II. Les moyens de mise en oeuvre au regard des enjeux,
des limites et des perspectives caractérisés par cette
convergence
A) Quels sont les moyens de mise en oeuvre ?
1. Une législation, des acteurs multiples
Dans 90 % des départements, une direction de
l'autonomie regroupe désormais les services d'accompagnement de ces deux
populations. Les collectivités appliquent peu à peu l'esprit de
la loi Handicap de 2005, envisageant une convergence des réponses
apportées aux personnes âgées et aux personnes
handicapées.
La future loi Autonomie pourrait accélérer ce
mouvement de rapprochement. En vue de sa préparation, Michèle
DELAUNAY, Ministre déléguée chargée des personnes
âgées et de l'autonomie, a commandé deux rapports :
l'un au gériatre Jean-Pierre AQUINO1 et l'autre au conseiller
général Luc BROUSSY2.
Ces derniers proposent de transformer les actuelles MDPH en
Maisons De l'Autonomie (MDA), qui accueilleraient les deux publics.
Dans la liste des objectifs visés, simplification et
rationalisation sont suivies de près par la recherche d'une
équité de traitement des personnes âgées et
handicapées.
Les MDA permettraient alors d'appliquer une même logique
à l'évaluation de toute personne en perte d'autonomie, quel que
soit son âge.
1 « Anticiper pour une autonomie
préservée : un enjeu de société »,
Jean-Pierre AQUINO.
2 « L'adaptation de la
société au vieillissement de sa population : France,
année zéro ! », Luc BROUSSY.
Et même si le changement des mentalités et des
organisations ne se fait pas du jour au lendemain, cela révèle
une forte volonté de rapprochement sur le terrain.
Nous développerons au sujet de ces MDA par la suite.
La loi de modernisation sociale du 17 janvier 2002,
en reconnaissant le principe d'un droit universel à compensation
des incapacités, donnait une première satisfaction de principe
à la demande de convergence entre les différents dispositifs de
compensation intéressant les personnes âgées en perte
d'autonomie et les personnes handicapées.
L'annonce du plan « Vieillissement et
Solidarités » par le gouvernement à l'issue de la
catastrophe sanitaire de la canicule de l'été 2003 et les
événements de l'année 2004 qui ont suivi ont permis de
faire émerger ce principe de convergence dans les politiques publiques.
Nous pouvons citer la publication de l'avis du Conseil Economique et Social
présenté par Maurice BONNET 1, le décret
du 25 juin 2004 sur les soins à domicile et surtout la loi du 30 juin
2004 relative à la solidarité pour l'autonomie des personnes
âgées et des personnes handicapées instituant la CNSA, et
enfin l'examen et le vote par le parlement le 11 février 2005 de la loi
sur l'égalité des chances et des droits, la participation et la
citoyenneté des personnes handicapées, qui ont permis de
reconnaître officiellement le principe de convergence.
Les pouvoirs publics ont fini par entendre les demandes
portées non seulement par les organisations représentatives mais
également par les instances de l'Union Européenne qui demandent
instamment aux pays membres de se conformer aux prescriptions de la Charte des
Droits fondamentaux (en annexe 3, quelques pages relatives au sujet). Cette
dernière interdit toute forme de discrimination, par le sexe,
l'âge, le handicap, l'orientation sexuelle dans les systèmes de
protection sociale.
L'enjeu principal étant bien celui de
l'égalité de traitement de toute personne en manque ou en perte
d'autonomie quel que soit son âge, en lisant l'article 13 de la loi du 11
février 2005 (annexe 4), nous constatons que c'est le sens même de
cette disposition législative.
Il prévoit une distinction selon l'âge en
matière de compensation du handicap et de prise en charge des frais
d'hébergement en établissements sociaux et
médico-sociaux.
1 Maurice BONNET, Pour une prise en charge
collective, quel que soit leur âge, des personnes en situation de
handicap, Rapport au Conseil Economique et Social,
mars 2004.
Cet article renvoie à une harmonisation de l'APA et de
la PCH et à une réforme de la tarification des
établissements et des services sociaux et médico-sociaux. De
plus, il soulève la question des prestations d'aide sociale puisque,
depuis la loi de 2005, des personnes ayant les mêmes ressourceset les
mêmes besoins peuvent être traitées différemment
selon leur âge. Se trouve également interrogée, de
manière plus globale, la nature des interventions prises en compte dans
une future prestation de compensation intéressant toutes les
catégories de personnes en situation de handicap.
D'autres acteurs entrent en jeu : les MDPH, dont les
équipes pluridisciplinaires (PCH), les équipes
médico-sociales (APA), les centres ressources territoriaux (comme les
CLIC).
Les Agences Régionales de Santé (ARS)
apparaissent également comme un véritable atout, permettant une
concentration des outils de pilotage et de programmation au niveau
régional.
Par ailleurs, la création et l'action de la CNSA
peuvent représenter le premier signe tangible d'une convergence entre
les politiques en direction des personnes âgées et
handicapées. En effet, cette dernière conduit les
représentants de ces deux populations et les organismes oeuvrant en leur
direction à poser le problème de l'équité des
dispositifs existants.
Les discussions ouvertes au sein du Conseil de la CNSA ou, en
amont de celui-ci, dans le cadre du GR 31 (Groupe de Réflexion informel
des 31 associations représentant les personnes âgées et
handicapées et les institutions qualifiées membres du Conseil de
la CNSA) qui s'est substitué au GRITA (Groupe de Réflexion sur
les Incapacités à Tout Age), contribuent ainsi à
construire une culture commune entre les deux secteurs.
Parmi les autres acteurs ayant abordé cette question,
nous trouvons l'UNIOPSS :Union Nationale Interfédérale des
OEuvres et Organismes privés Sanitaires et Sociaux. Aux
côtés de beaucoup d'autres organisations, elle milite depuis
plusieurs années pour que cesse la discrimination par l'âge dans
les modes de compensation des incapacités et des handicaps. Pour
l'UNIOPSS, il est difficile d'admettre qu'une personne soit plus ou moins bien
prise en charge au seul motif qu'elle ait été
« handicapée » trop tôt ou trop tard.
C'est ainsi que, dès sa constitution, l'UNIOPSS a
rejoint le GRITA.
Le GRITA comportait, quant à lui, des
représentants du champ du handicap ainsi que de celui des personnes
âgées. Ce groupe avait à plusieurs reprises
déjà ouvert le débat autour de ce qu'il nommait
« la compensation universelle quel que soit l'âge ».
Pour lui, il est du ressort des pouvoirs publics de compenser les
conséquences de la situation de handicap pour favoriser
l'égalisation des chances de la personne dans tous les domaines de la
vie. Ce droit à compensation doit prendre en compte l'ensemble des
besoins résultant de la situation de la personne et vise à
restaurer son autonomie. La compensation de la situation de handicap conjugue
la mise en oeuvre coordonnée de moyens indissociables et
complémentaires tels que les aides techniques, humaines,
animalières et l'adaptation des lieux de vie. Ce droit à
compensation doit être garanti à toute personne en situation de
handicap quels que soient son âge, sa situation au regard de l'emploi et
son lieu de vie habituel.
Les moyens de compensation à mettre en oeuvre
résultent d'une évaluation individualisée des besoins de
la personne, tenant compte de l'origine et de la nature de la
déficience, de ses capacités et de ses incapacités, de son
environnement, des facteurs personnels (comme le sexe, l'âge, la culture,
les ressources...) et essentiellement de la façon dont elle veut mener
sa vie.
Pour le GRITA, cette évaluation doit être un
processus de négociation entre la personne concernée et les
équipes pluridisciplinaires. Elle ne doit pas être le
résultat de l'application mécanique d'une grille ou d'un
barème. Les équipes d'évaluateurs devraient alors
s'organiser au sein des maisons départementales communes à toutes
les personnes en situation de handicap.
Même si le législateur, à travers sa
rédaction de la loi du 11 février 2005, n'a pas retenu la notion
de handicap relative à la CIF, force est de constater qu'elle est
certainement de nature à fournir un point d'ancrage à la
convergence souhaitée en posant les analyses en termes de prise en
compte de conséquences générées par un trouble de
la santé et non plus de catégorisation selon un handicap
considéré comme originel.
Cette loi renvoie à une approche favorable de cette
convergence, avec l'intégration, dans sa définition de la
personne handicapée, des notions de limitation d'activité et de
restriction de la participation sociale. La prise en compte comme
élément premier du projet de vie de la personne sur laquelle va
s'appuyer l'évaluation de ses besoins et la constitution d'un plan
personnalisé de compensation doit aussi permettre de s'adresser de
manière identique à toute personne quelle que soit l'origine de
son problème.
Il s'agit là d'un autre levier possible : mettre
la personne au coeur du dispositif.
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