D. Les causes de la baisse du niveau universitaire
Pour nous, trois causes principales peuvent être
identifiées. Il s'agit d'abord des conditions déplorables
auxquelles étaient soumis les enseignants. Ensuite vient la baisse de
rigueur dans les critères de sélection des étudiants et
enfin il y a le manque de moyens logistiques.
- La situation des professeurs est extrêmement difficile
durant cette période, car leurs conditions de travail, au fil des ans,
ne cesseront de se détériorer. Leur salaire devient de plus en
plus dérisoire, parfois même, ils ne sont pas payés tous
les mois155. L'Université s'est retrouvée dans des
moments où c'est bénévolement que
153 GILLON, L. (Mgr), Servir en actes et en
vérité, Kinshasa, C.R.P, 1995, p. 177 : La raison pour
laquelle nous donnons cet exemple, est que même si nous ne sommes pas
d'accord avec lui, force nous est de constater du moins que son argument est
louable.
154 DIBWE, D. - NGANDU, M., « De l'Université
Officielle du Congo-belge et du Ruanda-Urundi à l'Université de
Lubumbashi : la mémoire d'un peuple » dans L'Université
dans le devenir de l'Afrique. Un demi siècle de présence au
Congo-Zaïre, Bruxelles-Paris, CUD - L'Harmattan, 2007, p. 149
155 TSHISHIMBI, E., « Politisation ethnicisation des
libertés académiques sous la deuxième République au
Congo-Kinshasa » dans Universités et libertés
académiques en République Démocratique du Congo,
Dakar, CODESRIA, 2005, p. 55 : « A partir de 1980, le professeur qui,
touchait l'équivalent de plus ou moins 1000
les enseignants travaillent156. Cette situation aura
des conséquences extrêmement fâcheuses sur la qualité
de l'enseignement.
Tout d'abord, l'enseignant pour pouvoir vivre, devait trouver
un emploi extrauniversitaire157. Cela implique donc une
disponibilité moins grande pour le travail académique. Parfois
lui-même n'avait pas le temps de venir travailler à
l'université et abandonnait son cours à ses assistants, qui
gère cela à leur entendement158.
Le professeur n'a plus le temps de se remettre à jour
sur le plan scientifique car il a d'autres préoccupations que celle qui
consiste à faire de la recherche. Cela implique, que l'on remarque que
pour certains enseignants, malgré le progrès de la science, le
contenu du cours ne change pas. A cette indisponibilité physique,
s'ajoute une autre raison expliquant l'impossibilité d'assurer cette
mise à jour, c'est le manque de supports scientifiques valables.
Le manque de rémunération des professeurs fait
aussi que nombre d'entre eux se lancent dans une certaine forme de corruption,
qui privilégie les étudiants fortunés au détriment
des étudiants doués : la réussite aux examens étant
assurée par l'achat d'un syllabus ou d'un TP et non par la
compréhension de la matière enseignée et la
réussite effective aux épreuves.
- Du coté des étudiants, le problème se
pose tout d'abord au sujet des critères de sélection qui sont
imposés par la réforme, désormais en lieu et place des
examens d'entrée à l'université, les recrutements se
feront en respectant un certain quota régional. Ce quota se
définissait de la manière suivante « on attribuait
à chaque province un quota d'admission à l'enseignement
supérieur et universitaire proportionnel à son poids
démographiques »159. Cela implique donc que si
un
dollars, va toucher désormais moins de 100 dollars.
Nombreux seront sans logement, sans transport. Ils devront faire face aux
multiples aléas de la vie pour lesquels ils n'ont pas d'argent
».
156 NGUB'USIM, R., Op. Cit., p. 224 : Il s'agit de
l'année académique 1992-1993 157TSHIBIMBI, E.,
Art. Cit., p. 56 : il parle d'« extra muros ».
158 MABIALA, P., « Les indicateurs de la permanence de la
crise à l'Université » dans L'Université dans le
devenir de l'Afrique. Un demi siècle de présence au
Congo-Zaïre, Bruxelles-Paris, CUD - L'Harmattan, 2007, p.247 :
l'absentéisme des professeurs entraine la négligence dans la
transmission des connaissances. Des cours préparés sans
concentration sont souvent transmis de façon décousue. Le
professeur interrompt parfois brusquement son cours, se rappelant qu'il doit
aller assister à une réunion de service en dehors de
l'université. Les cours sont parfois confiés à des chefs
de travaux ou à des assistants qui enseignent parfois des choses
contradictoires.
159LUSAMBA, J., « La politisation de la gestion
des ressources humaines dans l'enseignement supérieur et universitaire
en République démocratique du Congo : cas du système de
quota régional » dans Universités et libertés
académiques en République Démocratique du Congo,
Dakar, CODESRIA, 2005, p. 130
élément intéressant se trouve être
l'un de ceux de trop d'une région dont le quota est atteint, on lui
préfèrera l'incompétent de la région dont le quota
n'est pas encore atteint ou plus simplement que certains élèves
brillant venant de provinces dont le quota était atteint, se voyaient
exclus au profit d'élèves médiocres venant des
régions dont le quota n'était pas encore atteint.
La culture de l'excellence dans la sélection des
étudiants n'est plus de mise, et à coté de cela,
malgré la surpopulation des établissements, en 1982
l'arrêté ministériel du 5 juillet abrogea la condition
d'avoir réussi aux examens de fin du secondaire avec au moins 60% pour
pouvoir intégrer l'enseignement universitaire160. Cela baissa
encore le niveau des universitaire d'un cran et entraina par la même
occasion un gonflement de l'effectif des étudiants dans des
universités qui, n'ayant ni amélioré ni agrandi leurs
infrastructures n'avaient plus la capacité de les accueillir tous.
- Le manque d'infrastructures adaptées : en effet, on
retrouva dans des auditoires prévus pour 100 places, parfois,
jusqu'à 500 étudiants. Il en résulte des cours qui se
donnent dans des conditions impossibles, avec des étudiants qui
écrivent par terre et d'autres qui restent dehors. Cela ne favorise pas
une compréhension réelle des matières enseignées.
Beaucoup pour palier à cette carence de compréhension, on donc
recourt soit à la corruption, facilité par les difficultés
dans lesquelles se trouvent les professeurs, ou même à
l'utilisation de mercenaires, pour faire les examens à leurs places.
A coté de cela, avec la suppression de certaines
subsides, scientifiquement les universités ont du mal à se
maintenir dans la course internationale à cause du manque
d'infrastructures qui au fil du temps se sont de plus en plus
détériorées, et ensuite à cause du manque de
financement des bibliothèques universitaires, ou des laboratoires. L'un
des reproches que Mgr Tshibangu fait à la réforme, est d'avoir
emmené à l'insuffisance de l'infrastructure
générale et des équipements scientifiques faute de budget.
C'est grâce à des accords de coopération, que
l'Université arrivait désormais difficilement à
s'approvisionner en livres et à faire fonctionner ses
bibliothèques. Cela emmène à une impossibilité pour
les professeurs ou les étudiants d'avoir accès aux grands
réseaux du savoir international161. L'incongruité du
budget n'autorise plus à s'abonner à des revues
160 NGUBU'USIM, R., « Gestion et financement des
universités congolaises: expérience de « sauvetage » et
« partenariat » à l'Université de Kinshasa » dans
Congo-Afrique, XXXXéme année-n°345, mai
2000, p.. 297
161 NDAYWEL, I., Op. Cit., p. 125 : Ces parole du
recteur honoraire Musinde « L»Université de Lubumbashi,
comme les autres universités congolaises, [...] s'est repliée sur
elle même, faute de moyens financiers, elle ne peut plus rayonner ni
entretenir une coopération interuniversitaire en partenaire
responsable »
scientifiques ou à recevoir les derniers ouvrages. Les
recherches en elles-mêmes deviennent impossibles, faute de documentation
et cela se ressent dans les travaux scientifiques qui deviennent de plus en
plus difficiles à réaliser162.
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