2.2.2. Expérience Chilienne
Le Chili a souvent été pris pour un
modèle de réussite en matière de libéralisation du
compte financier. Après une première expérience dans les
années 1970, caractérisée par une allure trop rapide
conduisant à une crise bancaire123, le Chili a su tirer des
leçons en adoptant une approche graduelle à partir de 1985. Cette
fois-ci, il a réussi son ouverture malgré les circonstances
macroéconomiques difficiles (Johnston et al., 1999)124.
En tirant l'expérience du Chili est peut être la
plus riche en enseignements et ceci pour essentiellement deux raisons. Tout
d'abord, le Chili était un des rares pays où la monnaie
122 Le franc français évoluait dans le cadre du
SME.
123 Le système bancaire n'était pas
préparé pour faire face à la libre circulation des
capitaux.
124 Johnston, R.B., Darbar, S.M., Echeverria, C. 1999.
Sequencing Capital Account Liberalization: Lessons from Chile, Indonesia,
Korea, and Thailand. International Monetary Fund.
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nationale est devenue convertible. Deuxièmement,
l'économie du Chili est aujourd'hui entièrement libre de toute
restriction du compte de capital. Il est donc intéressant d'examiner la
réussite d'une telle économie. Avant 1970, le Chili était
une économie fermée avec un niveau d'endettement relativement
élevé. Des réformes macroéconomiques et
institutionnelles radicales ont été lancées après
une longue période inflationniste.
La politique monétaire a joué un rôle
déterminant dans la réussite du processus de
libéralisation. Cette politique est principalement
caractérisée par la mise en place progressive des instruments
indirects du contrôle monétaire et l'indépendance de la
Banque centrale depuis 1989.
Il est important de souligner le gradualisme dans le processus
de libéralisation des flux de capitaux au Chili qui a duré plus
d'une décennie. Aujourd'hui, les mouvements de capitaux sont totalement
libres.
? La politique budgétaire, par sa discipline, a
été l'un des facteurs essentiels qui ont activement
contribué à la lutte contre l'inflation.
? La politique fiscale a été adaptée aux
différentes situations de l'économie chilienne, en l'utilisant
comme un moyen indirect pour attirer ou limiter les flux de capitaux.
Tous ces facteurs favorables ont contribué à la
réussite de l'ouverture financière de l'économie
chilienne.
A travers l'expérience chilienne, on peut tirer les
conclusions suivantes:
=> L'ouverture du compte financier a permis aux
entrées d'IDE d'atteindre un seuil record en 1989;
=> La libéralisation sélective des capitaux a
été réalisée conformément aux
évolutions macroéconomiques.
=> Le contrôle des capitaux spéculatifs a
permis au pays de se maintenir à l'abri des renversements;
=> Le contrôle des capitaux à court terme a
été progressivement abandonné après la restauration
des équilibres;
=> La libéralisation des sorties de capitaux a
été réalisée après le renforcement du solde
de la balance des paiements par les entrées;
=> Lors de la crise mexicaine en 1994, le peso chilien a
mieux résisté que les monnaies des voisins.
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D'ailleurs, le Chili n'a pas eu besoin d'avoir recours au FMI
comme l'Argentine et il a même prépayé une partie de sa
dette extérieure.
? La réussite de l'ouverture financière du Chili a
résulté de la maîtrise des dépenses publiques, de la
crédibilité de la Banque centrale dans sa lutte contre
l'inflation, de l'attractivité de l'économie et de la
surveillance stricte des institutions financières. A travers ces deux
expériences (France et Chili), on a déduit qu'il y a de fortes
relations entre la libéralisation du compte financier, les
réformes du secteur financier et l'adaptation de la politique
monétaire et de change. On a conclu que la libéralisation du
compte financier doit être envisagée comme une part indissociable
des réformes stratégiques y compris dans le secteur réel
qui doit être en mesure d'offrir des opportunités qui retiennent
les résidents et attirent les non résidents.
Tirer le maximum de bénéfices et limiter les
risques de la libéralisation nécessite de prêter une
attention particulière au "Sequencing" d'ouverture, qui peut être
différent d'un pays à l'autre, selon la situation initiale de
l'économie, les objectifs et les circonstances conjoncturelles.
L'ouverture du compte financier n'est pas un luxe
réservé aux pays développés à l'instar de la
France, mais elle est également envisageable pour les pays
émergents qui en ont déjà fait preuve de réussite
à condition qu'ils soient bien préparés et surtout qu'ils
aient une économie attractive.
Certes la convertibilité totale et l'ouverture
financière stimule la croissance, mais elle expose les pays au risque de
crises, qui peuvent avoir des conséquences très
dommageables
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