B. Quels universitaires ?
Une fois le principe de l'enseignement universitaire
accepté, une autre question s'est posée : fallait- il construire
une université dans la colonie comme certains le préconisaient ou
envoyer des boursiers poursuivre leurs études en Europe comme certaines
autres métropoles le faisaient ? Pour les partisans de la
deuxième option, construire une université au Congo reviendrait
trop cher et risquerait de mener le pays à la banqueroute, la colonie
n'ayant pas les moyens d'investir dans un tel projet. Les autres pensaient, au
contraire, qu'il était indispensable que la formation des jeunes
congolais ait lieu dans leur propre pays.
Une des raisons en faveur de l'octroi des bourses pour des
études à l'étranger plutôt que la création
d'une université au Congo, était la peur dans les milieux belges
que ces institutions ne puissent dispenser aux étudiants une formation
d'un niveau scientifique. Cela se ressent dans les rapports des conseils
coloniaux. C'est ainsi, par exemple, que lors de l'examen du «
décret du 26 octobre 1955 relatif à la création et
à l'organisation d'une Université au Congo Belge » et cela
malgré le fait que la C.U.L. avait déjà ouvert ses portes
une année plus tôt, des voix se levèrent pour remettre en
cause le véritable potentiel scientifique qu'aurait eu une
université créée en Afrique35. Beaucoup
proposaient de suivre l'exemple de la France et de la grande Bretagne qui
obtenait d'excellents résultats en envoyant les élèves les
plus doués étudier dans la métropole. Le second argument
sur lequel ils s'appuyaient était le coût extrêmement
élevé d'une telle entreprise. En effet, il fallait non seulement
créer les infrastructures mais, en plus, prendre en charge les futurs
professeurs de ces universités, les rémunérer de
manière assez attractive pour leur donner envie de
rester36.
Pour les partisans de la création
d'établissements universitaires en Afrique, L'Université se
devait de devenir un foyer de rayonnement culturel pour l'ensemble du pays, un
pôle de développement intellectuel ainsi qu'un centre de
recherches scientifique et d'adaptation du savoir aux particularités
locales. Elle ne devait pas se
35 Compte rendu analytique du Conseil colonial du 25
novembre 1955
36 GILLON, L., Op. Cit., p.78
contenter de délivrer des diplômes, mais devait
étendre progressivement son influence sur toutes les couches de la
population37. Pour cela, elle devait être ancrée sur le
territoire d'où la nécessité de la construire dans la
colonie.
Il était question de former des autochtones conscients
de leur patrimoine culturel, pas des hybrides intellectuels ne pouvant pas
appréhender convenablement les véritables enjeux du pays parce
que ne les connaissant pas et ne les ayant jamais vécus. Il fallait
intérioriser la formation intellectuelle dans la réalité
de la vie familiale et sociale africaine en restant en contact avec la
réalité du milieu et de la famille.
Cette solution avait aussi l'avantage de permettre un
contrôle des étudiants et de les soustraire à l'influence
des milieux progressistes qui existaient en Europe38.
Au final, ce sont les partisans de la construction d'une
Université en Afrique qui l'emportèrent et en 1953
commencèrent les travaux de construction du C.U.L qui ouvrit ses portes
l'année suivante et devint l'U.L, par l'arrêté royal du 3
février 1956. En 1956, une seconde université officielle cette
fois ci ouvrit ses portes : l'Université Officielle du Congo belge et du
Ruanda Urundi. La troisième université, quant à elle,
l'U.L.C, n'a démarré qu'en 1963, après la fin de la
colonisation sous l'action des églises protestantes.
37 Idem p.75
38 LACROIX, B., Op Cit., p. 26
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