CHAPITRE III : Propositions et recommandations
Les actions de réforme éthique à mener
à court, à moyen et à long terme, ne peuvent être
envisagées en l'absence d'une représentation claire des nouveaux
défis auxquels notre pays est confronté. Après le
séisme de janvier 2010, les besoins de la population, les
priorités du gouvernement et les actions quotidiennes sont
différents. Maintenant il faut prendre les bonnes dispositions pour
profiter d'une intégration des valeurs éthiques au niveau des
prises de décisions pour le bien être de la population.
Nous avons mené une enquête sous forme de
débat et de discussion avec des agents de la fonction publique depuis
janvier 2010, ensuite nous avons fait des observations de l'évolution de
la situation et nous avons compris ce que nous présentons ci
après.
Section 1 Présentation et analyse des
résultats de l'enquête
Suivant les trois lignes de notre méthodologie, nous avons
identifié des informations qui nous ont permis de comprendre ce qui suit
:
Le problème éthique qui se pose en Haïti
actuellement est dû à des notions liées
à l'aptitude du pays à faire face à des
exigences locales. Pour répondre il va falloir :
- Réduire la taille du secteur public. Il y a trop
d'institutions et de personnel dans la composition de la fonction publique ;
- Trouver une solution pour faire face aux problèmes de
ressources limitées qui existent actuellement ;
- Entamer un processus de restructuration profonde ;
- Joindre des partenaires privés pour sous-traiter des
activités ;
- Changer les formes de recrutement qui existent actuellement
pour mieux viser des personnes mieux formées du secteur privé,
surtout pour les postes de grande responsabilité ;
- Revoir les nouvelles normes sociales pour influencer et inciter
de nouvelles valeurs culturelles éthiques.
Il n'existe pas une infrastructure éthique au niveau des
trois pouvoirs dans le fonctionnement des institutions et l'interaction entre
les acteurs.
- Pas d'engagement politique dans la gouvernance publique. Il
est difficile de voir
des actions qui soutiennent la bonne conduite avec des ressources
adéquates ;
- Cadre juridique non efficace. Il n'y a pas de respect des lois
et des règlements
dans l'exercice des fonctions ;
- Pas de mécanismes de responsabilisation efficaces.
Manque de procédures administratives, d'audits, d'évaluation de
la performance des institutions, de mécanismes de consultation et de
supervision ;
- Pas de mécanisme de socialisation professionnelle. Ce
qui permettrait aux agents de la fonction publique d'avoir une bonne
éducation et d'avoir une formation continue ;
- Manque de bonnes conditions d'emploi dans la fonction
publique. Il n'y a pas vraiment un traitement juste et équitable et la
rémunération n'est pas satisfaisante.
- Enfin, il manque une société civile active pour
surveiller les activités gouvernementales et aider à
réaliser des améliorations dans le management.
Il est difficile de sentir, voir de comprendre, la relation
qui existe entre les notions classiques de l'administration qui apprennent
à travailler selon les règles et l'adoption de nouvelles formes
de gestion publique qui demandent d'obtenir des résultats grâce
à l'innovation et à la gestion des risques.
Il est important de trouver le point d'équilibre qui
doit exister au niveau de la gouvernance publique. Il n'est pas possible de
savoir aujourd'hui s'il y a trop de contrôle, ce qui évite de
faire quelque chose, ou s'il n'y en pas assez, ce qui empêche de faire ce
qu'il faut. Voilà pourquoi il est facile en Haïti de voir
l'inefficacité et le gaspillage existant au niveau de la gouvernance
publique.
La formation initiale et continue et le niveau d'éducation
des agents de la fonction publique restent deux points importants dans la
démarche de modernisation
vers des comportements éthiques pour rehausser le
niveau de décisions de l'administration publique. Nous avons compris que
malgré le niveau des postes, le manque de compréhension des
changements actuels qui existent face aux changements de l'environnement fait
que les résultats restent difficiles à trouver et à
prouver. Il faut certainement encourager l'apprentissage dans l'exercice du
métier, mais aussi recruter des personnes avec des niveaux de formations
qui correspondent aux postes. Il faut également un suivi de la formation
des agents de la fonction publique pour être certain qu'ils agissent
selon les principes des professions.
Il y a aussi un non respect de la hiérarchie de la part
de la majorité des individus. Ce qui fait que les principes fondamentaux
d'une administration basée sur le respect sont devenus très
difficiles. La hiérarchie existe, mais la base du respect qui est
essentielle n'est pas respectée.
Il existe encore un problème de protection des droits
du citoyen dans ses rapports avec l'administration qui est une action de longue
haleine dont le rythme et l'aboutissement dépendent surtout de notre
tradition et de notre culture. Passer du stade du simple administré pour
accéder au rang de citoyen bénéficiaire de nouveaux droits
est un véritable saut qualitatif qui appelle un changement en profondeur
des mentalités en Haïti, tant du côté des
fonctionnaires que des citoyens usagers euxmêmes.
Les uns doivent s'interdire de se réfugier dans les
comportements régaliens, les autres doivent sortir de leur attitude
passive pour devenir des partenaires à part entière. Cette
transformation dans les rapports entre l'administration et le citoyen est
à elle seule un défi majeur pour nos services publics dans la
mesure où elle dépend de leur capacité à promouvoir
dans leur quotidien, les valeurs d'éthique et de transparence,
l'équité et le respect de la légalité.
Notre administration devra jouer un rôle de plus en plus
important en matière de cohésion sociale. Instrument de
régulation, l'administration peut aussi intervenir
directement pour veiller à l'égalité des
chances entre les citoyens, combattre les inégalités sociales et
protéger les plus faibles. L'essor de la société civile et
des organisations associatives ne peut, dans une période de crise,
à lui seul servir de solution ou de prétexte pour le
désengagement des services publics lorsqu'il s'agira de lutter contre
les effets du chômage, l'exclusion des catégories sociales
fragiles ou la lutte contre l'analphabétisme et la pauvreté.
Le fonctionnement de l'administration publique haïtienne
est handicapé surtout
par:
- une centralisation excessive des compétences et des
moyens ;
- une gestion routinière et un personnel
pléthorique ;
- des procédures budgétaires et financières
paralysantes ;
- un mécanisme inefficace de répartition des
emplois ;
- un système de rémunération opaque et
inégalitaire ;
- une démobilisation du personnel en raison de l'absence
de délégation et de circulation de l'information ;
- un système de contrôle et d'évaluation
inopérant;
- un processus législatif lent.
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