A. Les facteurs déterminants des flux de
capitaux
BEN AYECHE Manel FSEG Sousse
L'intérêt de l'investisseur international
s'explique principalement par la recherche du profit en tenant compte du
rapport rendement - risque. Ce point résume, d'une manière
générale, les facteurs susceptibles d'influer sur l'orientation
des flux de capitaux.
? Le contexte économique
intérieur
- Un taux de rendement attractif dans un environnement
stable: les capitaux étrangers se dirigent vers les pays où
il y a des opportunités d'investissement très avantageuses, dans
la mesure où elles offrent des taux de rendement élevés
corrigés en fonction du risque. Cette rentabilité découle
des gains de productivité conséquence des réformes
structurelles, de la stabilité et de la confiance dans la gestion
macro-économique;
- Un taux de croissance élevé: lorsque
le taux de croissance du PIB est élevé, le taux de rendement
également est élevé. Ceci attire les capitaux
étrangers. Il est probable que les deux phénomènes se
traduisent concurremment: les mouvements de capitaux sont plus
élevés lorsque la croissance est forte, mais une croissance
robuste dépend elle-même de l'entrée des capitaux;
- Un rating attractif : la qualité des ratings
accordés par les agences de notation internationales (Moody's, Standard
and Poors, Fitch)114 joue un grand rôle dans la mesure
où la note peut se définir comme l'appréciation du risque
de défaut d'un pays. On trouve ici la notion du risque pays qui se
définit comme étant le "risque associé à
l'évolution économique et politique, susceptible d'avoir un
impact sur les opérations internationales des résidents ou des
non résidents" (Maames, 2003)115.
- Une spéculation possible: il y a fuite de
capitaux devant une anticipation de dépréciation ou de
dévaluation116 de la monnaie nationale ou une baisse des
cours des titres domestiques. Il y a un afflux ou une arrivée massive
des capitaux lorsqu'on prévoit l'inverse. Si les prévisions se
réalisent, les opérations opposées seront
effectuées et des gains de change ou de fluctuation favorable des cours
seront tirés (c'est la notion de la hot money).
? L'intensité des restrictions aux mouvements
de capitaux imposées par les autorités
- Un assouplissement du contrôle des changes:
dans une telle situation, les étrangers peuvent plus facilement et
à moindre frais investir et retirer leur argent à tout moment.
L'absence du risque de non transfert découlant de la libre circulation
des capitaux, constitue l'un des éléments les plus attractifs des
capitaux étrangers;
114 Agences de notation telles que : Moody's, Standard and Poors,
Fitch,....
115 Maames. K, Séminaire : Le risque pays et la banque,
ESB, avril 2003.
116 On parle de dévaluation lorsque le taux est
fixé administrativement et de dépréciation lorsqu'il est
déterminé par le marché selon l'offre et la demande des
devises.
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- Une prévision de l'introduction du contrôle
des changes: l'anticipation de l'adoption de mesures hostiles aux
mouvements de capitaux provoque une panique et une hémorragie de devises
vers l'étranger avant qu'il soit trop tard. En France, l'arrivée
de la gauche au pouvoir en 1981 (Mitterand, 1981) a provoqué la panique
du secteur privé qui a anticipé le contrôle des changes et
la nationalisation des entreprises. Ceci a entraîné des fuites de
capitaux et a poussé le gouvernement à rétablir
effectivement le contrôle des changes pour freiner ces
hémorragies. Le contrôle des changes est un
phénomène auto-réalisateur, sa prévision provoque
son adoption;
- Un assouplissement de la politique à
l'égard de la propriété étrangère:
à la faveur du vent de la libéralisation qui a
soufflé à la fin des années 1980 et tout au long de la
décennie suivante, les autorités de nombreux pays
émergents ont vendu des sociétés de l'Etat à des
investisseurs étrangers. Ces transactions ont considérablement
accru les entrées de fonds au moment de l'achat, de recapitalisation ou
d'expansion des sociétés privatisées.
? Les politiques pouvant avoir une incidence sur le
degré du risque et du rendement
- Le cadre juridique, financier, réglementaire et
technologique: certains pays ont modifié leurs systèmes
juridiques, ont ouvert leurs marchés financiers et ont pu se doter des
marchés plus profonds en offrant les meilleurs moyens de se
protéger (opérations de couverture). Le degré de
performance technologique joue également un rôle
déterminant en matière d'attractivité, en permettant un
accès rapide à une information juste;
- La fourniture de garanties implicites ou explicites:
ces garanties peuvent bien attirer des capitaux étrangers.
Cependant, ces politiques donnent parfois lieu à des entrées
excessives ou injustifiées de capitaux. Un taux de change fixe par
exemple, éliminera le risque de change et fera augmenter les afflux de
capitaux (c'était le cas des pays émergents asiatiques);
- L'anticipation de l'aggravation de la fiscalité:
dans ce cas, les fonds quittent le pays pour aller dans des endroits
où le taux de pression fiscale est plus favorable, tels que les paradis
fiscaux;
- La situation socio-politique: l'instabilité
politique ou sécuritaire, d'une manière générale, a
des effets néfastes sur l'attractivité et entraîne
même la sortie des capitaux domestiques. Qui dit flux, dit aussi reflux.
Plusieurs pays ont vu les capitaux sortir massivement de chez eux après
les avoir attirés. Le revirement est le résultat d'une perte de
confiance et de crédibilité dans la politique intérieure,
lequel soumet la monnaie à des attaques spéculatives et provoque
une crise de balance des paiements.
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La libéralisation des mouvements de capitaux a certes
des gains indéniables, mais elle peut également avoir des
coûts lorsqu'elle n'est pas bien maîtrisée.
B. Les conséquences de la libre circulation des
capitaux : Gains et Coûts
La libre circulation des capitaux peut être très
bénéfique pour l'investissement et la croissance, chose à
laquelle aspirent tous les pays. Toutefois, elle rend l'économie plus
sensible et plus vulnérable quant aux événements externes
ou internes.
? Les gains
- Une discipline macro-économique favorable
à la croissance: comme réponse à une question
adressée à Mme Coudert117 sur l'abandon de
souveraineté en optant pour la libéralisation, elle avait dit: "
Si on opte pour la libéralisation, il faudra plutôt parler d'une
discipline que l'on s'impose, sinon on est immédiatement
sanctionné par le marché".
L'ouverture financière et le risque de
volatilité des capitaux renforcent l'incitation à adopter des
politiques macro-économiques prudentes et saines. On ne peut faire
n'importe quoi dans un cadre libéralisé, sinon la sanction du
marché est immédiate: un petit malaise se traduit par la perte de
confiance et de crédibilité et par conséquent la fuite des
capitaux. Dans la mesure où la discipline macro-économique se
traduit par une plus grande stabilité économique et
financière, elle favorise des taux de croissance plus
élevés;
- Une intégration financière plus
poussée: l'intégration financière internationale sera
d'autant plus forte que seront réunies deux conditions: la
mobilité des capitaux qui implique leur déplacement
géographique et la substituabilité des actifs, plus
particulièrement d'une devise à une autre dans un cadre de
convertibilité des monnaies.
? Les coûts
- Un risque d'érosion des réserves de
change: l'instauration de la convertibilité totale peut dans un
premier temps conduire à des sorties massives de capitaux par des agents
économiques qui, pendant longtemps étaient privés de cette
faculté;
- Fluctuations erratiques du taux de change: les
entrées et les sorties alternées des flux de capitaux influencent
le niveau du taux de change;
-Mouvements pro-cycliques et perte de stabilité
macro-économique: la volatilité des capitaux à court
terme provoque des renversements brusques. Les fortes entrées
entraînent une expansion de la demande intérieure - surchauffe
macro-économique - qui se traduit par des tensions inflationnistes. Les
avoirs extérieurs, étant un élément des
contreparties de la masse
117 Mme. Coudert de la Direction des Etudes de Marché
et des Relations avec la place, Banque de France, a répondu à nos
questions pendant le Stage pratique.
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monétaire, leur afflux excessif conduit à
l'expansion de la monnaie en circulation, à l'inflation, puis à
l'appréciation de la monnaie nationale en terme réel, creusant
ainsi des déficits courants;
- Perte d'autonomie des politiques économiques:
plus particulièrement, dans le domaine de la politique
monétaire, il est difficile de s'écarter du niveau des taux
d'intérêt des pays partenaires, sauf à risque des
fluctuations erratiques des taux de change118 ;
-Risques liés à la pénétration
des banques étrangères: la présence de banques
étrangères peut ne pas contribuer à la stabilité
financière, si elles ont tendance à réduire leurs
opérations et à quitter le pays en cas de crise.
Concernant le degré de mobilité des capitaux, on
peut défendre une thèse ou une autre, mais au delà de
toute théorie, la pratique apparaît beaucoup plus complexe. Il ne
suffit pas, par exemple, de choisir de basculer d'une situation de
contrôle strict à une libre mobilité des capitaux. Les
coûts risquent fortement de l'emporter sur les avantages lorsque l'on n'a
pas mis en place les moyens nécessaires.
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