PROBLEMATIQUE
La plupart des frontières des Etats de l'Afrique ne
résultent pas d'une longue histoire locale. Elles ont été
tracées par les puissances impérialistes non soucieuses des
réalités sociales, culturelles ni des rapports entre les peuples.
Ces limites imposées ne sont ni culturellement ni économiquement
logiques. Ces frontières tracées dans la majorité au
siècle dernier par les européens, ont fini par acquérir
une légitimité et une existence réelles. Ces limites
étatiques ne constituent plus simplement des barrières
artificielles issues de la colonisation. Aujourd'hui, elles séparent des
univers politiques, économiques et culturels qui peuvent s'affronter.
Cependant les délimitations frontalières furent
fréquemment transgressées par les populations depuis la
période coloniale. Pour ces populations, les limites entre les pays ne
constituent pas des barrières infranchissables. Constamment franchies
par les hommes et les marchandises et souvent clandestinement, elles ont
été réappropriées par les africains pour devenir un
des éléments de leur `'bagage» mental et identitaire. C'est
ainsi que le fait frontalier est devenu un symbolisme des pays africains
pouvant déterminer le rapport à l'autre9.
De nos jours, l'économie du monde semble entrain de
naitre un espace global où les notions d'entreprise, d'emploi, de
marché, d'investissement, strictement nationaux, perdent leur sens
où la logique d'indépendance s'efface derrière celle
d'interdépendance10. La mondialisation et
l'intégration régionale ont eu comme effet la création de
grands blocs et l'élargissement du marché des échanges.
Dès lors, les distances sociales et même culturelles sont
réduites, voire éliminées à l'échelle
planétaire. Cependant, mêmes si les personnes traversent de plus
en plus les frontières, les flux transrégionaux de marchandises
et de capitaux sont plus importants.
Cette globalisation de l'économie a plus
favorisé certains pays que d'autres. Les grandes puissances mondiales
ayant fini de faire leurs promotions économiques et sociales se
disputent les marchés des pays les moins avancés. Les Etats
africains balkanisés et sous développés se retrouvent
très impuissants devant cette réalité. Cette situation a
poussé les gouvernements du continent à penser
qu'isolément aucun pays ne peut faire face à cette
9 Dubois (C), Michel (M) et Soumille(P), 1998.
Frontières plurielles frontières conflictuelles en Afrique
subsaharienne édition Harmattan 460 pages
10 Brand(D) et Durosset(M) ,2002 : Dictionnaire
thématique histoire géographie, édition Sirey, 559p.
UCAD - Département de géographie, Mémoire de
maîtrise de Géographie présenté par M. Barka BA 2010
14
« Les relations transfrontalières entre deux
villes jumelles du fleuve Sénégal : Matam Réo et Matam
Sénégal »
nouvelle donne. Donc la nécessité
d'intégrer les espaces régionaux est devenue une priorité
pour ces pays.
Le contexte d'ouverture aux modèles et produits du
marché mondial, d'urbanisation, de croissance démographique et de
mutations économiques a favorisé le redéploiement et la
restructuration des relations entrainant une interconnexion des espaces
complémentaires jusque là inédits. Le développement
de petites et moyennes villes le long des frontières étatiques
participe aussi aux échanges transnationaux qui profitent à
certaines populations. L'accroissement des mouvements transfrontaliers entre le
Sénégal et la Mauritanie devait inciter les deux Etats à
refondre leur cadre institutionnel pour aboutir à une
intégration.
Bien qu'ayant entretenu dans le passé des relations en
dents de scie les deux pays affichent aujourd'hui une volonté de
rapprochement. C'est ainsi que le fleuve Sénégal constitue une
source d'union entre les populations riveraines des différents Etats qui
le partagent comme en témoigne l'OMVS.
Les relations transfrontalières constituent un
élément fondamental dans le processus d'intégration
régionale. Pour en faciliter l'intégration, il est évident
que les Etats jouent sur les zones frontalières. De ce fait, il est
nécessaire d'aménager ces espaces pour accélérer
les politiques afin de faire de ces zones des chainons d'intégration
socio-économique. Les deux villes de Matam Réo et de Matam
Sénégal constituent des `'couloir » qui se manifestent par
leur dynamisme commercial. A cet effet, elles doivent être fournies en
équipements de base dont le rayonnement dépasse chaque territoire
national. C'est sous ce rapport que nous trouvons pertinent d'axer notre
thème d'étude et de recherche sur les relations
transfrontalières entre deux villes jumelles du fleuve
Sénégal : Matam Réo et Matam Sénégal. Il
s'agit pour nous de montrer l'intensité des relations
transfrontalière entre les deux villes, d'étudier les fondements
de ces relations et d'analyser les atouts et limites à
l'intégration.
Ainsi après avoir fait une présentation des deux
villes, nous essayerons de mettre en évidence le rôle du fleuve
Sénégal dans la vie de la population pour aboutir à la
typologie des relations transfrontalières. Ces deux villes de par leur
position géographique, d'une part et à travers des
différences au niveau des productions et de la monnaie d'autre part, ont
mis en place un `marché commun' dynamique et prospère.
UCAD - Département de géographie, Mémoire de
maîtrise de Géographie présenté par M. Barka BA 2010
15
« Les relations transfrontalières entre deux
villes jumelles du fleuve Sénégal : Matam Réo et Matam
Sénégal »
Cependant les rapports entre l'Etat du Sénégal
et la République Islamique de Mauritanie (RIM) sont freinés par
plusieurs facteurs. En effet la fréquence des contrôles
frontaliers surtout en territoire mauritanien, limite les mouvements des
personnes. En outre la frontière sénégalo-mauritanienne
n'a pas simplement une dimension politique et administrative. Elle
sépare deux espaces monétaires et deux systèmes
économiques différents. Le Sénégal appartient
à l'UEMOA c'est-à-dire à la zone franc alors que la
Mauritanie a sa propre monnaie et est membre de l'UMA (Union du Maghreb Arabe).
Derrière le commerce institutionnel qu'entretiennent les deux villes, se
cache un autre type d'échanges dit commerce illicite dont les contours
restent difficiles à appréhender du fait de la
multiplicité des points de passage. Ce réseau tissé entre
commerçants sénégalais et mauritaniens ; engendre des
enjeux financiers énormes et alimente une `'économie souterraine
`' ou parallèle.
Ces flux transfrontaliers de marchandises bien que faisant la
concurrence à certaines industries sénégalaises (CSS,
SONACOS...) ; permettent à la population locale de se ravitailler en
produits de denrées de première nécessité à
des prix moins chers comparés à ceux des autres régions du
Sénégal. Ces échanges commerciaux accompagnés de
banques informelles sont devenus une activité importante dans cet espace
frontalier. C'est ainsi que nous nous posons les questions suivantes :
Faut-il limiter les échanges transfrontaliers pour marquer
son territoire ? Faut-il dépérir la frontière afin de
faire des deux localités un véritable espace d'échange et
d'intégration de proximité ?
UCAD - Département de géographie, Mémoire de
maîtrise de Géographie présenté par M. Barka BA 2010
16
« Les relations transfrontalières entre deux
villes jumelles du fleuve Sénégal : Matam Réo et Matam
Sénégal »
|