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Le corps du schizophrène face à l'injection de neuroleptique

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par Sylvie D'HULST
IFSI Pamiers - I.D.E. 2008
  

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3.2.2 La pudeur

La particularité la plus marquante résultant de l'enquête vient compléter mon pôle théorique. En effet, je n'avais pas d'élément sur la pudeur. Une pudeur atténuée semble commune à beaucoup de patients schizophrènes. Les cinq infirmiers ont en effet constaté que les patients ne montraient aucune gêne à baisser leur pantalon lors de l'injection, mais de plus qu'ils restaient « volontiers » avec le pantalon baissé, plusieurs minutes avant le soin. Fait que j'ai également constaté récemment lors d'un stage en Service de Soins de Suite et Réadaptation. Cette impudeur, une infirmière de CMP l'explique très simplement : « Pas d'affect, pas de pudeur ». Elle fait ici allusion à l'un des symptômes du syndrome autistique : l'émoussement affectif. De même, les soignants ont évoqué « l'excentricité » du schizophrène. Il me semble qu'en fait ces patients ne semblent pas autant préoccupés que nous par les normes sociales. A ce propos, un infirmier d'hôpital de jour a ajouté que lors des ateliers théâtres, ces patients ne semblaient troublés ni par le trac, ni par certains costumes dont ils étaient parfois « affublés » et que les soignants eux-mêmes rechignaient à porter !

Par contre, à deux reprises, c'est l'infirmier lui-même qui a exprimé une gêne face à cette impudeur. Ce qui, je dois bien l'avouer est mon cas aussi. Nous restons professionnels lorsque nous arrivons à passer au-delà de cette gêne pour assurer le soin.

3.2.3 Le rôle des vêtements

Une autre des caractéristiques du patient atteint de schizophrénie est la superposition de couches de vêtements, souvent en inadéquation avec le climat ou la température : blouson et bonnet en été, superposition de plusieurs T-shirts... Les soignants l'expliquent par un besoin de contenance ; comme si les vêtements servaient à contenir physiquement ce corps souvent morcelé. Le morcellement, l'absence de « limites » corporelles et le signe du miroir (signe de dépersonnalisation) ont d'ailleurs été cités par la moitié des personnes interrogées. La superposition de vêtements serait-elle une sorte « d'auto thérapie » ? Cela nous renvoie à la fonction contenante de la peau de Didier Anzieu, elle contient les organes, elle contient également le psychisme lorsque cette fonction n'est pas « défectueuse » (le « Moi-peau »p. 9). Elle a également pour fonction de protéger de ce qui est « mauvais » et qui vient de l'extérieur. Trois soignants dont deux de services hospitaliers ont noté à ce sujet une grande difficulté pour ces patients à se dévêtir ; ceci est apparemment d'autant plus prégnant en service de soins intensifs psychiatriques. Un soignant n'a pas hésité à ce sujet à parler de « deuil » des vêtements ; un autre avait noté l'importance que certains patients donnaient à leurs propres odeurs corporelles ; il évoquait la possibilité que la personne avait du mal à quitter ces vêtements imprégnés de son odeur (l'odeur serait-elle elle-même contenante ?). Le vêtement comme une autre peau en quelques sortes.

C'est dans ce rapport aux vêtements que ce situerait une particularité de pratiquer une injection intramusculaire chez un patient atteint de schizophrénie. Parfois l'infirmier(e) va être attentif(ve) à ne pas trop dévoiler la partie du corps nécessaire à l'injection et la pratiquer « rapidement ».

Nous constatons ici quelque chose qui peut sembler paradoxal : impudeur et difficulté à se dévêtir. J'émets l'hypothèse que les vêtements n'ont pas la même signification que pour nous ; ils semblent plus être contenants que des attributs servant à cacher certaines parties du corps. Une fois ce besoin de contenance atténué (par la confiance soignant-soigné, par la stabilisation de la pathologie et des signes associés), les vêtements perdent une grosse partie de leur fonction (régie par les normes sociales).

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"En amour, en art, en politique, il faut nous arranger pour que notre légèreté pèse lourd dans la balance."   Sacha Guitry