CHAPITRE II : Diagnostic de la situation actuelle de
la
gouvernance publique par rapport aux principes
éthiques
Une vraie relation entre la bonne gouvernance au niveau des
institutions Etatiques en Haïti et la recherche éthique est devenue
essentielle pour le développement d'une société dans les
domaines économiques, sociaux et environnementaux. Un
développement qui en ce sens apportera des réponses
indispensables et éclairées sur le long terme.
Dans ce chapitre, nous examinerons en détail et en
pratique la notion de gouvernance publique en Haïti en insistant sur les
actions gouvernementales, et sur ce qui pourrait empêcher de mettre en
place une gestion efficace entraînant des actions éthiques, de la
part des différents acteurs concernés.
Section 1 Mode d'organisation et rôle de
l'Etat
Afin de mieux comprendre le mode d'organisation, trois aspects
indispensables en matière de bonne gouvernance sont traités,
à savoir : la modernisation du gouvernement, la mise en place et le
maintien de la confiance dans les actions de l'administration publique et la
communication des actions.
La modernisation du gouvernement
Beaucoup plus qu'une administration publique repartie en de
multiples institutions Etatiques et de l'offre de services, la modernisation du
gouvernement prévoit aussi la recherche d'une compréhension
globale du système et de son fonctionnement quotidien pour aboutir
à une amélioration. Cette modernisation oblige le gouvernement
à faire appel à de nouvelles mécaniques de gestion qui
permettront de constater les difficultés. Le mode d'organisation de
l'Etat aujourd'hui ne permet pas d'identifier de grandes capacités
d'initiative au sein de la fonction publique haïtienne. Les actions
déployées mettent en évidence qu'il n'existe
pas un véritable plan d'action dont le suivi est nécessaire
à la bonne marche des institutions qui forment la fonction publique.
L'un des outils permettant de comprendre la politique d'un
gouvernement est le budget de la république. A partir du budget
haïtien, il est facile de comprendre qu'il n'y a pas de réels
efforts dans le renforcement de certaines institutions et dans
l'amélioration des services offerts à la population. Si les
institutions ne sont pas renforcées, il sera très difficile de
soutenir un comportement éthique des individus qui évoluent
à l'intérieur du système.
Il n'existe pas réellement de véritable
incitation à la notion d'éthique nécessaire pour
espérer répondre au besoin de modernisation des
établissements publics ce, à 3 niveaux.
a) L'organisation n'est pas adaptée à la
réalité culturelle et sociale de la population. Cette absence
d'adaptation ne permet de prendre en compte les traits culturels de la
société afin de les intégrer dans la structuration des
modes d'organisation à implanter.
b) Depuis à la base (à l'école et
à l'université) l'individu n'est pas habitué à
respecter les règles et les principes dans l'exercice de sa profession
sous peine de sanctions. La tendance est de travailler pour gagner de l'argent
sans besoin de connaître les limites et les conséquences de chaque
action.
c) Il n'existe pas de méthode particulière qui
soit mise en place par le système pour intégrer l'individu dans
un prototype de respect des institutions de base (famille, écoles) et
des institutions publiques.
Les efforts qui sont tentés pour moderniser l'Etat sont
tellement insignifiants que les changements effectués paraissent
invisibles. De nouvelles stratégies sont mises en place pour inciter des
comportements plus responsables afin de faire évoluer les choses, mais
les méthodes à utiliser restent à redéfinir.
Il n'est pas possible de moderniser l'Etat sans l'appui de
chaque individu, qu'il soit à l'intérieur ou à
l'extérieur du système. La modernisation des machines et des
procédés exige d'avoir de la main d'oeuvre qualifiée,
capable de se prendre au jeu de la modernisation et d'apporter des
résultats. C'est ce qui semble manquer dans le processus de
modernisation du gouvernement haïtien et qui empêche d'obtenir de
meilleurs résultats.
Le gouvernement de la République d'Haïti est
encore dans l'impasse de cette modernisation faute de moyens financiers et
techniques pour le faire. Car, refaire un système avec des hommes et des
femmes qui, en grande majorité, préfèrent continuer avec
les anciennes habitudes n'est pas chose facile. Moins de contrôle, plus
de libertés individuelles, conservation des pratiques anciennes, voici
en partie tout ce qui permet aux individus d'être réticents face
au changement.
La mise en place et le maintien de la confiance dans les
actions de l'administration publique.
Mettre en confiance une population en matière de
gouvernance publique, c'est automatiquement renoncer à certaines
pratiques de gestion qui n'incitent pas au développement ou à la
croissance des activités. Le fait de dire qu'on va mettre en confiance
les membres de la population demande de la détermination dans les
actions, du courage et un planning des opérations à mener.
Par exemple, dans les années 2005 et 2006 pour que le
Directeur de la Police Nationale d'Haïti puisse mettre en confiance la
population face à un corps de police ou des policiers sont
impliqués dans des actes de banditisme, il lui fallut prendre son
courage à deux mains pour retirer du corps de police les policiers
suspects et exiger des autres le respect du code de conduite de l'institution
sous peine d'emprisonnement ou d'autres sanctions équivalentes. Cette
décision a sans doute aidé ou obligé les
agents de police à avoir un comportement plus responsable
dans l'exercice de leurs fonctions
Parfois, du fait que le processus de changement ne soit pas
bien expliqué aux collaborateurs, il est très difficile de faire
avancer le processus de changement. Donc, en regard de ce point il est
pénible de gagner leur confiance. Par exemple ; la Direction
Générale des Impôts voulait mettre en place un processus de
changement et informatiser toute l'administration afin de mieux protéger
les données. Une grande majorité a résisté au
projet parce qu'ils avaient peur de ne plus être utile a l`institution
car ils ne savaient pas utiliser ces nouvelles techniques.
Faire exister un sentiment de confiance nécessite
d'avoir des décideurs responsables qui acceptent de respecter les lois,
les principes établis et les valeurs culturelles qui lient les individus
de la société.
Les faiblesses structurelles haïtiennes constituent les
causes majeures des problèmes économiques et sociaux du pays. Il
existe une liaison transversale des problématiques entre la
rationalisation des dépenses publiques, la collecte des taxes, et la
capacité de l'Etat à mettre en place une administration de
service et de proximité. L'Etat n'arrive pas à trouver une
formule pour encourager la promotion du tissu associatif qui est censé
appeler à assurer une gestion partagée des questions sociales
entre l'Etat et la société civile.
Pour mettre en confiance, l'Etat devrait se baser sur les
ressources humaines qui sont appelées à partager en termes de
gouvernance les principaux points fondamentaux du système
économique et social du pays. Pour mettre en confiance, la formation
devrait être l'élément central de toute décision.
Cet aspect ressources humaines est important car le bas niveau de
l'éducation conditionne le degré de performance de
l'économie haïtienne.
La communication des actions
On ne peut pas parler de communication acceptable dans un
système si tous les acteurs concernés ne sont pas au courant de
toutes les démarches qui sont entreprises et des résultats
concrets qui sont réalisés. En Haïti, en matière de
gouvernance publique, il n'existe pas un véritable système de
communication apte à faciliter la diffusion des informations, même
s'il existe réellement un ministère de la culture et de la
communication chargé d'informer la population de toutes les actions du
gouvernement.
Pour parler d'éthique et de bonne gouvernance de
l'Etat, il faut arriver à mettre les autres en confiance afin
d'éviter des comportements et/ou des perceptions négatives sur
les actions. En Haïti les informations sont tellement secrètes dans
les administrations publiques que les membres de la population ne sont souvent
pas au courant des éventuels changements qui surviennent dans certaines
procédures administratives. Une situation qui force l'individu à
rechercher de l'aide auprès d'une autre personne qui se fait souvent
passer pour compétente en matière de procédures à
suivre. Pour mettre en confiance, il faut partager l'information et aider les
individus dans les prises de décisions.
Diffuser les informations est une activité ou un
comportement qui aide à mettre les autres en confiance. C'est aussi un
comportement qui facilite les autres à mieux construire leurs jugements.
Ce que vous devriez faire par rapport à ce qui est fait, et parfois ce
qui sera fait dans le futur. Diffuser les informations au préalable est
un exercice qui permet le contrôle des actions. Donc, quand les actions
publiques ou les prises de décisions publiques ne sont pas
communiquées, la question éthique perd pied automatiquement,
parce qu'il y a toujours une question de confiance qui est en jeu.
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