CONCLUSION GENERALE
Au total, les mesures fiscales adoptées au Cameroun et
en France ne laissent aucun doute sur la volonté des deux pays
d'instrumentaliser la fiscalité pour un meilleur ancrage dans la
mondialisation. Les mesures prises de part et d'autre, notamment en
matière de promotion de l'investissement, confirment cette
préoccupation commune. Il en est ainsi, au Cameroun, de la restauration
et/ou de la création de nouveaux régimes fiscaux
dérogatoires. Il en est de méme, en France, de
l'allègement de l'imposition du patrimoine et du revenu. Dans cette
démarche commune, il faut cependant noter une différence de
degré. Au Cameroun, l'objectif est surtout, dans un contexte de
liberté retrouvée à la faveur de la fin des programmes
économiques contraints, de mettre la fiscalité à
contribution pour la réalisation d'un démarrage économique
que les programmes successifs conduits avec les institutions financières
internationales, n'ont pas favorisé. En France, l'ambition
affichée est celle d'un réel ancrage dans la compétition
mondiale. En témoignent, notamment, l'allègement de l'imposition
de la fortune, la défiscalisation des heures supplémentaires, le
renforcement de la fiscalité dérogatoire applicable à la
recherche et à l'innovation, et la suppression de la taxe
professionnelle.
Mais au-delà de la noblesse des objectifs ainsi
poursuivis, la question posée est celle de la pertinence et de
l'efficacité des mesures adoptées. A ce sujet, l'analyse a
révélé qu'au Cameroun comme en France, certaines des
mesures fiscales adoptées depuis 2007 par le législateur sont,
soit pertinentes dans leur principe mais mitigées dans leurs
résultat, soit carrément non pertinentes pour une
inefficacité alors clairement avérée. Dans le premier cas,
se trouvent les mesures fiscales de soutien à l'investissement, à
la recherche et au travail. Il en est ainsi, pour le cas du Cameroun, du
régime du réinvestissement et du régime fiscal particulier
des projets structurants. Il en est de même, en France, du renforcement
du crédit d'impôt recherche et de la défiscalisation des
heures supplémentaires.
Dans le deuxième cas, sont essentiellement
concernées les mesures de soutien au financement de l'économie,
à la consommation et à l'emploi, ainsi que celles relatives
à l'imposition de la fortune et des revenus. Il s'agit, pour le
Cameroun, de la mise en place d'un régime fiscal du secteur boursier, de
l'allègement de la fiscalité applicable au secteur bois, de la
baisse de la fiscalité sur les produits de première
nécessité. Il s'agit aussi, en France, de la baisse de la TVA
dans la restauration, mais aussi du renforcement du bouclier fiscal.
Les raisons de cette efficacité mitigée ou de
cette absence d'efficacité sont de plusieurs ordres. Il y a d'abord que
« l'analyse des mérites comparés d'une mesure
dérogatoire et des mesures alternatives est trop rarement conduite
»197. Il y a ensuite que les objectifs des
réductions, exonérations ou exemptions sont rarement
identifiés. Enfin, certaines mesures, justifiées dans leur
principe, sont souvent très mal ciblées par rapport à
l'objectif poursuivi198. Il est donc indispensable que soient
clairement identifiés, ex ante, les objectifs recherchés
par chaque mesure dérogatoire avant son adoption définitive et
précisément mesurée, ex post, l'efficacité
du dispositif au regard de l'objectif recherché, d'une part. D'autre
part, méme là où ils apparaissent pertinents, «
les dispositifs dérogatoires (ne) devraient être
utilisés (que) lorsqu'ils apparaissent comme le mode d'intervention
publique le plus adéquat »199.
Enfin, lorsque leur nécessité, leur
utilité voire leur caractère incontournable est
avéré, il faut que les dispositifs dérogatoires soient
bien ciblés afin d'éviter notamment les effets d'aubaine et
d'optimisation qui leur feraient précisément perdre ce
caractère.
Telle est la démarche à suivre pour un ancrage
réussi dans la mondialisation mais aussi, plus globalement, dans
l'élaboration de la politique fiscale.
197 Synthèse du Rapport 2010 du CPO, Entreprises et
niches fiscales et sociales, op. cit. p. 12.
198 Ibidem, p. 17.
199 Ibid. p. 11. Le CPO précise d'ailleurs que la
création ou l'extension de tels dispositifs devrait être
limitée aux cas où leurs avantages seraient supérieurs
à leurs inconvénients.
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