A - Le soutien au travail par la défiscalisation des
heures supplémentaires
La défiscalisation des heures supplémentaires
consiste en une exonération de l'impôt sur le revenu et des
cotisations sociales (1). Elle est justifiée économiquement par
le lien supposé entre travail et croissance (2).
1) La consistance de la défiscalisation :
l'exonération de l'impôt sur le revenu et des cotisations
sociales
En application de l'article 81 quater du CGI issu de
l'article 1er de la loi TEPA, l'exonération d'impôt sur
le revenu s'applique à la rémunération des heures
supplémentaires, effectuées audelà de la durée
légale du travail fixée à trente-cinq heures, et des
heures considérées comme telles dans le cadre des
différents dispositifs d'aménagement du temps de travail dans
l'entreprise (accords collectifs d'organisation du temps de travail par cycles
de travail, de modulation/annualisation du temps de travail...). Les heures
complémentaires, qui correspondent aux heures effectuées par les
salariés à temps partiel au-delà de la durée
contractuelle de travail, bénéficient également de la
mesure.
Pour les salariés, la loi exonère d'impôt
sur le revenu et allège de cotisations sociales les salaires
versés à compter du 1er octobre 2007 pour les heures
supplémentaires ou complémentaires. L'ensemble des
salariés du privé comme du public, à temps complet ou
partiel, peut en bénéficier.
Pour les employeurs, les heures supplémentaires
bénéficient d'une réduction forfaitaire de cotisations
sociales.
2) La motivation de la défiscalisation : la
relation travail-croissance
Comme le soutien public à la recherche, le soutien
public au travail voulu par la Droite dans le cadre de la loi TEPA a une
motivation économique. L'idée est que le travail produit des
« externalités positives », c'est-à-dire qu'il a un
impact sur la société dans son ensemble. En cela, il ne peut
être qu'utile de l'augmenter en volume.
Il y a d'abord, évidemment, l'intérêt
immédiat du travailleur qui, augmentant son volume de travail, augmente
parallèlement son revenu et, donc, son pouvoir d'achat. C'est ici
l'idée du « travailler plus pour gagner plus ». Mais il y a
aussi l'intérêt plus global de l'économie nationale dans la
mesure où plus de travail signifie plus de productivité et plus
de croissance.
B - Le soutien à la consommation et à
l'emploi par la baisse de la TVA dans la restauration
Lors du Conseil des ministres de l'Union européenne du
10 mars 2009, la France a obtenu de ses partenaires européens la
possibilité d'appliquer un taux réduit de TVA dans certains
secteurs dont la restauration113. Cet accord a
été entériné, à la suite du Conseil Ecofin
du 5 mai de la même année114, par l'adoption d'une
nouvelle directive115 modifiant la directive n°2006/112/CE du
28 novembre 2006 relative au système commun de TVA. La baisse de la TVA
a ainsi été intégrée en France dans la loi de
développement et de modernisation des services
touristiques116. Cette dernière fixe respectivement à
5,5 % et à 2,1 %, le taux de la TVA applicable à la restauration
en métropole et dans les départements d'Outre-mer. Conçue
comme outil de relance économique sectorielle (1), cette réforme
a eu pour contrepartie des engagements concrets de la part des restaurateurs
(2).
1) Une baisse conçue comme outil de relance
économique sectorielle
Les motifs économiques de la baisse de la TVA dans la
restauration sont contenus dans le rapport présenté par la
Commission de l'économie, du développement durable et de
l'aménagement du territoire du Sénat sur le projet de loi de
développement et de modernisation des services
touristiques117. Ils sont de trois ordres.
Selon le rapport du Sénat, une telle baisse serait
d'abord susceptible d'être en partie répercutée sur les
prix. Elle aurait en conséquence un impact positif sur le pouvoir
d'achat des ménages et inciterait les clients à davantage
fréquenter les restaurants. Cette hausse de la consommation dans le
domaine de la restauration pourrait elle-même avoir des effets
bénéfiques sur l'emploi et le rendement fiscal.
Ensuite, la part non utilisée pour réduire les
prix de l'effet de la baisse de la TVA permettrait de rétablir
l'équilibre économique d'un secteur dont la profitabilité
était en diminution constante depuis plus de dix ans, avec de
très grandes difficultés pour les grandes tables
françaises à équilibrer leurs comptes.
Concrètement, la part de la baisse non répercutée sur
les
113 La directive du Conseil n°2006/112/CE du 28 novembre
2006 relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée
offrait aux Etats membres la possibilité d'avoir un ou deux taux
réduits de TVA fixés au minimum à 5 %. La liste des
catégories de biens et services susceptibles de se voir appliquer ce
taux réduit était cependant définie de manière
limitative par le droit communautaire et n'incluait pas la restauration.
114 Il est à noter que ce taux réduit
était demandé par la France depuis 2002. Cette dernière se
heurtait cependant au refus de pays comme le Danemark et l'Allemagne qui,
appliquant eux-mêmes des taux normaux sur la restauration, s'opposaient
à une mesure qui, bien que facultative, aurait pu les contraindre
à suivre la même voie du fait de la pression de leurs opinions
publiques. L'accord ainsi obtenu vient au demeurant réparer une
injustice. En effet, le droit communautaire autorisait les Etats qui
connaissaient des taux réduits de TVA avant 1991 à les conserver,
ce qui constituait en soi une inégalité de traitement.
115 Directive 2009/47/CE du Conseil du 5 mai 2009 modifiant la
directive 2006/112/CE en ce qui concerne les taux réduits de taxe sur la
valeur ajoutée.
116 Loi n° 2009-888 du 22 juillet 2009 de
développement et de modernisation des services touristiques
publiée au Journal Officiel du 24 juillet 2009.
117 Rapport n°507 du 1er juillet 2009.
prix serait utilisée pour améliorer l'emploi et les
conditions de rémunération et de travail dans ce secteur.
Enfin, cette baisse serait la correction d'une injustice
économique, les restaurateurs traditionnels ayant toujours mal
vécu de se voir appliquer un taux normal de TVA là où la
restauration rapide à emporter voyait ses ventes taxées à
taux réduit.
2) Une baisse assortie d'engagements concrets des
restaurateurs
Comme contrepartie à la baisse de la TVA, les
restaurateurs se sont imposés, dans le cadre du « Contrat d'avenir
» conclu avec le gouvernement le 28 avril 2009 à l'occasion des
états généraux de la restauration, quatre engagements
majeurs.
Tout d'abord, les restaurateurs traditionnels se sont
engagé à baisser leurs prix d'au moins 11,8 %, correspondant
à une répercussion intégrale de la baisse de TVA sur au
moins 7 des 10 produits pouvant constituer la base d'un repas complet. Ces
produits iraient de l'entrée, au plat, aux diverses formules ou menus et
jusqu'au café.
Ensuite, les intéressés créeraient 40 000
emplois supplémentaires sur deux ans (2010 et 2011), dont 20 000
contrats en alternance, contrats d'apprentissage et contrats de
professionnalisation.
Troisièmement, une négociation sociale serait
immédiatement ouverte par les restaurateurs en vue de
l'amélioration de la situation des salariés dans les domaines des
salaires, de la protection sociale et de la formation. Ces négociations
seraient conclues avant la fin de l'année 2009.
Enfin, les restaurateurs s'engageaient à
réaliser un surcroit d'investissement à l'effet de mettre aux
normes leurs établissements, d'en améliorer l'accueil et le
confort et d'acquérir de nouveaux équipements118 et de
moderniser les restaurants119.
En France, l'objectif est donc celui d'un ancrage dans la
compétition mondiale. Un ancrage qui passe d'abord par le soutien au
patrimoine et à l'investissement et ensuite par celui à la
recherche, au travail et à la consommation.
118 Dans le contrat d'avenir, les restaurateurs s'engagent
d'ailleurs à porter le nombre de chefs d'établissements disposant
du titre de « maître restaurateur » à 3 000 dans les
trois ans. Ce titre distingue les professionnels s'engageant sur des
critères de qualité de service et de fabrication et permet de
bénéficier d'un crédit d'impôt pour les
dépenses de modernisation.
119 Pour accompagner les restaurateurs dans cette
démarche de modernisation, un fonds de modernisation avait
été créé. Il visait à apporter, sur trois
ans, via des cofinancements bancaires associés, 1 milliards d'euros de
prêts à l'investissement.
Au total, l'analyse des mesures fiscales prises depuis 2007
par les autorités camerounaises et françaises
révèle une volonté commune, celle de l'ancrage dans la
mondialisation par la fiscalité. Les mesures prises de part et d'autre,
notamment en matière de promotion de l'investissement, confirment cette
préoccupation commune. Il en est ainsi, au Cameroun, de la restauration
et/ou de la création de nouveaux régimes fiscaux
dérogatoires. Il en est de même, en France, de l'allègement
de l'imposition du patrimoine et du revenu.
Dans cette démarche commune, il faut cependant noter
une différence de degré. Au Cameroun, l'objectif est surtout,
dans un contexte post point d'achèvement de l'initiative PPTE, de
susciter par la fiscalité un démarrage économique que les
programmes successifs, conduits avec les institutions financières
internationales, n'ont pas favorisé. En France, l'ambition
affichée est celle d'un ancrage dans la compétition mondiale. En
témoigne, notamment, la défiscalisation des heures
supplémentaires, le renforcement de la fiscalité
dérogatoire applicable à la recherche et à l'innovation et
la suppression de la taxe professionnelle.
Au demeurant, au-delà des différences
d'approche, les mesures adoptées dans l'un et l'autre pays doivent
être analysées, appréciées dans leur pertinence et
dans leur efficacité. Elles présentent alors un caractère
mitigé.
DEUXIEME PARTIE :
UN PARTAGE ATTESTÉ DE LA PERTINENCE ET
DE L'EFFICACITÉ MITIGÉES DES SOLUTIONS FISCALES
RETENUES
Le système fiscal idéal est sans doute celui qui
est le moins interventionniste possible et, donc, le plus économiquement
neutre. La raison en est que l'interventionnisme fiscal crée des
distorsions dans le choix de l'allocation des ressources par les contribuables
et fausse ainsi la décision économique. Les capitaux sont
orientés vers les secteurs privilégiés par l'intervention
publique, au détriment d'autres secteurs de l'économie nationale.
Bien plus, les entreprises relevant d'un méme secteur d'activités
n'étant pas toutes éligibles aux mesures fiscales
préférentielles instituées, il s'en suit
nécessairement une distorsion de la concurrence au détriment de
celles non éligibles. Pour ces motifs, l'on a pu considérer que
« les impôts sont des instruments conçus pour
prélever et non pour guider >120, que « la
fiscalité est une chirurgie, non pas du corps, mais du portefeuille
>121.
La vérité est cependant qu'un système
fiscal peut difficilement répondre à cette exigence de
neutralité, compte tenu notamment de la faiblesse des marges de la
politique économique dans un contexte de mondialisation d'une part et de
tensions budgétaires internes d'autre part. En effet, « alors
que la politique monétaire est largement contrainte par les forces du
marché, la politique budgétaire est strictement encadrée
par des moyens toujours insuffisants >122. La politique
fiscale apparaît alors comme « un champ privilégié
de la politique économique >123, le «
terrain de prédilection du politique dans l'économique
>124.
Bien que souvent nuisible, l'interventionnisme est donc
inévitable voire nécessaire. Maurice LAURE disait lui-même
comprendre que la précision et la variété des
mécanismes fiscaux inspirent la tentation de les faire servir non
seulement à l'alimentation des caisses de l'Etat, mais encore à
toute sorte de bonnes causes. Mais encore faut-il pour cela, précisait
l'auteur, connaître la délicatesse des mécanismes
utilisés ainsi que la limite des services que l'on peut en
attendre125. Autrement dit, il faut prendre garde «
d'apercevoir plus d'interventions fiscales utiles qu'il n'y en a
>126.
Plus que sur la question de l'opportunité de
l'intervention fiscale considérée en elle-même, le
débat doit donc porter sur l'utilité de cette intervention, sur
son efficacité, c'est-à-dire sur « l'adéquation
du moyen employé et de la fin poursuivie >127. Au
Cameroun comme en France, la fiscalité a depuis toujours
été instrumentalisée par la politique économique.
Ainsi
120 LAURE (M.), Traité de politique fiscale, PUF,
1956, p. 321.
121 Idem.
122 BAREL (E.), BEAUX (C.), KESLER (E.), SICHEL (O.),
Economie politique contemporaine, 3ème
édition, Armand Colin, Paris, 2007, p. 200.
123 Idem.
124 Ibid.
125 LAURE (M.), op. cit. p. 320.
126 Idem.
127 LAITHIER (Y.-M.), « Etude comparative des sanctions
de l'inexécution du contrat >, cité par Cécile PERES,
« Rapport introductif >, in BOLLEE (S.), LAITHIER (Y.-M.), PERES (C.),
L'efficacité économique en droit, op. cit. p. 9
que nous l'avons vu128, d'importantes mesures ont
ainsi été prises depuis 2007, avec pour objectif noble de mieux
s'intégrer dans un environnement mondialisé. Leurs analyse et
évaluation révèlent cependant qu'elles n'ont pas toujours
permis d'atteindre les buts visés. Certaines sont pertinentes dans leur
principe mais présentent une efficacité mitigée (Chapitre
1). D'autres en revanche manquent ouvertement de pertinence, leur
inefficacité est alors clairement avérée (chapitre 2).
128 Voir première partie.
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