A - Un niveau de cotation demeuré anormalement
bas
En dépit de l'incitation fiscale, et pour des raisons
multiples, à la fois politiques et économiques (2), le niveau des
cotations à la Douala Stock Exchange reste très faible (1).
1) Le constat de la faiblesse des cotations en
dépit des incitations
Depuis l'institution de ces mesures dérogatoires,
seules trois entreprises sont entrées dans le marché des actions.
Elles ont pour dénominateur commun d'opérer dans le domaine de
l'agroalimentaire. Ainsi, la première entreprise à
intégrer le marché aura été, en 2006, la
société des eaux minérales du Cameroun (SEMC), une filiale
du groupe français CASTEL. L'y a rejoint deux ans plus tard, le 9
juillet 2008, la société africaine forestière et agricole
du Cameroun (SAFACAM). Enfin, le 26 novembre 2008, ce fut le tour de la
société camerounaise des palmeraies (SOCAPALM).
Dans la mesure où les trois sociétés
mettent à la disposition de potentiels investisseurs, 20 % de leur
capital, soit exactement le seuil d'ouverture requis pour le
bénéfice des taux réduits d'IS, on peut avancer que leur
introduction en bourse a été motivée par les incitations
fiscales proposées. Celles-ci auraient alors tout leur sens et toute
leur justification.
La faiblesse de leur nombre ne permet malheureusement pas
d'aboutir à cette conclusion. Bien au contraire, ce faible niveau de
cotation, qui établit clairement l'inefficacité du dispositif
d'incitation, jette un doute sur la pertinence méme du recours à
ce dernier. Le doute est d'autant plus permis que le caractère incitatif
du dispositif a été renforcé par la loi de finances pour
l'exercice 2008. Depuis cette loi en effet, la réduction du taux de l'IS
au profit des entreprises admises à la cote de la bourse intègre
une logique de proportionnalité progressive. Les nouvelles dispositions
du régime fiscal boursier permettent ainsi de bénéficier
d'un taux d'IS d'autant plus réduit que la société place
un ratio important de ses titres sur le marché.
A ce renforcement de la portée incitative du
régime, il faut ajouter la possibilité offerte de le cumuler avec
les régimes du Code des investissements. En effet, pour les entreprises
qui bénéficient déjà de l'un des régimes
incitatifs de ce Code, à l'instar du « régime des
entreprises stratégiques » dont le taux de l'IS est réduit
de moitié, et qui sont par ailleurs éligibles au régime du
secteur boursier, le taux de l'IS applicable est la moitié de celui
retenu pour ce dernier régime. Autrement dit, la réduction de
moitié du taux de l'IS s'applique dans ce cas, non au taux de droit
commun, mais plutôt, selon les cas, au taux de 30, 28, 25 ou de 20 %. De
la sorte, selon la situation de l'entreprise dans le marché boursier, le
cumul entre le
régime des entreprises stratégiques et celui du
secteur boursier aura pour effet de ramener le taux de l'IS à 15, 14,
12,5 ou à 10 %170.
Il est donc clair que ce n'est pas le niveau de l'incitation qui
est en cause dans la réticence des entreprises à intégrer
le marché boursier. Il y a bien plus que des considérations
fiscales.
2) La justification de la faiblesse des
cotations
Deux raisons pourraient expliquer la réticence des
entreprises à intégrer le marché boursier en dépit
de l'importance des allègements fiscaux accordés. La
première est liée à la difficulté qu'il y a pour
ces entreprises à intégrer la culture de la transparence des
comptes inhérente à ce marché. La plupart des entreprises
se sont en effet exercées, pendant longtemps, à la pratique des
« trois bilans » : un bilan pour le banquier, qui surestime les
résultats de l'entreprise, un autre bilan pour le fisc, qui sous-estime
les mêmes résultats, et un troisième bilan, pour
l'entreprise elle-même, et qui reflète la réalité de
son activité. Or, une cotation en bourse signifierait des comptes
transparents et accessibles à tous.
Une deuxième justification peut être
trouvée dans la coexistence de deux marchés financiers qui se
livrent concurrence dans un espace économique réduit : la Douala
Stock Exchange (DSX) et la Bourse des valeurs mobilières de l'Afrique
centrale (BVMAC). L'émergence d'un marché financier viable
passerait pourtant par une solution politique à cette coexistence.
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