V. Problématique
69. Au dela de la diversité de points de vue et d'o
pinions que nous avons dévelo ppé ci dessus, la
société de l'information s'est véritablement
constituée autour d'éléments centraux qui tiennent a la
fois de son fondement et de sa finalité, a savoir,
l'horizontalité des relations dans une organisation en réseau, le
potentiel illimité de la technologie
79 De fait, les solutions apportées au
Cameroun peuvent facilement se transposer à d'autres pays africains
à cause des similitudes qui existent dans les problèmes
rencontrés dans le déploiement des technologies de l'information
et de la communication à l'ensemble de la population pour en vulgariser
les usages.
80 Pour le rôle et les missions de l'ANTIC au
Cameroun, cf. infra n° 885.
numerique81, la liberte de creation et d'acces,
l'internationalisme, la diversite des cultures82, etc.... Elle
apparalt ainsi pour la majorite des pays en develo ppement, non seulement comme
une eta pe de develo ppement, mais aussi un objectif a atteindre sur lequel de
nombreux es poirs se fondent avec ses promesses de transparence,
d'assainissement de la gestion des fonds publics ainsi que l'acceleration des
processus democratiques83.
Toutefois, cette societe de l'information n'est pas seulement
une societe d'ouverture et de transparence. Les faits demontrent que les
technologies de l'information sont aussi creatrices de nouvelles formes de
domination, de segregation, d'inegalite, de dependance, de surveillance, de
controle, de mani pulation84. C'est a ce niveau que se situe
l'ensemble du questionnement relatif a la societe de l'information.
70. Le premier domaine de questionnement concerne l'accessibilite
qui fait reference a
la distance en terme to pologique, de temps ou de
coOt85 qui se pare le citoyen de l'information puisque la valeur
accordee a celle-ci de pendra en grande partie des moyens qu'il aura mis en
oeuvre pour la collecter et l'elaborer86. Le concept d'accessibilite
est com plexe dans la mesure ou il tient com pte des conditions dans lesquelles
des individus peuvent, dans la realite, acceder aux ressources dont ils ont
besoin et des contraintes qui s'exercent87. Il s'agit alors de
savoir comment faire profiter tous les usagers, quel que soit l'endroit ou ils
se trouvent sur le territoire et quel que soit les conditions dans lesquelles
ils se trouvent, des nouveaux moyens de communications sans necessairement
causer des dis parites territoriales ou sociales. Cette accessibilite constitue
l'un des grands enjeux de la mise en oeuvre de la societe de l'information dans
la mesure ou elle permettrait de mieux develo pper les infrastructures de
telecommunications pour ameliorer la qualite des services offerts aux usagers.
Bien sOr, l'observation releve des inegalites dans l'equi pement, l'acces, les
ressources financieres et humaines et le coOt de l'acces est un des motifs les
plus evidents des inegalites d'accessibilite, mais dans la
81 On parle ainsi de l'importance qu'elles peuvent
jouer dans l'éducation, dans la santé, dans l'enseignement
supérieur, en permettant un échange et un partage des
idées et des expériences avec les pays développés
(la société de l'information est présentée comme un
outil pouvant permettre d'améliorer la qualité de vie,
l'efficacité de l'organisation économique et sociale et de
renforcer la cohésion sociale.
82 En ce sens, cf Gaëtan Tremblay, «
Gatesisme et informationalisation sociale : alternatives à la
société de l'information ?, in « critiques de la
société de l'information », Eric George et Fabien Granjon,
l'Harmattan, 2008, p 27.
83 Alain Kiyindou considère que la
liberté d'expression qui est le fondement de la société de
l'information pourrait permettre de sensibiliser l'opinion internationale sur
les exactions commises par les régimes dictatoriaux africains. Voir
Alain Kiyindou, op cit, p 167.
84 André Lucas et alii, « Droit de
l'informatique et de l'internet », éd PUF Droit, 2001, p 2.
85 Le coût peut s'entendre ici aussi bien
comme le prix, mais aussi le temps qui sera mis dans la recherche de
l'information. Les coûts générés seront alors la
somme de temps, des efforts psychologiques, des prix et des énergies
dissipées dans une action donnée.
86 Adel Jomni, Cours de Méthodes
informatiques, Equipe de Recherche Informatique et Droit (ERID),
2004-2005, Université de Montpellier 1.
87 Alain Kiyindou, op cit, p 66
marche vers la societe de l'information, ce sont la des
obstacles qui trahissent la possibilite ou l'existence d'une fracture qu'il
faut eviter ou combler88. Cela pose, dans les termes precis, les
enjeux qui existent en termes de develo ppement des infrastructures et des
reseaux de telecommunications pour ra pprocher les technologies des usagers.
71. Le deuxieme domaine de questionnement concerne les
problemes juridiques que posera la societe de l'information qui devient une
societe de surveillance pouvant menacer jusqu'aux libertes individuelles tout
en ayant l'ambition d'être un es pace de liberte d'ex pression.
L'utilisation des TIC constitue certes une o pportunite, mais cette utilisation
ouvrira aussi la voie a des problemes juridiques les plus urgents et les plus
complexes qu'il faudra prevenir ou etre en mesure de les resoudre. Ainsi,
l'identite des personnes, la vie privee, les libertes individuelles ou la pro
priete intellectuelle sont autant d'elements qui se trouvent en partie
destabilisees par les technologies numeriques. Et meme si elles ne soulevent
pas de problemes inconnus du droit au paravant, ces technologies presentent ce
pendant certaines caracteristiques nouvelles, elles-memes a l'origine de
quelques pratiques inedites dont le reglement pourrait exiger l'elaboration
d'instruments juridiques s pecifiques.
72. Il s'agit alors, soit d'introduire une marge de
previsibilite dans les ra pports sociaux pour prevenir les atteintes, soit de
les guerir en edictant des regles juridiques adequates. La question du develo
ppement de la societe de l'information ne peut, en aucun cas, etre envisagee en
faisant fi de ce questionnement juridique.
73. L'ensemble de ce questionnement nous permet de diviser
notre travail de recherche en deux parties. Nous tenterons de com prendre dans
une premiere partie comment les telecommunications peuvent se mettre au service
de la societe de l'information au Cameroun (1ere partie) avant
d'analyser l'ensemble du questionnement juridique qui se develo ppe autour de
la societe de l'information (2eme partie).
74. La premiere partie est com posee de deux titres consacres
au develo ppement des reseaux de telecommunications et a la mise en oeuvre de
la societe de l'information au Cameroun a travers le develo ppement de
certaines applications qui permettront d'eclairer les interpretations generales
qui sont pro posees.
75. A cet effet, la mise en oeuvre de la societe de
l'information procede de la realisation d'un ensemble de conditions prealables
qui tiennent pour partie a l'existence et au bon etat des telecommunications,
infrastructures et reseaux, pour transporter la masse d'informations. Ainsi,
nous nous interesserons dans le premier titre a la gestion des
telecommunications au Cameroun de puis le monopole du pouvoir etatique a la
liberalisation complete du secteur intervenue dans les annees 1990. Nous
traiterons
88 Voir Gaëtan Tremblay, ibid.
egalement du develo ppement des reseaux de telecommunications
au Cameroun a travers une analyse de l'evolution des techniques de
communication et une mise en place du cadre reglementaire de cette
evolution.
76. Le deuxième titre traitera de la mise en place de
la societe de l'information au Cameroun. Nous aborderons notamment la
vulgarisation des technologies de l'information et de la communication a
travers le develo ppement de l'administration electronique pour faciliter les
relations avec les differentes administrations et avec les usagers. Les enjeux
ici sont d'im portance au moment ou ces technologies sont presentees comme une
chance pour la bonne gouvernance et la democratie pour les pays en develo
ppement. L'administration electronique permettra alors de materialiser cette
democratie en offrant aux usagers un es pace virtuel dans lequel ils pourraient
dialoguer et echanger avec l'administration. Nous traiterons ensuite les
problèmes lies au develo ppement des applications marchandes, qui
peuvent offrir quelques perspectives interessantes en termes de mise en place
de nouvelles pratiques economiques et d'elargissement de marches.
77. Dans la deuxième partie de notre travail de
recherche, l'ensemble du questionnement juridique autour de la societe de
l'information sera abordee et des tentatives de re ponses seront a pportees.
Nous tenterons dans cette partie de dresser un etat des lieux, certes non
exhaustif, des garanties juridiques, legales, techniques ou technologiques qui
peuvent permettre aux usagers de vivre dans une societe ouverte sur le
monde.
78. Il sera par exem ple question dans un titre premier du
questionnement autour de la gouvernance d''internet et des conditions
d'equilibre dans l'accès a la societe de l'information au Cameroun. Ce
titre nous permettra de poser la limite de la seule reglementation etatique a
controler toutes les activites de la societe de l'information et a poser une
alternative a travers la regulation qui se presente comme un instrument de
gouvernance. Au-dela de cette regulation, nous aborderons egalement la question
de la concurrence dans les activites de telecommunications au Cameroun avec, en
perspective, une redefinition du cadre juridique qui permettra une meilleure
organisation du marche des telecommunications entre les o perateurs presents ou
a venir.
79. Le deuxième titre sera consacre au questionnement
autour du droit d'auteur et des droits de la personne dans la societe de
l'information. Ce titre nous permettra de prendre en com pte de nouveaux
enjeux, notamment en termes d'amelioration du cadre juridique dans ces domaines
avec en toile de fond, une meilleure protection des droits les plus ex poses
dans cette societe.
.Ce n'est pas la technique qui nous asservit mais le
sacre transfers a la technique. A> Jacques ELLUL in Les
nouveaux possedes, Paris, Fayard, 1973, p 259
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