2.2. L'expérience de la convertibilité en
France et en Chili
Les expériences réussies en matière de libre
circulation des capitaux sont abondantes. Quasiment, tous les pays
développés constituent une preuve vivante. Un nombre important de
pays émergents ont pareillement exécuté des
phénomènes pendant des intervalles de temps très courts.
Leur secret selon les observateurs, repose essentiellement sur leur ouverture
financière.
Parmi ces pays, on a décidé d'exposer
brièvement les expériences de deux d'entre eux :
- La France qui est un pays développé n'ayant
totalement détruit le contrôle des changes que très
récemment ;
- Le Chili qui est un pays émergent qui a ouvert son
compte financier adroitement, et a surtout connu comment faire face aux
circonstances difficiles, ce qui l'a épargné des crises qui ont
fortement secoué des pays voisins et très semblables à
lui.
On a retenu ces deux pays de niveaux de développement
initial différents pour voir si la réussite de la
libéralisation des mouvements de capitaux n'est pas uniquement
réservée aux pays développés.
118 Y compris en régime de change Flexible, c'est le cas
notamment du Canada vis-à-vis des Etats-Unis.
BEN AYECHE Manel FSEG Sousse
2.2.1. L'expérience Française
La France possède une longue expérience en
matière de contrôle des changes. Dès 1932, un décret
a réglementé les transferts financiers avec les
non-résidents, et des dispositifs plus ou moins restrictifs ont
été maintenus ; à l'exception d'une brève
période de liberté entre 1966 et 1968 jusqu'à leur
abolition définitive en 1989.
A. Une inefficacité
avérée
En répondant à une question que nous avons
adressée à Drumetz (2003)119 sur les raisons ayant
poussé la France à démanteler le contrôle des
changes, elle a affirmé : "Le contrôle des changes en France s'est
avéré inefficace dans la mesure où il n'a pas
empêché maintes dévaluations au franc".
Le contrôle des changes considéré comme
un instrument de défense du taux de change n'a pas empêché
le franc de sortir du Serpent Européen à deux reprises: en
janvier 1974 et en juillet 1976. A partir de 1976 jusqu'à
l'établissement du Système Monétaire Européen (SME)
en 1979, le franc s'est déprécié de 30% vis-à-vis
du deutsche mark malgré les contrôles renforcés sur les
mouvements de capitaux.
L'ouverture du compte financier en France a été
envisagée, dès le départ, comme un élément
d'un processus global d'établissement d'une structure économique
et financière saine et consistante.
B. Le rôle d'une politique économique
saine
Des réorientations majeures se sont produites en France
depuis 1983. Les autorités se sont rendu compte que les politiques
économiques ne devaient pas différer de celles des voisins. La
politique monétaire stricte a joué un rôle
déterminant pour créer un environnement anti inflationniste.
La Banque de France a supprimé le contrôle
quantitatif du crédit en 1985. A partir de 1979, la France s'est
engagée à limiter les fluctuations du franc dans le cadre du SME.
Cet engagement a agi comme une contrainte positive pour l'économie et la
politique monétaire, imposant ainsi une certaine discipline. Une
politique cohérente a préparé et a suivi la lutte contre
l'inflation, ce qui a donné au franc sa crédibilité
interne et externe.
La politique budgétaire a également
été un élément important d'une politique
économique saine et cohérente. Le Trésor a su se financer
par des moyens non monétaires, le rôle clé étant
joué par la réforme du marché de la dette publique qui a
attiré l'épargne domestique et étrangère.
119 Entretien dans le cadre du stage, Direction de la Balance des
paiements - Banque de France, juin - juillet 2003.
C. BEN AYECHE Manel FSEG Sousse
Le rôle d'une politique financière
saine
Une gestion financière doit être soutenable et
crédible, cherchant à maintenir un climat macro-économique
favorable à la compétitivité permettant une allocation
optimale des ressources.
En France, le marché financier a été
adapté à la réalité d'une économie ouverte
dans le cadre d'une déréglementation financière et une
stabilité du secteur financier.
En 1985, le marché des produits dérivés
(MATIF)120 a été crée, le marché des
titres de l'Etat a été développé, comme
réponse à la nécessité d'introduction de nouveaux
produits financiers susceptibles, dans un environnement
caractérisé par l'innovation financière, d'attirer les
résidents et les non-résidents et réduire les coûts
de financement.
Le marché monétaire a été
complètement réorganisé en deux compartiments: un pour les
transactions interbancaires et un autre ouvert à d'autres investisseurs
et emprunteurs.
La loi bancaire de 1984 a favorisé l'harmonisation des
institutions de crédit et la dérégulation
financière. Les banques publiques ont commencé à
être privatisées en 1986. C'est ainsi que le système
bancaire a été libéralisé et la supervision
bancaire est devenue plus efficace dans un cadre concurrentiel,
caractérisé par une libéralisation graduelle des flux de
capitaux. En 1989, le contrôle des positions de change globales des
banques commerciales a été supprimé et remplacé par
une réglementation relative à la surveillance
prudentielle121.
La crédibilité des politiques suivies et le
développement des marchés financiers ont réduit les
risques d'ouverture.
D. L'importance d'une séquence
graduelle
L'expérience française peut être
analysée comme un cas classique de libéralisation du
contrôle des changes selon une séquence prudente et graduelle:
? la libéralisation du compte courant peut se faire en
fur et à mesure ou précédée par les réformes
pour développer le secteur réel et acquérir la
compétitivité de l'économie domestique;
? ces réformes permettent également d'attirer et
maîtriser les investissements étrangers une fois
libéralisés;
? la libéralisation des investissements de portefeuille
doit être coordonnée avec le renforcement du secteur bancaire et
le développement d'un marché financier efficient dans le cadre
d'une supervision bancaire et une discipline financière;
120 Marché à terme d'instruments financiers.
121 Une réglementation prudentielle inspirée des
décisions du comité de Bâle.
BEN AYECHE Manel FSEG Sousse
? les réformes ont un impact sur la politique
monétaire qui, à son tour, a des effets transmis via les
intermédiaires financiers. Ils sont propagés à travers le
marché financier et affectent le comportement des agents
économiques dans leurs choix d'investissement.
De l'expérience française, on peut tirer les
conclusions suivantes :
y' la séquence de la libéralisation du compte
financier dépend de la nature des contrôles, de l'objectif des
réformes et de la situation initiale de l'économie;
y' l'économie française était
suffisamment solide pour réussir la transition (rôle du secteur
réel);
y' la nécessité de préparer un climat
économique sain et cohérent caractérisé par une
réglementation prudentielle, des procédures comptables et une
surveillance adaptée aux secteurs réel et financier et capable de
gérer les risques associés aux flux de capitaux;
y' un rôle substantiel de choix de régime de
change approprié122 et une politique monétaire
consistante visant la stabilité des fondamentaux
macro-économiques. C'est ainsi que le franc français n'a pas vu
son cours pivot ajusté malgré les pressions de 1992 - 93
provoquant la crise du SME. Le franc a rejoint l'Union Monétaire le 1er
janvier 1999 avec la parité de janvier 1987.
L'expérience française a prouvé que la
libre mobilité des capitaux peut être compatible avec la
stabilité du taux de change, dès lors que les autorités
adoptent des politiques soutenables et crédibles.
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