Section 2 Les valeurs culturelles
négro-africaines et l'évolution de la
sociétéhaïtienne
La situation haïtienne aujourd'hui nous incite à
réfléchir sur les relations existant entre les valeurs
culturelles négro-africaines et l'évolution constatée dans
le développement des activités économiques, politiques et
sociales. Haïti connait depuis l'année 1804 des turbulences
diverses et périodiques qui l'empêchent de réaliser des
exploits dans des domaines particuliers. Ce désordre affecte en grande
partie les administrations publiques et les empêchent d'offrir des
services et des biens correspondants aux nécessités de la
population.
Les troubles politiques affectent toujours les institutions de
service public et les distraient de l'amélioration. Il y a certainement
une nécessité de bonne gouvernance des institutions face aux
besoins de la population, mais les comportements liés aux valeurs
culturelles de la société restent toujours une
barrière.
Depuis plusieurs décennies, les autorités
haïtiennes ont cherché à orienter et même
réorienter les institutions dans le souci d'obtenir de bien meilleurs
résultats, mais le blocage face à cette solution reste toujours
animé. Par exemple le dernier document national DSNCRP (Document de
Stratégie Nationale pour la Croissance et la Réduction de la
Pauvreté) paru en 2007. Ce document était produit dans le but
d'améliorer et d'inciter la croissance dans plusieurs secteurs
d'activité, mais ces améliorations sont très difficiles
à mettre en oeuvre jusqu'a présent.
Aujourd'hui la société haïtienne,
après plus de 200 ans d'indépendance, reste identique aux autres
sociétés négro-africaines. Il ne peut y avoir de
changement considérable parce que les multiples gouvernements
passés veulent toujours proposer des changements à la population,
sans tenir compte des valeurs culturelles qui existent au sein de la
population. Il faut sans aucun doute trouver une interrelation entre ces
valeurs et les pistes de changements envisagées.
Les besoins et les demandes de biens sociaux
Le secteur social haïtien n'est pas trop bien
organisé, surtout aujourd'hui suite au séisme du 12 janvier 2010,
notamment en regard de la participation de l'ensemble des acteurs sociaux. La
population exprime chaque jour plusieurs types de demandes de biens et services
sociaux afin de tout simplement vivre au quotidien.
Sous l'effet de l'urbanisation grandissante dans les
principales villes du pays, les membres de la population se rapprochent des
services sociaux de base: les services de santé, les réseaux
d'adduction d'eau potable, de distribution d'électricité, de
transport en commun, de sécurité publique, etc. Aujourd'hui il y
a un certain effort qui s'étend au travers de diverses administrations
(État, institutions internationales, ONG, etc.) tant dans les zones
urbaines que rurales afin de faciliter l'accès des citoyens aux biens
sociaux.
Selon un rapport d'études du programme des Nations
Unies pour le Développement (PNUD) en Haïti, il y avait avant le
séisme de janvier 2010 une certaine amélioration pour la
population en eau potable par une couverture qui est passée de 39.5% en
1990 à 51% en 2003. Il en est de même pour la scolarisation qui
passe de 51.4% en 1994-1995 à 66.3% en 1998.
Pour trouver une solution et faire face aux problèmes
sociaux, certains acteurs regroupés en organisations de base, en
organisations populaires ou de jeunes, etc., s'adressent aux autorités
nationales et locales ainsi qu'aux ONG pour obtenir la construction
d'écoles, le financement de projets d'éducation communautaire,
etc. Maintes associations de quartiers défavorisés des grandes
villes et de tout l'arrière pays se mobilisent ponctuellement pour
bénéficier de biens sociaux. Ces demandes s'expriment au travers
de manifestations de rue, de projets écrits ou s'appuient sur des
réseaux de relation. Ce sont des phénomènes courants, mais
peu étudiés en Haïti.
Pour leur part, les familles haïtiennes partagent leurs
ressources pour assurer la sauvegarde du capital humain. La scolarité
des enfants est financée par les activités économiques
menées par les parents dans le pays, ou par des envois de fonds de
l'étranger. Les chômeurs sont soutenus économiquement par
ces actifs. L'offre de protection vient de la famille. Cette solidarité
compense les insuffisances de la protection sociale formelle
Le changement social
La société haïtienne se trouve actuellement
dans un contexte très particulier qui est marqué par deux points
importants et sérieux à comprendre : une centralisation de la
population au sein des grandes villes du pays et un accroissement rapide qui
agit sur le changement des modes de vie des individus.
Une augmentation des demandes sociales de la population est
présente au sein des villes du fait qu'il existe une concentration
considérable de la population paysanne dans ces grandes villes. Face
à ce constat il faut une certaine redistribution des biens et services
proposés par les administrations publiques et une amélioration de
la conduite des acteurs vers des actions plus responsables, donc plus
éthiques.
Afin de permettre aux institutions de répondre aux
besoins de la population, il est nécessaire que les principes soient
respectés et qu'au même moment des comportements plus responsables
soient encouragés.
Ces changements de comportement de la part de la population
permettent de dire qu'il est important que ;
- Les institutions publiques et privées sont a la
recherche de nouveaux métiers pour inciter la croissance ;
- Le gouvernement offre l'opportunité aux jeunes de saisir
une formation professionnelle pour leur intégration. ;
- Pour arriver à des résultats éthiques, il
faut une nouvelle forme de gouvernance basée sur la compétence,
l'esprit d'équipe.
La crise du développement
Haïti a toujours connu des moments de crise depuis 1981,
date a laquelle il y a eu l'éclatement d'une crise économique
caractérisée par des turbulences. Ces crises
répétées donnent l'impression qu'il y a toujours une
situation de désordre général au niveau du pays, au niveau
des institutions et au niveau de l'Etat central. A partir de ces
réflexions, on croit toujours qu'il y a un problème de personnes
dans la gestion de l'Etat. A chaque fois que ces constats sont établis,
le comportement des individus qui prennent les décisions est mis en
jeu.
Il y a eu en 1994, après le retour de l'ordre
constitutionnel, une impression de stabilité, voire de
développement de la situation économique globale du pays, tout
simplement parce qu'il y a eu une reprise des activités avec une
certaine quiétude de la part de tous. Mais, la crise qui
redémarre vers les années 1997 a fait retomber le pays dans la
même situation de chute économique ou de crise de
développement comme auparavant. Depuis lors c'est la même
situation, avec parfois des tendances au changement sans aucun résultat
satisfaisant.
Après l'installation du gouvernement de février
2005 (opérationnel en mai 2005) une tendance a la stabilité
commençait à poindre, tendance qui laissait espérer une
nouvelle possibilité de changement, mais après la crise de la
manifestation générale pour la faim organisée par une
grande majorité de la population, en avril 2008, ce fut la même
situation qui se représente.
Les difficultés auxquelles est confrontée la
société haïtienne sont rassemblées autour des
principales contraintes suivantes4 :
4 Programme des Nations Unies pour le
Développement: Situation Economique et Sociale d'Haïti,
Décembre 2000
· Une gouvernance qui rend compte des
inconvénients de coordonner efficacement les activités des
établissements étatiques, d'administrer la coopération
externe et d'inciter un partenariat social solide ;
· Une déficience de l'adaptation des socles de
production des biens et des services qui détermine la
prédisposition de la société à
bénéficier des opportunités des nouveaux
procédés ;
· Une problématique d'exclusion sociale qui
s'étend à une bonne partie de la classe moyenne
déjà réduite, élargissant ainsi la
paupérisation à une partie de plus en plus importante de la
population.
Aujourd'hui, en matière de gouvernance publique, l'Etat
ne peut faire une trop grande différence entre importance et
nécessité. Depuis 2008, l'élection de nouveaux
sénateurs, de nouveaux députés est toujours plus
importante qu'un discours basé sur les actions de développement
des activités économiques au sein du pays pour le bien être
de la population. A ce jour, la question de l'élection du nouveau
président de la République et la gestion de la crise après
le séisme du 12 janvier sont les seules priorités du
gouvernement.
Toutefois, vu les exigences actuelles, nous constatons une
nouvelle perception des acteurs de la vie politique, un nouveau système
économique qui a tendance à s'implanter, voire une nouvelle
vision sociale qui cherche à s'affirmer. Certainement, tout cela
permettra dans le futur d'avoir une société plus ouverte et une
gouvernance plus efficace, si normalement les principes établis pour
chaque démarche sont respectés.
En partant du fait qu'une nouvelle stratégie de
management public se met en place, on devrait arriver ou espérer
déboucher sur une meilleure compréhension globale du processus
d'intégration de l'éthique dans les institutions par le moyen
d'hommes et de femmes mieux sensibilisés à la question. Ceci
permettra d'obtenir en aval des décisions plus responsables qui
prendront compte qu'un minimum de changement de comportement est
nécessaire.
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