INTRODUCTION GENERALE
Les mouvements des populations ont pendant longtemps
animé le vécu des africains. Depuis le moyen âge, l'Afrique
de l'Ouest est inscrite dans une dynamique de circulation des personnes et de
commerce transsaharien entre le Maghreb et l'Afrique noire. La colonisation
suivie de la naissance des Etats contemporains dont l'une des manifestations
est l'apparition de barrières juridiques inscrit le commerce frontalier
dans un autre contexte. La recomposition territoriale traduite par le
développement de petites et moyennes villes a aussi entrainé
l'émergence d'espaces frontaliers reconnus comme tels et animés
par des flux commerciaux organisés autour des villages ou
villes-marchés. Les populations ignorant ou tirant profit de la
frontière ont continué à commercer entre
elles11. C'est ainsi que les frontières nationales sont
perçues comme des lignes séparant plutôt deux
systèmes politiques et administratifs différents que des
barrières limitant le déplacement des hommes et de leurs
biens.
L'exploitation du différentiel crée par
l'existence de la frontière est un facteur favorisant la naissance et le
développement de nouveaux territoires aux périphéries des
Etats. Ces échanges transfrontaliers fonctionnent autour de
réseaux d'où l'installation d'acteurs intermédiaires
constitués notamment par des transporteurs, des courtiers, des
collecteurs, des acheteurs, des revendeurs, etc. A cet effet les villes
frontalières bénéficient d'une rente due à leur
position géographique et jouent un rôle important dans
l'inscription spatiale des réseaux de marchands.
La frontière Sénégalo-mauritanienne comme
la plupart des limites étatiques, est animé par d'intenses
dynamiques socio-économiques. En effet, ces populations que le partage
colonial a séparées ne sont pas restées inactives face
à cette nouvelle partition renforcée par la volonté des
Etats actuels à marquer leurs limites. Ainsi cette population autochtone
continue de franchir la frontière qu'elle considère comme un
élément étranger à la tradition locale. De ce fait,
ce fleuve constitue un lieu d'échanges entre les populations riveraines.
Ce réseau hydrographique bien qu'étant la limite naturelle, est
une source d'union entre les peuples qui le partagent. Les commerçants
continuent de circuler dans des limites dépassant les territoires
nationaux. En outre sur la base d'appartenance religieuse, à une
même communauté
11 Nassa(D.D.A) : Le commerce transfrontalier et structuration
de l'espace urbain au Nord de la Cote d'Ivoire, thèse de doctorat de
3e cycle. Université Bordeaux 3, 2005.
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maîtrise de Géographie présenté par M. Barka BA 2010
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villes jumelles du fleuve Sénégal : Matam Réo et Matam
Sénégal »
marchande et à un même peuple ; les acteurs
sociaux et économiques ont mis en place d'importants réseaux.
Les échanges entre Matam Réo et Matam
Sénégal sont organisés en couloirs permettant de faire
débarquer et transiter les marchandises à l'intérieur des
deux régions de Kaédi et de Matam. Pourtant ces relations si
elles sont bien gérées par les autorités étatiques
pouvaient transformer ces couloirs en de véritables axes de
développement économique et d'intégration. Malgré
les divergences politiques, administratives et économiques existant
entre le Sénégal et la Mauritanie, la mobilité autour de
la frontière a fini par créer un lien fort qui se traduit par des
flux financiers très importants et par un brassage socio-culturel.
Articulé autour de deux parties dont chacune comprend
trois chapitres, ce premier travail sera l'occasion de passer une revue
littéraire sur ce thème d'étude et de recherche et
d'expliciter les interrelations entre les villes de Matam Sénégal
et de Matam Réo.
Il s'agira donc en premier temps de faire une
présentation générale des deux villes et la question
d'intégration. En second lieu nous aborderons les rapports de la
population et l'Etat à la frontière et la typologie des relations
transfrontalières entre Matam Sénégal et Matam
Réo
Dans ce mémoire nous étudierons les relations
transfrontalières entre les deux Matam sous plusieurs angles. En
première partie nous étudierons les villes et la question
d'intégration. Après avoir étudié l'aspect
géographique des deux villes par une analyse des caractéristiques
physiques et démographiques, des secteurs d'activités et des
infrastructures et services urbains de bases ; nous aborderons l'historique des
deux villes et les atouts et limites à l'intégration. Ces deux
villes situées dans la moyenne vallée du fleuve
Sénégal (Matam Réo sur la rive droite et Matam
Sénégal sur le coté gauche) sont
caractérisées par un climat sahélien avec des
précipitations faibles et par un relief plat. Sur le plan
démographique, comme partout en Afrique ces deux villes se
caractérisent par une forte proportion des jeunes. Dans la
répartition spatiale Matam Sénégal semble avoir une
population concentrée tandis que la ville mauritanienne constitue un
vaste espace avec des densités très faibles. L'imbrication
sociale dans cette zone fait que ses habitants affichent une volonté
d'intégration entre le Sénégal et la Mauritanie.
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maîtrise de Géographie présenté par M. Barka BA 2010
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« Les relations transfrontalières entre deux
villes jumelles du fleuve Sénégal : Matam Réo et Matam
Sénégal »
Dans la deuxième partie nous étudierons les
mouvements sociaux, économiques et les formes de circulation qui
s'effectuent au-delà de la frontière. Pour se faire nous
commencerons par analyser d'abord les rapports entre la population locale et la
frontière et les fondements des relations transfrontalières, la
nature de ces échanges, ensuite et enfin nous aborderons la
coopération transfrontalière. Les flux transfrontaliers sont
fondés sur l'histoire commune de cette partie de la vallée du
fleuve Sénégal, sur la géographique et sur les relations
entretenues par les deux Etats. Les relations entre Matam Réo et Matam
Sénégal sont de nature diverse et concernent aussi bien les
représentants des gouvernements que les populations locales. Ainsi les
populations locales et les autorités administratives frontalières
de chaque coté de la ligne de démarcation utilisent diverses
pratiques pour bien gérer les liens (parenté, communautaires,
sociaux et politiques). Les rapports de bon voisinage entre les deux espaces
administratifs frontaliers se manifestent par des visites et par la
participation à la célébration locale des fêtes
d'indépendance. Le commerce transfrontalier s'est surtout
développé grâce aux liens sociaux entretenus par ces
populations.
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