3.2.4 L'incurie
En fait, il apparait qu'en service hospitalier la mise en
tenue de nuit ou la toilette peuvent s'avérer plus difficiles qu'une
injection. La toilette peut-être d'autant plus difficile que, comme le
précise l'infirmière de service de soins intensifs, alors que
l'injection de neuroleptique est un geste « relativement
facile » à faire accepter car il a pour but d'apaiser le
patient, elle trouvait beaucoup plus compliqué d'expliquer le bien
fondé d'une toilette à des patients qui ne se sentent pas
toujours concernés par les normes sociales, celles qui concernent la vie
en collectivité. D'ailleurs, dans l'hypothèse ou je me propose de
comparer le vêtement à la peau, comment imaginer enlever cette
peau pour se doucher ? Quelle angoisse insoutenable cela doit
provoquer ! Et comment expliquer à une personne qui parfois ne
reconnait pas son propre corps (cf. la dépersonnalisation et la position
schizo-paranoïde), qu'il convient d'en prendre soin ?
Nous retrouvons à ce sujet l'incurie
évoquée dans le pôle théorique. Elle est
fréquemment observée en CMP et hôpital de jour. L'incurie
est plus « visible » dans ces services car les patients
vivent chez eux, et ne sont donc pas « contraints » de
s'occuper de leur hygiène. L'infirmier d'hôpital de jour a
d'ailleurs précisé qu'un des patients venait se doucher chez eux
(encouragé par son père), car il était incapable de le
faire chez lui ; ce patient n'utilisait d'ailleurs pas de savon ;
celui-ci masquait-il ses odeurs corporelles, très importantes pour
lui ?
3.2.5 Le délire
Dans le pôle théorique, il m'a été
difficile de déterminer quels signes corporels étaient issus de
troubles de l'image du corps ou issus du délire. C'est une
difficulté que semblent avoir les soignants ; il me semble que dans
la schizophrénie, l'image du corps, le délire, la dissociation,
le repli, la plainte somatique, tout est mélangé. Finalement, il
me parait bien difficile de ranger chaque signe, chaque symptôme dans des
catégories. Nous avons souvent besoin de catégoriser afin de
mieux comprendre ce qui nous est abstrait ; comment appréhender ce
que ressent un psychotique ? Peut-on seulement l'imaginer ?
3.2.6 La douleur et l'anxiété
A ce propos, je n'ai pas d'information très
précises quant au ressenti du patient lors de l'injection. Toutefois,
les soignants ont évoqué des stratégies mises en place
afin de rassurer le patient, j'en déduis que
l'anxiété peut-être présente.
« Favoriser la détente avant l'injection »,
« aller vite », « ne pas le laisser en
attente », (« seul face à ses
angoisses » comme me l'avait dit l'infirmière du CMP dans
ma situation de départ), sont les termes qui ont été
évoqués à ce sujet. J'ai constaté lors de mes
différents stages que l'anxiété lors d'une injection est
une réaction commune à beaucoup de patients, psychotiques ou non.
Cette anxiété est-elle plus forte chez une personne atteinte de
schizophrénie ? Ici, l'infirmier(e) semble y être
particulièrement attentif(ve). Je l'explique par le fait que ces
personnes ont un comportement émotif particulier qui peut mettre le
soignant en difficulté : ambivalence, affects
inappropriés... Il convient alors de tenir compte de cette
particularité et de prendre en charge une potentielle
anxiété afin d'éviter au patient une décharge
émotionnelle qu'il aurait du mal à gérer. Cependant,
je n'ai pas eu plus de précision sur la cause de cette
anxiété. La peur de la douleur ? À ce sujet, les
trois-quarts des soignants notent un rapport particulier à la douleur.
Ils évoquent l'insensibilité au chaud et au froid, (ce qui
contribue d'autant plus à la superposition de vêtements même
en été), l'absence de douleur (lors d'une brulure par exemple),
ou la difficulté d'évaluation de la douleur. Une des
infirmières est d'ailleurs membre du Comité de Lutte Contre la
Douleur et travaille sur une grille d'évaluation de la douleur en
psychiatrie.
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