DEUXIEME PARTIE : RAPPORTS A LA FRONTIERE
ET TYPOLOGIE DES RELATIONS
UCAD - Département de géographie, Mémoire de
maîtrise de Géographie présenté par M. Barka BA 2010
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« Les relations transfrontalières entre deux
villes jumelles du fleuve Sénégal : Matam Réo et Matam
Sénégal »
CHAPITRE I : LES ETATS, LES VILLES, LA FRONTIERE ET
LES
POPULATIONS
La quasi-totalité des frontières des Etats
actuels de l'Afrique sont issues du partage colonial. Ainsi les limites de
chacune de ces colonies sont négociées avec les puissances
coloniales voisines par des conventions ou définies par des
décisions administratives en cas de voisinage franco-français.
Ces frontières furent institutionnalisées par la
conférence de Berlin (1884-1885) et minutieusement
révisées et corrigées tout au long de la période
coloniale. De ces territoires, les Etats modernes sont issues les nations
correspondants ont émergé à leur tour : car ces lignes de
partage furent reconnues, voire renforcées par les Etats devenus
indépendants dans la charte fondatrice de l'OUA en 196341.
Après les indépendances la plupart des Etats ont
décidé de garder les frontières héritées de
la colonisation. C'est ainsi que la frontière entre le
Sénégal et la Mauritanie résulte du découpage
colonial.
I Les rapports des populations à la
frontière :
1.1 Le fleuve un obstacle géographique plus qu'une
frontière
administrative ?
En dépit de limite qu'est censé jouer, le
fleuve, les populations accordent peu d'importance à la
frontière. Pour ces populations, le fleuve n'est pas une limite
infranchissable ; ce qui se traduit ainsi par des déplacements
fréquents entre le Sénégal et la RIM depuis la
période coloniale. Les riverains traversent cette limite étatique
sans tenir compte des formalités administratives (elles ne sont jamais
enregistrées par la police sauf en cas de différend frontalier
entre les deux Etats ou si elles partent vers la capitale mauritanienne).
Certaines personnes qui traversent le fleuve ne se rendent même pas
compte du moment où elles transgressent la frontière. On peut
entrer en Mauritanie et en ressortir sans une fois se sentir à
l'étranger.
41 UNESCO, 2005 : Des frontières en Afrique du
XII au XXe siècle.
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villes jumelles du fleuve Sénégal : Matam Réo et Matam
Sénégal »
L'existence d'une multitude de points de passage à
travers le fleuve rend difficile tout contrôle strict. En outre
l'histoire de la vallée fait que ses populations sont tellement
imbriquées qu'on ne pourrait même pas distinguer le
sénégalais du mauritanien si ce n'est, dans quelques cas, par la
langue et la couleur de la peau (la peau blanche des beïdanes renvoie
à la Mauritanie). Ces populations ont partagé la même
histoire depuis le temps des royaumes (Walo et Fouta Toro) jusqu'aux
indépendances et parlent presque les mêmes langues.
L'autre facteur qui fait que la frontière est peu
perçue résulte du fait que « les populations
éprouvent des sentiments d'appartenance commune nourris par la religion
musulmane, les liens matrimoniaux et coutumiers (les mariages et les
funérailles se font souvent entre familles de plusieurs pays) ; les
activités économiques et les échanges leur donnent
l'opportunité de se connaitre, de s'apprécier, de partager des
valeurs semblables qui s'incarnent dans des identités propres
»42.
Un autre phénomène favorisant les
déplacements transfrontaliers est l'existence des marchés
hebdomadaires « louma » en territoire sénégalais. Ces
marchés drainent toute la région frontalière et
constituent des lieux d'échanges. Ces lieux de commerce constituent un
facteur de franchissement permanent de la frontière.
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