CHAPITRE PREMIER : LE DEVELOPPEMENT DE L'ADMINISTRATION
ELECTRONIQUE AU CAMEROUN.
377. L'administration camerounaise est a la croisée des
chemins. Elle doit faire face a une situation économique et sociale
difficile caractérisée par d'im portantes dé penses de
fonctionnement, a des changements institutionnels469 de grande
importance im posés par l'évolution de la société.
Dans le temps, les usagers attendent des pouvoirs publics, en tant que
promoteurs de la croissance économique, qu'ils dévelo ppent
l'économie nationale en réduisant considérablement la
pauvreté qui touche les populations.
469 La mise en place d'un Senat est à l'ordre
du jour au Cameroun, de même que la décentralisation de nombreux
pouvoirs après des représentants régionaux de
l'administration.
C'est face a l'inca pacite de rem plir cette mission combinee
a la forte poussee demogra phique, la constante diminution des richesses
naturelles issues du sous sol (les ressources petrolieres qui constituent l'une
des princi pales sources de financement de l'economie nationale sont en
constante diminution), que la question de la modernisation de l'administration
s'est progressivement posee. Cette modernisation a ppelle une transformation
complete de l'administration pour reduire considerablement les de penses
publiques de l'Etat et a pporter aux administres les re ponses aux princi pales
questions qu'ils se posent tout en leur donnant une vision unifiee et
accessible du service public.
378. Comme l'affirme Pierre de La Coste dans son rapport
consacre a l'edification d'une administration electronique, «
si nous voulons que l'Etat continue a remplir sa tache, au service de tous les
citoyens, nous devons reconnaltre aussi que le contexte economique,
technologique, culturel dans lequel il evolue l'empeche absolument de continuer
a agir avec les moyens, les outils, les processus qu'il a utilise jusqu'a
present. L'Etat ne pourrait meme pas maintenir son niveau d'activite, car la
complexite administrative n'est pas derriere nous ; elle est devant nous. Notre
societe et notre economie sont de plus en plus complexes et generent un droit
complexe et des procedures complexes. La societe civile, la mondialisation,
font pression pour que l'Etat rende un meilleur service a un moindre
coOt.
Avec les memes outils, c'est-h-dire
essentiellement la procedure papier, l'Etat moderne va donc s'effondrer sous le
poids de ses lourdeurs, de ses rigidites et de ses lenteurs. Autrement dit, en
ameliorant la vie des usagers c'est-h-dire en se rendant utile, ce qui est la
finalite premiere de l'e-administration, l'Etat s'assure de ne pas se couper
davantage de la societe, et finalement, de ne pas disparaltre purement et
simplement4' ».
379. Aujourd'hui, les technologies de l'information et de la
communication et notamment internet offrent a l'administration les moyens
techniques indis pensables a cette amelioration. Ce pendant, il ne s'agit pas
sim plement d'introduire les ordinateurs dans les administrations publiques
(comme c'est le cas actuellement) mais de se servir de ces technologies de
l'information pour transformer les structures, les operations, et ce qui est le
plus important, la culture de l'administration, pour modifier totalement la
maniere dont ces administrations fonctionnent au quotidien pour accroitre,
d'une part leur efficacite, et d'autre part, ameliorer les services rendus aux
usagers. L'eadministration est donc davantage tiree vers la notion de service
qu'a pporte une administration et sa performance intrinseque471.
470 Voir Pierre de La Coste, « L'hyper
république, bâtir l'administration autour du citoyen », La
Documentation française, Paris, 2003, p 8. Sur
http://www.ladocumentationfrancaise.fr/rapports-publics/034000010/index.shtml.
Consulté le 21 septembre 2010
471 D. GERBOD et F. PAQUET, « Les clés
de l'e-administration : Vade Mecum de l'administration électronique
», Coll. Pratiques d'Entreprises, Ed° Management et
Société ( ems), 2001, p 30.
380. C'est tout le sens de l'4x administration
electronique » qui s'inscrit dans le cadre des
administrations publiques d'aujourd'hui et demeurent limitées par ce que
ces administrations sont ca pables et désireuses de faire. Ces
technologies sont aussi présentées comme un moyen de simplifier
l'acces a l'administration de tous les usagers, et ce, quelle que soit leur
catégorie sociale ou leur position géographique, grace a une
utilisation rationnelle des applications.
Nous analyserons donc l'intérêt des technologies de
l'information et de la communication pour l'administration avant d'aborder
leurs enjeux en termes de maillage du territoire.
Section première : Les technologies de
l'information au service de l'administration.
381. Il convient d'eclairer le contexte de l'evolution vers
l'administration electronique avant d'analyser l'interet d'une modernisation
sur les services aux usagers.
Paragraphe premier : Le contexte de l'évolution
vers l'administration électronique.
382. Le terme 4x administration
electronique » ou 4x e-government
» a pparu vers la fin des annees 1990 avec l'essor d'internet est souvent
com pris dans un sens limits corres pondant a la mise en place des teleservices
sur internet, ramenant ainsi l'administration a une question de pure technique
informatique.
383. Cette vision fondamentalement technique (quoi que
necessaire) est assez incomplete et reductrice des enjeux de
l'administration electronique pour le changement de la societe globale.
384. De fait, l'administration electronique (le terme
4x administration en ligne » peut etre aussi
employe) désigne l'utilisation des technologies de l'information et de
la communication dans les administrations publiques pour a pporter des
changements dans l'organisation de celles-ci et pour développer de
nouvelles aptitudes professionnelles afin d'améliorer la qualité
et la fourniture des services publics. Les enjeux sont im portants, il
s'agit de faciliter et de transformer les relations
administrations/citoyens mais également de réformer et moderniser
les processus administratifs pour qu'ils ne s'effondrent pas.
385. L'objectif double étant à la fois de
maintenir une certaine qualité de service aux usagers et de
réduire les couts de fonctionnement de l'administration. C'est dans cet
o ptique que Khalil Ali GHAZZAWI présente les nouvelles technologies
comme des instruments de reforme de l'Etat et de la
modernisation des services publics, dans un sens favorable a la qualite du
service rendu a l'usager et a la reduction des coOts de
fonctionnement472 ».
386. Cela nous permet de constater une administration
électronique en gestation au Cameroun, mais aussi des tentatives
récentes en vue de décloisonner les services publics.
A. Une administration électronique en gestation
au Cameroun
387. De puis quelques années, l'utilisation des
technologies de l'information est devenue une préoccu pation
partagée par la majorité des gouvernements qui entendent s'en
servir comme vecteur de communication démocratique et comme outil de
modernisation de l'Etat par excellence. Ceux-ci sont de plus en plus conscients
des enjeux que l'informatique est susceptible d'entrainer dans l'action de
l'administration vis-à-vis des particuliers et des entre
prises473. Ce pendant, si l'administration électronique a
suscité beaucou p d'enthousiasmes, sa mise en oeuvre dans la plu part
des pays a été em preinte de gradualisme474. Il existe
en effet, dans la plu part des cas, un décalage important entre les
actions annoncées et celles qui sont effectivement conduites. L'effet
d'annonces est constamment utilisé et les nombreux discours se situent
régulièrement dans un présent ou un futur sans
échéances précises.
Au Cameroun, le contexte est marqué par des programmes
d'informatisations insuffisants et par un manque d'interactivité avec
les usagers.
472 Khalil Ali GHAZZAWI, « Le rôle des
nouvelles technologies d'information et de la communication dans le
développement du travail administratif au niveau local »,
Thèse de Science politique, Montpellier 1, décembre 2008, p
68.
473 Bien que l'informatique puisse ouvrir de
nouveaux marchés pour les entreprises en favorisant le
développement du commerce électronique (voir chapitre suivant),
il s'agit ici plutôt des relations que les entreprises entretiennent avec
les diverses administrations qui peuvent se trouver facilitées et
simplifiées par l'usage de l'informatique.
474 Voir Herbert MAISL, Bertrand du MARAIS, «
l'administration électronique », Revue française
d'administration publique, n° 110, 2004, p 215.
1. Les programmes d'informatisations
insuffisants.
388. La problematique de l'informatisation de l'Etat
camerounais est tres ancienne et remonte a l'inde pendance du pays au
1er janvier 1960. A cette e poque, le pays herite d'un embryon de
parc informatique qui allait etre la base de son programme d'informatisation et
servait exclusivement pour les applications de gestion budgetaire de
l'administration.
389. Il s'en est suivi la creation, des les annees 70, d'une
Direction Centrale de l'Informatique et de la Teleinformatique (DCIT),
rattachee au Secretariat General de la Presidence de la Republique, qui
deviendra en 1988, apres plusieurs mutations, le Centre National de Develo
ppement Informatique (CENADI), princi pale institution chargee de
l'informatisation et des reseaux teleinformatiques de l'Administration
camerounaise, des institutions publiques et du traitement de donnees
gouvernementales et du reseautage475.
390. Ce Centre s'est princi palement occu pe, jusqu'a ce
jour, de la mise en oeuvre et du suivi des projets informatiques ainsi que de
la resolution des problemes informatiques du Ministere des Finances et du
Budget et, entre autre, de la mise en place d'un systeme informatise pour le
paiement des salaires de la fonction publique, de l'harmonisation/normalisation
de l'utilisation des TIC et de la connexion des de partements de
l'administration centrale a internet.
391. S'ins pirant par la suite de ce qui se faisait dans
d'autres pays, (par exem ple la France qui demeure une source d'ins pirations
pour beaucou p de pays d'Afrique noire franco phone), le gouvernement a lance a
partir des annees 1990, un vaste chantier de la reforme de l'Etat, dans le but
de doter les differentes administrations publiques d'equi pements
informatiques.
Ce pendant, cette reforme n'a pas ete vecue de la meme fagon
que celle qui s'est produite en France. Les facteurs historiques, politiques ou
socio-culturels n'etaient pas les memes. En realite, et cela est souvent le cas
lorsque surgissent des enjeux nouveaux, la reforme etait lancee sur la base
d'objectifs indefinissables qui ont signe quelque peu son
echec476.
392. Toutefois, a partir de cette reforme, l'outil
informatique a fait son entree dans les de partements ministeriels, a tel point
que desormais, chaque entite publique dispose
475 Voir sur
http://www.cenadi.cm.
Consulté le 26 septembre 2010.
476 En ce sens, cf supra n° 92 et suiv sur «
la gestion des télécommunications...».
d'un site internet et possede son pro pre programme
d'informatisation destiné a la gestion com ptable et budgétaire.
Cela a ensuite conduit, a la création, par un décret du 8 avril
2002477, de l'Agence Nationale des Technologies de l'Information et
de la Communication (A.N.T.I.C), chargée de «
promouvoir et de suivre l'action gouvernementale dans le domaine des
technologies de l'information et de la
communication478 *
393. Mais, malgré ces avancées, les programmes
informatiques sont la plu part du temps insuffisamment ex ploités. Les
administrations ont privilégié l'informatique de production et de
gestion, au détriment de la mise en place de systemes permettant de
gérer les relations avec les usagers. La plu part des sites internet
ministériels se limitent : publier des informations relatives a
l'organisation et au fonctionnement de leurs administrations, a informer les
usagers sur les dé placements de leur Ministre ou sur les
événements nationaux ou internationaux se rattachant a eux, sans
offrir aux usagers la possibilité d'accéder a des services ou des
renseignements. En outre, les programmes d'informatisation ont
été conduits en interne dans chaque ministere, sans prendre en
com pte la nécessaire coo pération entre administrations dans
l'élaboration et la mise en oeuvre des politiques publiques. Ce qui fait
que les cellules informatiques manquent tres souvent de personnel
qualifié, et certains des équi pements informatiques, parce que
trop so phistiqués, ne sont pas utilisés ou servent tres peu car
manifestement inada ptés aux aptitudes et besoins réels de leurs
utilisateurs potentiels.
Ces facteurs ont quelque peu, contribués a ralentir le
dévelo ppement d'une interaction avec les usagers.
2. L'inexistence d'une interactivité
informationnelle avec les usagers.
394. L'une des s pécificités de l'administration
électronique est de dévelo pper une communication interactive
avec les usagers des services publics.
Cette interactivité a pour principal objectif de
permettre a chaque usager d'adresser un message a l'administration de son choix
mais aussi d'obtenir une ré ponse en retour. Elle permet d'offrir aux
usagers, les informations aussi completes que possibles sur le service
demandé, les conditions et les démarches a effectuer pour
l'obtenir. Ces informations
477 Décret n°2002/092 du 8 avril 2002
portant création , organisation et fonctionnement de l'Agence Nationale
des Technologies de l'information et de la Communication (A.N.T.I.C) au
Cameroun.
478 Article 3, décret, op cit. Pour un
développement plus approfondie des missions de l'Agence en
matière de télécommunications, cf infra n° 879 et
suiv.
peuvent découler d'une demande ex presse faite par
l'usager, ou provenir d'une mise : jour réguliere du contenu
informationnel du site du service.
395. L'interactivité suppose alors une
généralisation d'échanges électroniques non
seulement a l'intérieur des services479, mais aussi avec les
usagers. Ainsi, pour Monsieur Bernard CANDIARD, le courrier électronique
apparalt comme le moyen a ppro prié pour « simplifier
l'echange dinformation et de faciliter le contact entre les usagers et
l'administration480 *
396. Au Cameroun, malgré la présence de
nombreux sites institutionnels, on note une relative absence
d'interactivité entre les administrations et les usagers. Tout d'abord,
les informations fournies par les sites, quand elles existent, sont, pour la
plu part des cas, défraichies ou périmées. La
qualité des contenus est globalement peu satisfaisante du fait de leur
pauvreté ou de leur non actualisation. Il n'existe aucune politique de
mise : jour réguliere481.
397. L'interactivité informationnelle avec
l'administration camerounaise est essentiellement limitée a la
possibilité de poster une question sur le site de l'institution que l'on
veut contacter et même dans ce cas, il n'y a pas assez de
réactivité aux requêtes des usagers. Les délais de
ré ponse (quand ces ré ponses existent) et leur qualité
montrent des résultats tres peu satisfaisants, au regard des attentes.
En fait, les usagers sont souvent confrontés a des ré ponses
incompletes générées par des automates. L'une des
explications tient au fait que la plu part des administrations ne dis posent
pas de structures s pécifiques o pérationnelles ada ptées
a ce genre de besoins des usagers (comme par exem ple les logiciels de
traitement de courrier électronique permettant de suivre les ré
ponses ou de les ca pitaliser) ; de même que les agents administratifs,
dont les ressources et les prédis positions sont limitées, n'ont
regu aucune consigne ni aucune formation a l'information des usagers et ne
savent pas comment faire face au flux de courrier électronique.
Même les liens hy pertextes, quand ils existent, sont souvent mal
gérés du fait d'un manque d'ex pertise et de ressources
suffisantes482.
479 Une étroite coopération et une
collaboration sans faille entre les administrations sont nécessaires
dans le fonctionnement d'une administration en ligne afin de faciliter
l'échange de données entre les administrations publiques et de
permettre la fourniture de services publics électroniques
intégrés.
480 Voir Bernard CANDIARD, « l'amélioration de
l'accueil des usagers dans l'administration », La Documentation
française, Paris, 2003, p 49. Sur
http://lesrapports.ladocumentationfrancaise.fr/BRP/034000705/0000.pdf.
Consulté le 28 septembre 2010.
481 Une exception concerne toutefois le site du
premier ministère (
www.spm.gov.cm) et du
ministère de la communication (
www.mincom.gov.cm) qui
s'efforcent d'actualiser les informations qu'ils délivrent aux
usagers.
482 Il est par exemple difficile aujourd'hui de pouvoir
accéder à un site internet qui répertorie l'ensemble des
textes législatifs et réglementaires au Cameroun. Chaque
département ministériel et chaque autorité administrative
se charge alors, dans son domaine administratif, de mettre les textes qu'il
juge important en ligne (pas toujours complet) à la disposition des
usagers.
398. Cette situation a conduit, de puis peu, a des tentatives
de décloisonnement des services administratifs par la mise en place des
projets au sein des différentes administrations.
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