes essentiels
de la vie.
Hélène GISSEROT va également dans ce
sens. Elle estime pertinent d'harmoniser les outils d'évaluation (en
rapprochant les grilles AGGIR et GEVA, le GEVA est le guide d'évaluation
des besoins de compensation de la personne handicapée), d'identifier un
panier de biens et de services communs, de faire converger divers
éléments de la couverture du risque (aide sociale, reste à
charge, tarification des établissements, prise en compte des ressources,
etc.) mais tout en gardant à l'esprit que la transversalité
n'implique pas nécessairement l'uniformité de la prestation.
Toutefois, même si ce phénomène de
convergence n'est pas clairement affirmé par les pouvoirs publics,
certaines pratiques concrètes laissent pourtant déjà
penser qu'elle est réalisable.
Prenons le cas des deux allocations gérées par
les Conseils généraux : l'APA et la PCH. Ces
dernières donnent lieu, au niveau local, à des apprentissages.
Les Conseils généraux se sont basés sur les savoir-faire
acquis au moment de la mise en place de l'APA pour mettre en place la PCH. Par
exemple, des logiciels informatiques créés pour la PCH ont pu
directement inspirer ceux mis en place pour l'APA. Il est possible pour les
personnels sociaux et médico-sociaux de faire carrière dans un
domaine ou dans l'autre. Les compétences circulent, contrairement
à ce que pourrait laisser imaginer la segmentation des grilles et des
référentiels.
Toujours dans le but de faire ressortir toute la pertinence
qu'aurait la convergence des deux politiques, Florence WEBER insiste sur un
autre point : la structuration des professions qui accompagnent les
personnes en situation de dépendance. Pour elle, il serait
intéressant, voire nécessaire, de constituer une profession
autour des services d'aides à la personne. Pour ce faire, il faudrait
donner une base solide au statut professionnel des aidants, ces derniers
gagnant alors en légitimité pour être appuyés sur
l'aspect médical des pratiques réalisées. Ces
métiers, qui attirent essentiellement des mères de famille en
reprise d'emploi, sont en perte d'attractivité : les femmes sont de
plus en plus diplômées et s'arrêtent moins de travailler
lors de l'arrivée d'un enfant. Renforcer leur statut permettrait de
relativiser ces professions.
L'auteur propose la création d'un
« conseiller handicap et dépendance », qui aurait
à la fois des compétences médicales et sociales et qui,
surtout, ne serait pas relié aux instances finançant les
prestations. Il est vrai que de nombreux acteurs intervenant dans les
évaluations (médecins, assureurs...) ne sont pas toujours neutres
dans la mesure où l'évaluation va déterminer le montant de
prestation.
Par ailleurs, une meilleure coordination entre les acteurs
permettra incontestablement d'aller vers un système moins complexe, en
apportant des réponses plus adaptées.
Elle manque aux échelons politiques.
Afin de remédier à ce problème, les
ministères sociaux, le ministère du développement durable
(au titre des transports) et celui des sports ont installé, le 19 avril
2012, un Comité national de coordination de la prévention de la
perte d'autonomie.
Privilégier la prise en compte de la perte d'autonomie
au cours de la vie plutôt que l'approche sectorielle des handicaps
relève de l'intention de la plupart des départements. En effet,
ces derniers souhaitent également améliorer l'approche
territoriale de la question, certains usagers se retrouvés souvent
dépassés par la multitude de dispositifs enchevêtrés
sur le territoire : CLIC, MDPH, services APA du Conseil
général, réseaux MAIA (Maisonpour l'Autonomie et
l'Intégration des malades Alzheimer)...
Le nombre d'acteurs laisse à penser que l'action est
donc pénalisée, la rendant coûteuse.
Il faudrait être plus pragmatique.
C'est dans cette optique que le département du Gard,
pour le citer en exemple, s'est engagé dans la convergence des
dispositifs relatifs aux personnes âgées et handicapées. En
mutualisant certaines réponses, en optimisant les ressources, le Conseil
général a su offrir plus de lisibilité aux usagers.
Dans une approche dynamique, il ne s'est pas contenté
de juste compenser la perte d'autonomie ou la dépendance, mais a
réellement apporté une aide quant au maintien à domicile,
le plus longtemps possible.
Nous avons vu qu'il existait deux outils : la grille
AGGIR relative aux personnes âgées et la grille GEVA relative aux
personnes handicapées. Le département travaille sur le
développement de l'outil GEVA A, à destination des deux
populations.
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