La mise en oeuvre de la société de l'information au Cameroun: enjeux et perspectives au regard de l'évolution française et européenne( Télécharger le fichier original )par Yves Léopold KOUAHOU Université de Montpellier 1 - Docteur en droit privé option nouvelles technologies et droit 2010 |
Paragraphe deuxième : La consécration de la vie privée dans l'entreprise.1207. Parce que le salarié a droit, même sur le lieu de travail et pendant les heures de travail au respect de sa vie privée, les nouveaux moyens de surveillance et de contrôle : la disposition des em ployeurs, qui ont fait leur apparition avec l'informatisation croissante des entreprises ont donné l'occasion au législateur d'encadrer leur utilisation pour limiter les dérives d'un usage incontrôlé. Cet encadrement s'étend aussi aux outils mis a la disposition du salarié par l'em ployeur. A. L'évolution des menaces sur la vie privée des salariés dans l'entreprise.1356 Civ 2e, 5 janvier 1983, Isabelle Adjani, bull civ, II, n° 4. 1357 Affaire du policier de l'église St Bernard : bull. I, n° 43, D 2000 jur. P 1119, note Gribel ; JCP 20 01, II, 10533, note J Ravanas. 120°. Avec l'introduction des technologies dans la relation de travail, les enjeux du droit du travail et la problematique de la protection de la vie privee se sont trouves etroitement imbriques. 1209. Pour la plu part des entreprises, la chasse aux temps morts et les craintes d'es pionnages industriels sont devenues de veritables enjeux de rentabilite economique. Les nouvelles techniques ont alors singulierement ameliore les modalites de surveillance de salaries135°. Dans le meme temps, si la surveillance et le controle des salaries sur le lieu et pendant le temps de travail font partie des prerogatives reconnues a l'em ployeur, l'em ploi de procedes clandestins pour cette surveillance est illicite1359. A la suite du rapport du Professeur Lyon-Caen Gerard remis au ministre du travail frangais en janvier 19921360, on sait que l'usage de ces moyens dans l'entre prise pour etre dangereux sur la vie privee du salarie. Aussi, des dispositions ont t'elles ete prises contre l'utilisation abusive de nouvelles techniques et technologies et introduites dans le code de travail frangais. 1210. Nous analyserons donc l'ensemble des moyens technologiques de surveillance dans l'entre prise au regard des prescriptions legislatives et reglementaires. Ce pendant, il nous apparait o pportun de preciser que cette liste n'est pas limitative de l'ensemble des moyens de surveillance qui peuvent être rendues possibles grace aux technologies de l'information et de la communication. 1. Les autocommutateurs téléphoniques. 1211. D'abord pergu comme un outil de communication, le telephone devient de plus en plus un outil de gestion et de surveillance, en particulier grace a l'usage des autocommutateurs tele phoniques sur les lieux de travail. 1358 Forest David, « Société de surveillance, fragment d'un abécédaire critique », RLDI, juil. 2009, n° 51, p 54. 1359 En ce sens, lire Philippe Hélis, « la vidéosurveillance sur le lieu de travail », Les petites Affiches, 24 avril 1996, n° 51, p 4 . Pour une appréciation jurisprudentielle, voir Cass Soc, 14 mars 2000, n° 98-42.090, Bull civ V, n° 101 concernant un système d'écoutes des conversations téléphoniques d'un salarié. 1360 Lyon-Caen Gérard, « Les libertés publiques et l'emploi », Rapport pour le Ministre du Travail, de l'Emploi et de la Formation Professionnelle, Documentation française, 1992. 1212. Un autocommutateur tele phonique ou PABX (Private Automatic Branch eXchange pour Central tele phonique privee) est un standard destine a alimenter et a mettre en relation une quantite de postes tele phoniques internes dans une entre prise ou dans une administration. Il re presente l'element central qui distribue les a ppels tele phoniques arrives, autorise les a ppels tele phoniques departs (vers un ou plusieurs o perateurs de telecommunications, suivant les droits), g$re les terminaux tele phoniques en programmant des droits d'acces au reseau public pour chaque poste interne (ainsi que les a ppels internes), g$re toutes les autres fonctionnalites ou options. Ce systeme permet, en outre, de dresser un listing detaille de l'activite de chaque poste tele phonique mis a disposition des employes dans l'entre prise. 1213. Bien qu'a la base il ne serve pas dans le cadre d'une surveillance des salaries, l'autocommutateur permet aujourd'hui de controler les de penses tele phoniques de chaque salarie, en enregistrant par numero de poste, les numeros de telephone a ppeles, la date, l'heure, la duree et le cout des communications effectuees. 1214. De puis le rapport du Professeur Lyon-Caen, on sait que la presence de l'autocommutateur dans l'entre prise peut etre dangereuse pour la vie privee des salariees et conduire a une degradation de la relation dans l'entre prise1361. C'est en partie ce qui ex plique que son utilisation soit largement encadree par la loi. 1215. Ainsi, l'installation d'un autocommutateur doit faire l'objet d'une declaration aupres de la CNIL1362 et des lors, les princi pes de base entourant les manipulations des donnees doivent etre mises en oeuvre1363. De la meme facon, cette installation doit etre precedee d'une information des salaries. Il est de jurisprudence constante que si l'em ployeur a le droit de controler et de surveiller l'activite de son salarie durant le temps de travail, il ne peut mettre en oeuvre un dis positif de controle qui n'a pas ete porte prealablement a sa connaissance, ce dont il resulte que les moyens de preuve obtenus par ce biais ont un caractere illicite1364. 1216. Dans le cas du Cameroun, les questions juridiques liees a
l'installation des 1361 Lyon-Caen Gérard, op cit. 1362 Dans une affaire relative à l'installation d'un autocommutateur au sein d'une entreprise, la Cour de cassation française a ainsi considéré que l'absence de la déclaration auprès de la CNIL constituait un délit pénal continu, c'est-à-dire qu'il est commis aussi longtemps que l'infraction continue et que le délai de prescription du délit commis du fait de la mise en oeuvre préalable à la déclaration ne commence à courir qu'à compter de la déclaration à la CNIL ou à l'arrêt du traitement. Voir en ce sens, Cass crim. 23 mai 1991 : Bull crim n° 218, RJS 3/92, n° 379. 1363 Cf. infra n° 1259 et suiv sur « la protection de la vie privée à travers les données à caractère personnel » 1364 En revanche, il a pu été jugé justifié un licenciement fondé sur une faute grave d'un salarié ayant usé abusivement du téléphone. La cour d'appel, en se fondant sur la vérification par l'employeur d'un relevé de communications téléphoniques fourni par France Télécom, a estimé que cela ne constitue pas un procédé de surveillance illicite pour n'avoir pas été porté préalablement à la connaissance des salariés. Voir Cass soc. 15 mai 2001 ; Gaz Pal 18 avril 2002, som. P 44, note Laëtitia Maurel-Guignot. législateur, ni par les pouvoirs publics1365. Tout au plus, le gouvernement a tenté de réglementer l'usage du télé phone dans les services publics administratifs, par un décret du 01 novembre 2005 du Président de la ré publique1366, et dont l'unique but était de mettre un terme aux abus observés dans la consommation du télé phone. Le régime des autocommutateurs dans les entreprises privées est donc inexistant. Le relatif vide juridique entourant ces pratiques ne met pas nécessairement les em ployeurs a l'abri des poursuites pénales. On aurait pu penser que le décret du 19 se ptembre 2001 définissant les modalités d'autorisation d'ex ploitation des réseaux de télécommunications au Cameroun1367 prenne en com pte le cas des autocommutateurs. Il n'en est rien ce pendant, puisque son article 5 exclut ex pressément de son champ d'a pplication les réseaux privés internes, laissant ainsi les salariés sans protection en cas d'atteinte a leur vie privée par le biais de ces outils. 2. Les écoutes téléphoniques des salariés. 1217. Dans le monde de l'entre prise, la pratique des écoutes télé phoniques n'est pas en soi condamnable dans son princi pe. Elle est meme parfois légalement admise dans certains domaines d'activité. Ainsi, par exem ple, quand le télé phone est l'outil de travail principal d'une entre prise, l'écoute peut jouer un role pédagogique a des fins de formation professionnelle de futurs em ployés. De meme, l'enregistrement peut s'avérer nécessaire pour conforter la preuve des commandes des clients lorsqu'elles s'effectuent essentiellement par télé phone comme par exem ple dans une transaction dans le marché boursier ou encore dans les pratiques assez ré pandues consistant a joindre le service client de son o pérateur grace a une hotline. 1218. Toutefois, quel que soit le contexte, les écoutes télé phoniques sont toujours envisagées avec beaucou p de précaution car la sphere de la vie privée peut etre remise en cause par ce moyen. Ainsi, les mesures d'écoutes mise en place doivent etre pro portionnelles au but a atteindre et effectuées dans l'intérêt légitime de l'entre prise. De lourdes sanctions sont prévues en cas d'atteintes au droit au respect de la vie privée, ou lorsqu'elles sont pratiquées de maniere déloyale a l'insu des personnes visées et sans leur accord1368. 1365 Malgré nos recherches, nous n'avons pas trouvé des décisions de justice camerounaise intéressant la question. 1366 http://tcp.minpostel.gov.cm/telecomdecret2005441.pdf. Consulté le 31 octobre 2010. 1367 Décret n° 2001/830/PM du 19 septembre 2001, op cit . 1368 Voir Cass soc. , 20 novembre 1991, n° 88-43.120, Bu ll civ V, n° 519 ; Dalloz 13 fevr 1992, n° 7, p 73, note Y Chauvy. 1219. Ainsi, l'em ployeur qui enregistre clandestinement les conversations télé phoniques de ses salariés peut être lourdement sanctionné lorsqu'il ya atteinte a la vie privée ou au secret des corres pondances. Il est même admis que le seul fait d'aviser a l'avance un salarié que ses communications télé phoniques sont susce ptibles d'être écoutées ou enregistrées ne saurait permettre a l'em ployeur d'écha pper a sa res ponsabilité pénale si l'em ployé n'a pas au paravant donné son consentement ne serait-ce que de fagon tacite1369. 1220. Aujourd'hui, l'existence des autocommutateurs so phistiqués qui permettent non seulement d'enregistrer les numéros a ppelés a partir des postes télé phoniques, mais aussi d'identifier le poste d'a ppel ainsi qu'un certain nombre de données et d'écouter même les conversations, voire les enregistrer, repose la question de la réglementation des écoutes télé phoniques et des autocommutateurs télé phoniques. A l'état actuel, seul un recours a un juge pourrait permettre d'a pprécier illicéité de la méthode utilisée pour limiter ou faire cesser les atteintes a la vie privée1370. 3. Le syst ème de vidéosurveillance des salaries. 1221. Les attaques s pectaculaires du 11 se ptembre 2001 a New York et de Londres du 07 juillet 2005 ont donné lieu a une surenchere de dis positifs visant a rassembler des informations précises sur les personnes, afin d'en extraire des renseignements sur une potentielle mal intention de quelques individus. La vidéosurveillance est ainsi devenue le mode de surveillance qui se vulgarise dans de nombreux pays, quel que soit le régime politique (la vidéosurveillance est utilisée aussi bien en France qu'en Chine, pourtant l'un des pays est considéré plus libre que l'autre). Les voyageurs sont ainsi fouillés ainsi que le contenu de leurs bagages, on surveille les dé placements, on croise les fichiers géants d'administrations ou d'entre prises, etc... 1369 Il est intéressant de noter un arrêt de la Cour de cassation qui condamne pour atteinte à la vie privée un employeur qui avait dissimulé un magnétophone à déclenchement vocal dans le faux placard du bureau occupé par deux de ses salariés. Voir Cass crim, 24 janvier 1995, Droit pénal mai 1995, n° 118 , note Michel Véron. Dans une autre décision, la Cour de cassation a confirmé la condamnation pour atteinte à la vie privée d'un salarié qui avait procédé à des écoutes téléphoniques à partir d'un poste téléphonique se trouvant dans le magasin de sn employeur. Voir Cass crim, 14 mars 1984, Bull crim n° 110 1370 Pour le rôle du juge dans la régulation de la société de l'information, cf. supra n° 833 et suiv. 1222. Cette videosurveillance se develo ppe aussi de plus en plus dans les grandes entreprises et les PME qui l'utilisent soit dans les cas d'em plois particulierement dangereux, soit tout sim plement pour surveiller les locaux d'entre prises ex poses au risque de vol ou d'agression. Cette nouveaute tient aux avantages immenses qu'offre l'evolution du numerique et les services internet1371. D'une maniere generale, si les nouvelles technologies permettent une certaine transparence des personnes, en retour, la mise en place de systemes de videosurveillance doit rester limitee a la securite des personnes et des biens et im pliquer une attention particuliere de la part des entreprises utilisatrices au regard de leurs obligations techniques et juridiques1372. 1223. Ainsi, si le de ploiement des dis positifs de videosurveillance sur un lieu de travail re pond generalement a un objectif securitaire, il ne peut avoir pour seul objectif la mise sous surveillance s pecifique d'un employe determine ou d'un grou pe particulier d'em ployes et doit necessairement respecter certaines garanties de transparence et d'acces comme l'information claire et permanente des personnes de l'existence du systeme de videosurveillance et de l'autorite ou de la personne res ponsable, le droit pour toute personne interessee a obtenir acces aux enregistrements la concernant et de verifier leur destruction dans les delais prevus, sauf en cas de risque d'atteinte a la securite de l'Etat, la defense, la securite publique. De meme, il est exige que le systeme re ponde a un princi pe de pro portionnalite, adequat, pertinente, non excessive et strictement necessaire a un objectif precis. 1224. Nous regrettons le silence de la legislation1373 et de la jurisprudence camerounaise sur la reglementation de l'utilisation de la videosurveillance1374. 1225. En France, le princi pe general est que nul ne peut a pporter aux droits des personnes et aux libertes individuelles et collectives des restrictions qui ne seraient pas justifiees par la nature de la tache a accom plir ni pro portionnees au but recherche1375. 1226. A ce titre, la legislation frangaise soumet le systeme de
videosurveillance a un 1371 Nous pouvons citer par exemple l'accès aux images quel que soit le lieu où l'on est et indépendamment du système, la capacité de stockage presque qu'illimité, la flexibilité d'installation et d'évolution, la qualité d'installation et la discrétion, par des caméras Wifi par exemple, une meilleure qualité d'image d'images, jusqu'à 10 fois meilleurs qu'en analogie, l'optimisation des enregistrements par détection de mouvement, etc. 1372 Les normes techniques d'un système de vidéosurveillance en France sont successivement précisées par les arrêtés du 26 septembre 2006 et du 3 aout 2007. 1373 Il n'existe pas à notre connaissance, à ce jour, une loi au Cameroun qui réglementerait l'utilisation de la vidéosurveillance dans les lieux privés ou dans les espaces ouverts au public. 1374 Malgré nos recherches, nous n'avons pas trouvé une décision de la jurisprudence concernant l'utilisation de la vidéosurveillance au Cameroun. 1375 Article L 112-1 et L 1321-3 du code de travail français. ouvert au public1376 ou selon que le systeme est utilise, meme dans un lieu privee, mais pour la constitution d'un fichier nominatif. Ce qui ex plique le caractere com plexe du regime juridique applicable lorsque la videosurveillance est installee dans un lieu mixte. 1227. Dans le premier cas, c'est la loi du 21 janvier 1995 reglementant la mise en place de systemes de surveillance installes sur la voie publique ou dans les lieux ouverts au public qui s'a pplique (loi modifiee par la loi L 2006/64 du 23 janvier 2006 sur la lutte contre le terrorisme). Mais, lorsque le systeme de videosurveillance est utilise sur un lieu de travail juridiquement qualifie de prive pour ca pter et conserver les images sur un support numerique, c'est la loi du 6 janvier 1978 qui s'a pplique, ce qui im plique une information prealable des salaries pour leur permettre de controler l'utilisation des donnees a caractere personnel collectees aupres d'eux, d'exercer leurs individuels d'acces et de rectification et une obligation de declaration, d'autorisation ou de demande d'avis aupres de la Commission Nationale Informatiques et Libertes1377. 1228. Dans tous les cas, lorsque l'installation concerne une entre prise, une reflexion prealable a l'installation d'un systeme de videosurveillance, basee sur une analyse precise des risques doit etre menee afin d'identifier des solutions alternatives (une securisation des acces au moyen de badges magnetiques peut par exem ple constituer la reponse efficace et ada ptee a un objectif particulier de securisation). En outre, le comite d'entre prise doit etre informe par ecrit et consulte prealablement a toute decision de mise en oeuvre dans l'entre prise, sur les moyens et techniques permettant un controle de l'activite des salaries1378. A cet effet, le comite etudie les incidences sur les conditions de travail des projets et decisions de l'em ployeur notamment dans le domaine de la technologie. Toutefois, rien n'est dit sur la portee de l'avis du comite d'entre prise sur la decision de l'em ployeur. On peut donc legitimement considerer que l'avis emis par le comite ne lie pas l'em ployeur et que seul com pte la consultation du comite. 1229. C'est pour cela que les tribunaux considerent que si l'em ployeur a le droit de contrôler et de surveiller l'activite de ses salaries pendant le temps du travail, tout enregistrement, quels qu'en soient les motifs, d'images ou de parole a l'insu des salaries constitue un mode de preuve illicite insusceptible de produire un quelconque effet 1376 La jurisprudence considère qu'un lieu ouvert au public peut redevenir un lieu privé en dehors des heures d'ouvertures. Voir Cass crim. 13 mars 1984 : Bull crim n° 110. 1377 Sur l'utilisation des moyens de contrôle licites, voir Joëlle Berenguer-Guillon et Alexandra Gallier, « Les nouvelles technologies et les moyens de contrôle de l'activité des salariés », Gaz Pal, n° 107-109 du 16-18 avril 2000, p 6. 1378 Article L 2323 - 13 du code de travail français. Pour une appréciation jurisprudentielle, voir Cass soc. 7 juin 2006 : Gaz Pal n° 291-292 du 18, 19 Octobre 2006, p 26, note Sonia Hadjali et Constance Fagot. juridique1379. La Cour de cassation en déduit le caractere illicite des preuves obtenues par l'em ployeur par un moyen non porté a la connaissance des salariés concernés1380. 1230. Dans tous les cas, les images ne devraient pas être conservées plus de quelques jours. Leur durée de conservation ne doit pas, en tout état de cause, s'étendre au-dela d'un mois. Lorsque c'est techniquement possible, une durée maximale de conservation des images doit être paramétrée dans le systeme. Elle ne doit pas être fixée en fonction de la ca pacité technique de stockage de l'enregistreur1381. Comme on le voit, la surveillance des salariés a travers la vidéosurveillance demeure en grande partie une construction juris prudentielle. Mais le dévelo ppement des technologies offre a l'em ployeur d'autres moyens de contrôler le salarié. 4. Les données biométriques des salariés. 1231. Le mythe du progres renforcé par l'argument de la sécurité relegue au second plan les interrogations sur la fiabilité des données biométriques, les buts qui président a l'installation d'un systeme de contrôle et le cout financier considérable qu'elle induit1382. C'est un systeme de contrôle mis en place pour ré pondre a des im pératifs de sécurité dans les entreprises et pour prévenir les vols ou attentats et permettre le décom pte du temps de travail effectué1383. Ce contrôle d'acces s'effectue a l'aide d'un badge magnétique ou d'une carte mémoire que chaque em ployé possede et qu'il doit utiliser lorsqu'il pénètre dans l'entre prise ou qu'il se dé place dans certaines zones de celles-ci. 1379 Cass soc, 20 novembre 1991, op cit. 1380 Cass soc, 31 janvier 2001, Gaz Pal n° 287 à 289 du 14 au 16 octobre 2001, note Laëtitia Maurel-Guignot. Dans une autre affaire, la Cour de cassation a réaffirmé sa position sur la vidéosurveillance. En l'espèce, elle a jugé illicite la production d'un enregistrement effectué par l'employeur à l'aide d'une caméra de vidéosurveillance qui n'avait pas été portée à la connaissance du personnel. Voir Cass soc, 7 juin 2006, pourvoi P 04-43.866. Dans une autre affaire assez révélatrice de la multitude de situations, la Cour de cassation a considéré que les enregistrements vidéos à propos de quatre salariés engagés en qualité d'agents de surveillance licenciés pour faute grave peuvent être admissibles comme preuve même s'ils sont recueillis par un système de surveillance auxquels ils n'ont pas accès. En l'espèce, la mise en place de la camera avait été décidée par un client et n'avait pas pour but de contrôler le travail des salariés mais uniquement de surveiller la porte d'accès d'un local dans lequel il ne devait y avoir aucune activité. Partant de là, la Cour a considéré les enregistrements litigieux de licite en déclarant que l'employeur n'est pas tenu de divulguer l'existence de procédés installées par les clients de son entreprise de surveillance. Voir Cass soc, 19 avril 2005, pourvoi N 02-46.295. 1381 En ce sens, cf http://www.cnil.fr/dossiers/videosurveillance/fiches-pratiques/article/la-videosurveillance-sur-les-lieux-detravail/. Consulté le 31 octobre 2010. 1382 Voir Forest David, op cit 1383 Le badge ne permet pas véritablement le travail effectué par l'employé. Il ne donne qu'une indication du temps passé au travail et des zones dans lesquelles il s'est rendu durant sa présence dans l'entreprise. 1232. Ce systeme connait plusieurs applications et son utilite n'est plus a prouver. Son princi pe de fonctionnement est tres simple : certaines donnees du salarie, comme les noms prenoms, em preintes digitales, etc....sont memorisees, le plus souvent, dans une carte a puce dont la lecture est assuree par un badge a la prise et a la fin du service1384. Ils permettent de limiter et de contrôler l'acces a un site ou a une entre prise. Ils peuvent autoriser l'acces de certaines zones de l'entre prise aux seules personnes habilitees1385. Ils peuvent enregistrer les horaires d'entree et de sortie des employes. Ils peuvent avoir aussi une fonction de porte-monnaie electronique utilisable dans le restaurant de l'entre prise ou pour certains equi pements comme les photoco pieuses. Ils peuvent combiner toutes ces fonctions. 1233. Toutes ces applications sont licites et relativement utiles pour l'em ployeur et parfois aussi pour les salaries. En effet, on imagine facilement que dans une centrale nucleaire certaines parties ne doivent pas etre accessible par tout le personnel pour des raisons de securite et de bon fonctionnement, a un autre niveau, on peut aussi com prendre qu'une societe de production audiovisuelle reserve l'acces des studios d'enregistrement et de contrôle media aux seules personnes concernees. 1234. Neanmoins, cette pratique peut permettre une identification du salarie et une tragabilite de ses mouvements (puisque tel est l'objectif principal de leur installation), le systeme devient alors une arme redoutable a la disposition de l'em ployeur ; c'est pour cela qu'il est necessaire de l'observer attentivement. 1235. Ce pendant, le legislateur n'a pas souhaite etablir des regles qui permettraient de definir le bon ou le mauvais usage de la technique biometrique. De plus, le systeme est au carrefour de la vie privee et des donnees a caractere personnel, ce qui ex plique que la mission ait ete confiee a la CNIL de juger de la legitimite du dis positif biometrique au regard de ses pro pres criteres1386. 1236. Ainsi, elle soumet le dis positif biometrique a quelques
exigences particulières et 1384 TGI Paris, 19 avril 2005 sur www.droit-tic.com Voir aussi Alain BENSOUSSAN, « Biométrie et contrôle du temps de présence », 01 informatique du 03 juin 2005, 1385 Le statut des délégués syndicaux et des représentants du personnel a été emménagé pour leur permettre d'effectuer leurs missions syndicales dans l'entreprise sans entrave d'aucune sorte à leur liberté de circulation. C'est pourquoi les articles L 412- 17 et L 424-3 et L 434-1 du code du travail français prévoient que les systèmes de badges ne doivent pas entraver leur liberté d'aller et venir dans l'entreprise dès lors qu'ils sont dans l'exercice de leurs fonctions syndicales. De plus l'employeur n'a pas à savoir quelles sont les personnes que les délégués syndicaux ou représentants du personnel vont rencontrer dans l'exercice de leur fonction. 1386 Voir infra n° 1259 et suiv sur « la protection de la vie privée à travers les données à caractère personnel ». ou d'informations1387. De plus, le dis positif doit etre pro portionne au but recherche1388 et tout em ployeur desirant mettre en place ce systeme de gestion des acces par donnees biometriques doit a pporter toutes les garanties necessaires d'information et de securite pour eviter la divulgation des donnees. En effet, ce systeme necessitant de collecter des informations sur les salaries, de les traiter en fonction de la categorisation des acces, il im porte que les personnes fichees en soient informees et que leurs differents droits leurs soient enumeres1389. En outre, une declaration prealable mais indispensable doit aussi etre effectuee aupres de l'autorite inde pendante de controle (CNIL). Cette declaration est la premiere formalite a effectuer prevue par la loi1390. Elle n'est qu'une officialisation du systeme de surveillance aupres de la CNIL. Le controle par badge devra donc faire l'objet d'une declaration ordinaire avant sa mise en service dans l'entre prise1391. 1237. Dans le cas du Cameroun, il n'existe pas de reglementation en ce qui concerne l'utilisation des systemes de badges pour surveiller les salaries dans l'entre prise. Une fois de plus, la construction de son cadre juridique s'effectuera necessairement a travers le develo ppement de ces systemes et des questions que cela posera sur la protection des libertes individuelles. Toutefois, un arrête du Ministre des postes et telecommunications soumet l'im portation ou la commercialisation des equi pements terminaux de telecommunications sur le territoire camerounais a une homologation qui a pour objectif de verifier leur conformite par rapport aux exigences essentielles qui leur sont a pplicables1392. L'attestation d'homologation est delivree par le Ministre des telecommunications sur avis de l'ART et se fait sur la base notamment d'un dossier technique indiquant le domaine dans lequel l'equi pement sera utilise1393. Ce qui peut 1387 En ce sens, voir Feral-Schuhl C, op cit, p 160 et suiv. C'est sur ce fondement que la CNIL a notamment autorisé l'utilisation d'un dispositif d'accès par empreintes digitales pour un bloc opératoire dans un CHU confronté à des problèmes spécifiques d'intrusion liés au voisinage. 1388 La CNIL a ainsi dénoncé les dérives observées dans la surveillance des salariés dans son 20e rapport d'activité. Elle relève notamment que le contrôle de la sécurité et de la productivité cache parfois l'établissement de profils professionnels, intellectuels ou psychologiques des salariés. Ce genre de finalité n'est pas illicite, mais une déclaration précise doit être faite dans un souci de transparence afin de permettre aux personnes concernées d'utiliser leurs droits d'opposition, d'accès et de rectification. Voir 20ème rapport d'activité 1999 de la Commission nationale de l'informatique et des libertés, sur http://lesrapports.ladocumentationfrancaise.fr/BRP/004001043/0000.pdf 1389 C'est l'exigence d'informer les salariés sur leur droit d'accès et de rectification aux données collectées. En outre, la durée de conservation desdites données est précisée. Pour les données concernant les horaires d'entrée et de sortie, la CNIL recommande de ne pas les conserver au-delà d'une durée de trois mois. Cette recommandation ne s'applique pas aux personnes disposant d'une liberté dans l'aménagement de leur temps de travail puisque celles-ci gèrent sur l'année le nombre d'heures qu'elles doivent consacrer à l'entreprise. Pour ce qui est des données monétiques (porte-monnaie électronique par exemple), l'article L 611-9 du code du travail stipule qu'elles peuvent être conservées durant le temps nécessaire pour solder l'opération. 1390 Article 16 de la loi informatique et libertés, op cit 1391 La Cour de cassation française a ainsi jugé que le licenciement d'un salarié pour refus d'utiliser son badge doit être considéré comme sans cause réelle et sérieuse, à défaut de déclaration à la CNIL du traitement automatisé de données à caractère personnel concernant le système de badge dès son installation. Voir Cass soc. 06 avril 2004, RJS 06 /04 n° 787. 1392 Article 1 alinéa 2 de l'arrêté n°00000008/MPT du 1 6 juillet 2001 relatif à l'homologation des équipements terminaux de télécommunications. 1393 Article 6, alinéa 2 arrêté, op cit. laisser su pposer que les autorités seront un peu vigilantes lorsque les terminaux seront destinés a etre utilisés pour la surveillance notamment en entre prise pour contrôler les salariés. 1238. En définitive, une multitude de moyens de surveillance mis en place dans l'entre prise peuvent avoir des incidences sur sa vie privée. Dans le même temps, un systeme de contrôle de l'activité des salariés n'est pas, par princi pe interdit quand la surveillance en constitue la seule finalité. Sa validité dé pend de sa conformité aux dispositions légales et réglementaires qui régissent la question. |
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