Section 3 Les lois fondamentales haïtiennes et les
droits de l'homme
Les textes de lois haïtiennes prévoient des
dispositions sur les principes du respect des droits de l'homme pour permettre
le bon fonctionnement de la société et faciliter le bon rapport
entre les individus. Dans la constitution, il y a des prévisions en ce
sens pour ce qui a trait à la liberté individuelle, à la
liberté d'expression, à la liberté du travail, au droit
à l'information, etc.
Le non respect des principes et des procédures suppose
automatiquement, dans la gouvernance publique, une mauvaise gestion. Un
comportement éthique est au départ un comportement de respect des
lois, des procédures établies pour la bonne marche d'un Etat.
Les dispositions légales en matière de respect
de droits de l'homme
A plusieurs reprises dans le document de la constitution de la
République d'Haïti on peut lire qu'il est fait mention du respect
des droits de l'homme. D'abord il a même été fait
référence au début de la déclaration universelle
des droits de l'homme. Nous faisons ressortir quelques exemples ;
- L'article 24 de la constitution prévoit que la
liberté individuelle soit garantie et protégée par
l'Etat.
- Personne ne peut être maintenu en prison s'il n'a pas
comparu dans les quarante huit (48) heures qui suivent son arrestation par
devant un juge. Article 26.
- Tout haïtien ou toute haïtienne a le droit d'exprimer
librement ses opinions, en toute matière par la voie qu'il choisit.
Article 28.
- Le droit de pétition est reconnu. Il est exercé
personnellement par un, une ou plusieurs citoyens mais jamais au nom d'un
Corps. Article 29.
Dans le document figure des provisions sur la liberté
individuelle, la liberté de réunion et d'association, la
liberté du travail, etc.
En matière de prison, l'article 26 défend de
maintenir une personne en détention s'il n'a comparu dans les 48 heures
qui suivent son arrestation par devant un juge. Dans la réalité,
au début du mois de janvier, il y a eu plus de 50% de la population
carcérale qui n'a jamais comparu devant un juge. Et, ceci même
après plus de six mois de détention.
Pour ce qui a trait à la liberté du travail,
l'article 35.1 envisage que tout employé d'une institution privée
ou publique ait droit à un juste salaire. Dans un pays comme Haïti
ou les dispositions ne sont pas prises par l'Etat afin qu'il y ait une
croissance d'entreprise créatrice d'emplois, comment peut on
espérer arriver à cette ambition. Aussi, quelle importance le
« juste salaire » a-t--elle dans cette expression? Que signifie
aujourd'hui un juste salaire dans un pays en voie de développement ?
La constitution de la république, les contradictions
et les violations
La constitution de la république est le premier
document officiel du pays en matière de droit définissant les
règles et les principes, les droits et les devoirs des membres de la
population toute entière pour agir, prendre des décisions et
évoluer. Elle rapproche un ensemble de fondements autour desquels les
prises de décisions publiques doivent être menées.
La constitution sur laquelle nous faisons cette analyse est
celle de 1987 qui est toujours en vigueur. Cette constitution commence par :
"le peuple haïtien proclame la présente constitution pour
garantir ses droits inaliénables et imprescriptibles à la vie, a
la liberté et la poursuite du bonheur ; conformément à son
acte d'indépendance de 1804 et à la déclaration
universelle des droits de l'homme de 1948" fin de citation.
Dans notre analyse nous arrivons à comprendre qu'il
existe des contradictions dans certains articles. Ce qui fait que certains
individus profitent parfois pour agir dans leur intérêt en faisant
croire que ce n'est pas clair.
Contradictions
Il existe des contradictions depuis la conception de la
constitution, contradictions qui font que nous ne pouvons pas jusqu'à
présent nous fixer de vrais buts. Ce qui fait que les preneurs de
décisions publics sont obligés de faire semblant de gérer
la situation mais sans savoir comment le faire réellement. Par exemple
;
a) Article 5, « tous les Haïtiens sont unis par UNE
langue commune qui est le créole », tandis que « le
créole et le français sont les langues officielles de la
république». Donc, ceux qui parlent le français semblent ne
pas être concernés par cette unification des haïtiens ?
b) Article 9, Le Territoire de la République est
divisé et subdivisé en Départements, Arrondissements,
Communes, Quartiers et Sections Communales. Article 32.7 L'Etat doit veiller
à ce que chaque collectivité territoriale, section communale,
commune, département soit doté d'établissements
d'enseignement indispensables, adaptés aux besoins de son
développement, sans toutefois porter préjudice à la
priorité de l'enseignement agricole, professionnel, coopératif et
technique qui doit être largement diffusé. Le quartier n'est
pas mentionné dans l'article 32.7, pourquoi ?
Jusqu'à aujourd'hui le « quartier » reste une
définition du citoyen pour déterminer une localisation, sans
aucune validation publique.
c) Article 32.3: L'enseignement primaire est obligatoire sous
peine de sanctions à déterminer par la loi. Les fournitures
classiques et le matériel didactique seront mis gratuitement par l'Etat
à la disposition des élèves au niveau de l'enseignement
primaire. Article 32.9: L'Etat et les collectivités territoriales ont
pour devoir de prendre toutes les dispositions nécessaires en vue
d'intensifier la campagne d'alphabétisation des masses. Ils encouragent
toutes les initiatives privées tendant à cette fin.
Pourquoi alphabétiser si l'école primaire est
obligatoire sous peine de sanctions ?
Violations
Du fait que depuis la conception du document et des textes de
lois il y eu des contradictions, cette condition facilite les actes de
violations des principes fondamentaux. Par exemple ;
a) L'Article 19 de la constitution prévoit que l'Etat
à l'obligation de garantir le droit à la vie et à la
santé de tous les citoyens. Aujourd'hui l'Etat n'est même pas en
mesure d'offrir des services de santé à 50% de la population.
Certaines zones reculées n'ont pas accès jusqu'à
aujourd'hui aux services de santé.
b) S'il fallait respecter les articles 264 à 268, une
force armée haïtienne devrait exister de nos jours. Mais dans la
pratique aujourd'hui c'est complètement différent. L'Etat
préfère demander main forte à des forces armées
étrangères. Or ceci ne figure pas dans les textes de lois !
Les institutions, leurs fonctions et le respect des droits de
l'homme
La loi prévoit des dispositions pour la création
et le fonctionnement des institutions, mais dans la pratique elles ne sont pas
respectées dans la plupart des cas. Prenons quelques exemples ;
- Il faut un conseil électoral permanent chargé
d'organiser et de contrôler les opérations électorales
selon l'article 191. Jusqu'à aujourd'hui, le caractère permanent
n'a jamais vu le jour. Les conseils électoraux connus sont tous
provisoires et nommés par le gouvernement. Ceci crée un
problème d'éthique du fait que ce même gouvernement
participe aux élections.
- L'office de la protection du citoyen, une institution qui
selon son statut devrait protéger tout individu contre toutes formes
d'abus de l'administration publique. Aujourd'hui cette structure ne
répond pas à sa mission, et le citoyen n'est parfois même
pas informé de l'existence d'une telle institution tellement que les
actions menées sont faibles.
- L'enseignement supérieur. Selon l'article 208, il est
libre sur tout le territoire. Mais du fait qu'il n'y a pas de centre
universitaire public dans tous les départements du pays, il y a une
sorte de pénalisation des étudiants potentiels.
- La fonction publique, C'est d'abord une carrière pour
ceux qui l'exercent. Donc il y a une certaine sécurité de
l'emploi. Il y a aussi possibilité dans l'article 239 faite aux
fonctionnaires et employés de s'associer pour défendre leurs
droits dans les conditions prévues par la loi. Mais, avec quel mode
d'encadrement ?
- La force publique. La question est très sensible en
Haïti et ceci depuis environ une décennie. Selon l'article 263, il
y a deux corps qui composent la force publique haïtienne, les forces
armées et les forces de police. Ceci a été voulu ainsi
afin de ne pas accepter d'autre corps armé sur le territoire national.
Malheureusement aujourd'hui ce n'est pas le cas !
La question que nous nous posons est comment parler
d'éthique si les lois définies au préalable, afin de
permettre aux individus de vivre ensemble au sein d'une société,
ne sont pas respectées ?
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