2. Réglementation et mesures sanitaires
Après la maladie du sommeil, le paludisme fut
l'endémie la plus importante au Congo belge. Bien que l'activité
déployée dans la recherche scientifique, le traitement, la
prophylaxie du paludisme n'ait pas acquis la même intensité
déployée pour la maladie du sommeil, cette maladie
bénéficia tout de même d'une attention particulière
des pouvoirs publics et du corps médical220.
En effet, la lutte contre le paludisme a fait l'objet d'un
intérêt général dès la fin du 19e
siècle par la protection des résidents étrangers et par la
protection des populations indigènes. Bien que cette maladie ne
fût rangée qu'au début des années 1930 parmi les
maladies transmissibles qui devaient faire l'objet d'une lutte
systématique, diverses dispositions ont été prises avant
cette époque pour éradiquer cette maladie221.
En fait, la conception coloniale de la lutte contre le
paludisme s'appuya premièrement sur la réglementation de
l'hygiène publique. Etant donné que l'environnement joue un
rôle important dans la propagation des maladies transmissibles tant en
raison du climat et de la situation économique des populations, et
étant donné que les recherches médicales avaient
démontré qu'il y avait un rapport entre le paludisme et
218 Idem, p. 104.
219 De la connaissance à la science, approche
structurelle, p. 149.
220 DUREN, A., Art. cit, p.3.
221 WERY, M- JANSSENS, P.G., Art. cit, p. 1250.
l'environnement du milieu, les dispositions légales
contribuant { la lutte contre le paludisme furent donc celles ayant pour objet
l'hygiène du milieu222, le Service d'Hygiène Publique
répondait particulièrement { cette
préoccupation223. Celui-ci était chargé non
seulement de l'assainissement des cités et agglomérations, mais
aussi des mesures de prévention et de lutte contre les différents
vecteurs de certaines maladies transmissibles, à savoir les
moustiques(paludisme), la mouche tsé-tsé(maladie du sommeil),
mouches(cholera, fièvre typhoïde, dysenterie)224.
Dès lors, la situation sanitaire fut assimilée
à la première cause de propagation du paludisme. L'hygiène
deviendra donc une nécessité pour les autorités belges
dans la lutte contre cette maladie. Cependant, quoiqu'il n'existe pas au Congo
belge de législation visant exclusivement la lutte contre le paludisme,
les principales dispositions intéressant cette lutte sont pourtant
réunies en un petit nombre de décrets et ordonnances contenus
dans la législation sanitaire225. Comme le disait si bien le
docteur Kivits « la législation sanitaire constitue l'armature
qui permet { un pays de protéger sa population contre l'introduction et
la propagation des maladies transmissibles »226.
Suite aux craintes suscitées par de nombreuses
épidémies, l'administration coloniale, essaya, dès 1888,
de prendre des mesures sanitaires pour lutter contre les insectes et rongeurs
vecteurs de ces maladies. Bien que ces mesures furent
généralisées à plusieurs maladies, telles que la
fièvre jaune, la fièvre typhoïde, etc., il en reste pas
moins, que ces mesures aient été importantes dans la lutte contre
le paludisme227.
En mars 1911, une circulaire est émise par
l'administration coloniale, qui s'inquiétait des effets du paludisme sur
la population tant européenne que congolaise ; ces craintes ont conduit
à la création des équipes anti-malariales, sur la
constitution et le rôle de ces équipes228. Ces
équipes avaient dans leur attribution entre autres la surveillance
des
222 VAN RIEL, Hygiène tropicale, Liège,
ed. Deoer, 1958, p. 184.
223 ANDRE, J., BURKE, J., Art.cit, p. 123.
224 Idem, p. 124.
225 DUREN, A., Art. cit, p. 76.
226 KIVITS, M., « Hygiène et santé publique
» in Livre blanc, Bruxelles, ARSOM, 1962, p. 902.
227 ANDRE, J., BURKE, J., Art. cit, p. 124.
228 Loi sur le gouvernement du Congo belge : loi, décret,
ordonnance, p. 921.
collections d'eaux stagnantes et le prélèvement de
spécimens de larves dans les zones risquées.
A la base de toute législation sanitaire du Congo
belge, se trouve le décret du 19 juillet 1926. Celui-ci prévoit
des mesures à prendre pour sauvegarder la santé des populations
vivant au Congo belge229. Les recommandations de ce décret
ont permis d'échafauder sur des bases légales, les
différentes ordonnances qui ont organisé la lutte contre les
maladies épidémiques et endémiques230.
Ainsi, l'ordonnance du 10 mai 1929 relative { la
création de la Direction technique des travaux d'hygiène
mènera ses actions contre le paludisme, plus particulièrement sur
la lutte anti-moustique, grâce au comblement des marais et d'une
manière générale grâce à toutes les mesures
propres à assurer l'assainissement du sol231. Cette
ordonnance sera complétée par celle du 4 juin 1929 qui vise la
lutte contre les mouches et les moustiques dans les circonscriptions urbaines,
et interdit de maintenir dans ces localités des conditions favorables {
l'éclosion de ces insectes232. Si ces deux ordonnances
portent plus sur les notions d'hygiène publique, elles trouvent tout de
même leur importance du fait que la lutte contre les moustiques fut l'un
des moyens essentiels si pas le principal, préconisé dans la
lutte contre le paludisme. Cette thèse a été
confirmée par le Dr Duren « il n'est plus { démontrer
que le moyen le plus sûr pour éliminer le paludisme, c'est la
destruction des anophèles >>233. Et pour y
arriver, toute une série de mesures avait été prise,
notamment les travaux d'assainissement, les comblements des marais, le drainage
des eaux, tout cela en vue de ne pas favoriser la multiplication des
moustiques. Le Dr J. Schwetz l'a lui-même confirmé «pas
d'eau stagnante, pas de moustique : voilà la base de la lutte dite
mécanique ou anti-larvaire contre le paludisme
>>234, quoi de plus normal que la lutte contre
les moustiques intervient dans les priorités des différents
services d'hygiènes publiques. Toutes ces dispositions vont être
renforcées par l'ordonnance du
229 Codes et lois du Congo belge, 1934, p. 1228 ;
Bulletin officiel du Congo belge, 1926, p. 732.
230 DUREN, A., Art. cit, p. 76.
231 Bulletin administrative du Congo belge, 1929, p. 185.
232 Ibidem, pp. 230-236.
233 DUREN, A., Art. cit, p. 56.
234 SCHWETZ, J., « Quelques considérations sur
l'aspect entomologique de la lutte antimalarienne au Congo belge », in
ASBMT, (1928)8, p. 27.
10 octobre 1931 qui va ranger le paludisme parmi les
différentes maladies transmissibles, épidémiques et
endémiques nécessitant une grande attention235.
En dehors de ces dispositions législatives, d'autres
dispositions éparses dans les ordonnances relatives à la
réglementation des agglomérations et plus particulièrement
des quartiers africains et européens des circonscriptions urbaines vont
être prises. Il s'agit notamment des ordonnances du 29 juin 1954 ainsi
que celle du 28 juin 1959. Ces dernières reprennent des mesures prises
déjà en 1929, mais en y ajoutant quelques améliorations.
Elles portent sur le débroussaillement des terrains,
l'élimination des eaux stagnantes, la désinsectisation des
agglomérations ainsi que leur protection contre les moustiques, non
seulement pour des raisons de confort, mais aussi pour réaliser la
prophylaxie contre le paludisme236.
En fait, la mise en application de ces différentes
mesures a plus concerné la lutte prophylactique du paludisme ; il
s'agissait d'exclure tout contact entre les populations et le vecteur de la
maladie. L'évincement des moustiques (anophèles) fut donc le
point fondamental de cette lutte contre le paludisme.
C'est ainsi que ces différents textes arment
suffisamment le Service de l'Hygiène du Congo belge pour appuyer sur des
bases légales la lutte contre le paludisme dans les
agglomérations et plus particulièrement dans et autour des
circonscriptions urbaines237. En dehors de cette législation,
une propagande constante est faite pour mettre la population en garde contre le
danger du paludisme et les familiariser avec les méthodes de protection
individuelle. Ainsi, pour mieux imprégner les populations du danger du
paludisme, une inscription géante faite sur le dock flottant au port de
Boma, c'est-à-dire à la porte du Congo, leur rappelle que
« le plus redoutable ennemi de ce pays est le moustique
»238. C'est dans cet angle que la lutte contre le
paludisme a été envisagée par le pouvoir colonial.
235 DUREN, A., Art. cit, p. 78.
236 KIVITS, M., Art. cit, p. 912.
237 Ibidem.
238 CORNET, J., Bwana Munganga, in ARSOM,
Bruxelles, XLI(1971)1, p. 149.
IV.2.1. Mesures prophylactiques
Ces mesures avaient été prises pour
empêcher l'apparition, l'extension ou l'aggravation du paludisme. Etant
donné que cette maladie a été l'une des premières
causes de mortalité au sein des populations, il avait été
pris un certain nombre de mesures appropriées pour lutter contre cette
maladie. Comme il n'existait aucun service spécialisé dans la
lutte antipaludique, seuls les services d'hygiène avaient la charge de
cette lutte. C'est ainsi que l'accent avait surtout été mis sur
des mesures prophylactiques. Ces mesures furent très tôt
adoptées par le pouvoir colonial dans le cadre de sa lutte contre le
paludisme.
Ainsi, la lutte prophylactique contre le paludisme au Congo
belge fut donc menée sous deux aspects : le premier consistait {
supprimer l'hôte vecteur de la maladie (la lutte antimoustique) ou au
moins en empêchant tout contact avec les populations (grâce
à l'utilisation des moustiquaires), le deuxième consistait
à détruire le germe causal déjà introduit dans
l'organisme.
Deux méthodes de lutte antimoustique vont être
préconisées. Il s'agit premièrement de la lutte
antilarvaire. Cette lutte exigeait au préalable la détermination
des types d'anophèles, la localisation exacte de ses gîtes et de
ses abris, une fois cet aspect rempli, la lutte antilarvaire visait la
destruction de toutes les collections d'eau pouvant abriter des larves de
moustiques, le drainage des eaux, le comblement des marais dans des surfaces
limitées, le débroussaillement et le désherbage ainsi que
le curage des canalisations239. En deuxième lieu, il
s'agissait de la lutte contre les moustiques adultes. Cette dernière
était menée conjointement avec les mesures classiques
d'assainissement en vue de supprimer les gîtes larvaires ou d'entraver le
développement des larves dans les gîtes inévitables
(grâce { l'épandage de pétrole, de mazout et d'autres
produits chimiques)240.
239 DROOGMANS, H., « La lutte antilarvaire dans la lutte
contre la malaria », in Revue Congo, I(1927)2, p. 374.
240 WERY, M, JANSSENS, P.G., Art. cit, p. 1243.
Ces mesures qui avaient été
préconisées comme des moyens nécessaires et efficaces pour
vaincre le paludisme connurent une certaine évolution au fil du
temps.
Cette lutte a été dès le début
considérée comme la solution aux nombreux problèmes que
posait cette maladie. Toutefois, cette lutte connut certaines
difficultés suite au manque de financements adéquats, des
ingénieurs hygiénistes et surtout cette lutte a souffert d'un
manque de personnel entomologiste 241. C'est { ce sujet que le Dr
Schwetz s'est lamenté en ces termes : << Au Congo belge, il
n'existe pas assez d'études sur les moustiques, cette lacune paralyse
l'application des mesures antimoustiques prises dans le cadre de la lutte
antimalarienne. L'urgence s'impose donc pour l'envoi au Congo des
entomologistes spécialisés dans la lutte antimoustique
»242. La situation fut tout de même plus favorable
à cause de la petitesse des centres pour lesquels il était
question d'effectuer des travaux d'assainissement243. Mais compte
tenu du fait que ces centres se développaient rapidement pour devenir de
grandes agglomérations, il a fallu améliorer et adapter toutes
ces mesures à la situation qui prévalait sur le moment. Des
changements ne tardèrent pas à être apportés vers la
fin des années 1930.
En effet, c'est { partir de la fin des années 1930 que
de grands travaux d'assainissement vont débuter au Congo belge. Il
s'agissait des grands travaux de drainage, de comblement des eaux dormantes par
assèchement ou l'aménagement d'eaux courantes (endiguement,
canalisation, curage). Les marais desséchés seront mis en culture
et suivant les cas, les canaux de drainage seront libérés de
toute végétation244. Cependant, pour que les mesures
antilarvaires soient efficaces, il aurait fallut couvrir la
quasi-totalité des gîtes larvaires dans toute la colonie. Or, une
telle entreprise pose problème. Si théoriquement, elle pourrait
être résolue, pratiquement elle dépasse les forces et
moyens ; il a fallu donc envisager cette lutte suivant les possibilités
matérielles et l'urgence245. Van den Branden et Van Hoof ont
quant à eux confirmé cette thèse << la lutte
antimoustique est une question dont le succès dépendra des
capitaux engagés et de
241 DROOGMANS, H., Art. cit, p. 640.
242 Ibidem.
243 Rapport aux Chambres, 1926, p. 14.
244 DROOGMANS, H., Art. cit, p. 373.
245 DUREN, A., Art. cit, p. 55.
leur bonne utilisation. Cette situation
démontre que la lutte antimoustique n'est pas si simple si l'on veut
obtenir des résultats satisfaisants »246.
Bien plus encore, l'assainissement d'une zone
contaminée par le paludisme est plus compliqué à
exécuter et cette tâche devrait être assurée non pas
par les médecins mais par des ingénieurs hygiénistes qui
devront travailler de pair avec des médecins, des entomologistes, des
géographes, etc.247. Finalement dans le cadre d'une politique
de restriction budgétaire, les actions menées vont plus se
concentrer sur les grands centres de la colonie, que dans les zones rurales
où vivait une forte population congolaise248. C'est ainsi que
des grands travaux vont être entrepris dans les centres de Boma, Matadi,
Léopoldville, Coquilhatville et Elisabethville249.
Par ailleurs, ces grands travaux ne seront effectués
que dans les grands centres où ne vivait que la population
européenne et aux quelques cités africaines qui s'y
étaient rattachées et seuls ceux-là ont pu
bénéficier de ces travaux250. En fin de compte, les
mesures prophylactiques prises depuis le début de la colonisation
jusqu'{ la fin de la deuxième Guerre Mondiale ont plus
bénéficié aux populations vivant dans les zones urbaines
que celles des zones rurales. En fait, avant la guerre, la lutte antipaludique
au Congo belge était uniquement menée dans les grands centres
urbains où des mesures antilarvaires appliquées en permanence
étaient complétées par des grands travaux
améliorant les conditions locales de salubrité. Le coût de
ces grands travaux d'assainissement a justifié le fait qu'il n'a pas
été possible d'étendre ces mesures aux immenses
étendues rurales que comptait la colonie.
Les autorités coloniales reconnaissaient toutefois que
la tâche n'était pas aisée. L'inquiétude sanitaire
fut surtout grande en ce qui concerne les agglomérations à forte
population, c'est en ce sens que l'ordonnance du 4 juin 1929 fut une des plus
importantes dans la lutte contre le paludisme. L'application stricte de cette
ordonnance
246 DROOGMANS, Art. cit, p. 376.
247 Idem, p. 375
248 WERY, M., COOSMANS, M., Le paludisme de l'Afrique
tropicale, Belgique, ed. Biometrix, 1993, p. 20.
249 DUREN, A., Art. cit, p. 56.
250 Idem, p. 57.
devait réduire considérable le pullulement des
moustiques dans les régions tant urbaines que rurales.
C'est ainsi que s'étant rendu compte de la
difficulté de réaliser des mesures prophylactiques de grande
envergure, les autorités sanitaires vont insister sur la
nécessité d'ajouter aux mesures déj{ prises, les moyens de
prophylaxie individuelle251. Il s'agissait de mener des actions
ciblées pour empêcher tout contact entre les populations du Congo
et les vecteurs du paludisme, grâce { la vulgarisation de l'utilisation
des moustiquaires de lit, le recouvrement des portes et fenêtres par des
treillis antimoustiques252.
La fin de la deuxième Guerre Mondiale va marquer un
tournant important dans la lutte contre le paludisme. En effet, cette
période sera marquée par l'apparition des insecticides puissants
à effet rémanent, qui vont marquer une véritable
révolution dans la prophylaxie des maladies parasitaires253.
L'avènement des insecticides, tel que le DDT
((dichlorodiphényltrichloroéthan) a permis d'envisager et de
mettre en pratique des mesures plus effectives et de grande envergure dans la
lutte contre le paludisme. La particularité du DDT est la persistance
(rémanence) de son pouvoir toxique : le contact d'une surface qui a
été traité au DDT reste mortel pour les insectes pendant
plusieurs mois, et c'est cette technique qui a permis { plusieurs pays
occidentaux d'éradiquer cette maladie254.
Ainsi, l'usage de ces insecticides a permis de
compléter la lutte antimoustique dans toutes les habitations des
agglomérations urbaines et même dans certaines régions
rurales255. Bien plus encore, l'intensification de
désinsectisation, ainsi que les pulvérisations domiciliaires
d'insecticide { effet rémanent sont restées à la base de
la lutte antipaludique en milieu rural256 ; on constata parmi les
populations congolaises des zones rurales qui fréquentaient les
dispensaires une certaines diminution du taux du
251 DROOGMANS, Art. Cit, p. 360.
252 DUREN, A., GILLET, H., Art. Cit, p. 71.
253 WERY, M, JANSSENS, P.G., Art. cit, p. 1250.
254 SCHWETZ, J., Art. cit, p. 44.
255 KIVITS, M., Art. cit, p. 914.
256 Rapport aux Chambres, 1954, p. 180.
paludisme et de l'intensité des anémies
post-malariennes257. De ce fait, malgré des moyens
relativement limités, la lutte antipaludique entra dans une phase active
dans presque toutes les régions de la colonie par la mise en train des
campagnes de désinsectisation domiciliaire258. Les
différents services d'hygiène publique dans les centres
importants, la Mission de Désinsectisation du Bas-Congo, la Mission
médicale de la Ruzizi et le service d'Hygiène de la côte
vont constituer les éléments fondamentaux de cette action
antipaludique259.
Par ailleurs, la lutte antipaludique va
bénéficier des subventions prévues dans le plan
décennal. En effet, l'amélioration de la santé publique
fut le premier objectif du plan décennal élaboré en 1949.
Cette tâche dépasse toutefois le domaine strictement
médical ; elle postule l'amélioration des conditions
d'hygiène générale, et notamment de l'alimentation, de
l'approvisionnement en eau potable, de l'habitation, de l'habillement, de
l'hygiène corporelle260. A cet effet, la lutte contre les
maladies épidémiques et endémiques sévissant au
Congo sera l'objet d'une campagne intensive. Et au premier plan du programme
figure la lutte contre deux maladies ayant attiré l'attention des
pouvoirs publics : il s'agit du paludisme et de la maladie du
sommeil261.
Ainsi, pour lutter contre le paludisme, ce plan
prévoyait l'octroi des crédits importants pour l'exécution
des campagnes de prophylaxie de la maladie (il s'agit des campagnes de
désanophelisation au DDT et { d'autres produits chimiques), pour l'achat
des matériels divers, pour la formation d'un personnel
spécialisé dans la lutte antipaludique262. Ces
campagnes seront organisées tant dans les milieux ruraux que dans les
milieux urbains. Cette lutte prophylactique essentielle dans la lutte contre le
paludisme, fera l'objet des campagnes intensives prévues par le
plan263.
En résumé, pour combattre le paludisme, le plan
prévoyait : l'application de la chimioprophylaxie individuelle et
collective, des campagnes de désinsectisation (c'est-à-
257 Rapport aux Chambres, 1952, p. 170.
258 Rapport aux Chambres, 1956, p. 68.
259 Rapport aux Chambres, 1957, p. 72.
260 Plan décennal, 1949, p. 40.
261 Ibidem.
262 Idem, p. 50. Malheureusement nous n'avons pas pu
trouver des références concernant les crédits
dégagés spécialement pour le paludisme. Mais nous donnons
toutefois, en annexe, le budget prévu par le plan décennal dans
le domaine de la santé.
263 Idem, p. 40.
dire la lutte contre les vecteurs), des campagnes
d'éducation des populations sur la lutte contre les moustiques, qui
doivent apprendre { s'en préserver et aussi { les
détruire264.
En 1951, une commission du Conseil Supérieur
d'Hygiène Coloniale, présidée par J. Rodhain étudia
la question du paludisme dans son ensemble, plus particulièrement des
méthodes de lutte contre cette maladie265. Cette commission
envisagea successivement l'importance du paludisme dans la mortalité au
Congo belge, la prophylaxie chimique contre le paludisme et la lutte contre les
vecteurs grâce aux insecticides. De ces travaux se sont
dégagées les conclusions suivantes :
- la commission estime que l'éradication totale des
vecteurs par l'emploi des insecticides n'est pas possible dans les conditions
actuelles du Congo, notamment à cause de l'immensité du
territoire qui exige beaucoup de moyens, en matière de finances, en
personnel, en produits et matériels adéquats, qu'il n'est pas
possible de réunir266.
- Cette même commission estima qu'il était
possible de rétrocéder le paludisme de façon très
considérable sans obtenir l'éradication complète de la
maladie. En ce qui concerne la rétrocession du paludisme et les moyens {
mettre en oeuvre pour y arriver, la commission relève que les
modalités de la lutte contre le paludisme sont envisageables d'une part
sur le plan technique, et d'autre part sur le plan administratif267.
Sur le plan technique, il s'agit de la suppression des vecteurs (moustiques)
grâce { l'emploi des insecticides { effet rémanent, cette campagne
ne pourra se réaliser que dans les grands centres urbains, dans les
zones rurales. La commission suggéra de faire le choix de quelques
régions pilotes où une campagne massive pourrait être
entreprise268. Sur le plan administratif, la commission propose que
l'organisation de la lutte contre le paludisme soit pris en charge par des
services du gouvernement sous la direction des conseillers techniques fournis
par l'OMS, elle préconise l'organisation d'un Service de Paludologie qui
devra bénéficier d'un budget
264 Idem, p. 42.
265 RODHAIN, J., << Compte rendu des travaux des
commissions chargées d'étudier l'organisation de la lutte contre
le paludisme au Congo belge », in IRCB, (1951)22, p. 703.
266 MOUCHET, << Conclusion générale des
travaux de la commission pour la coordination des méthodes de lutte
contre le paludisme », in IRCB, (1951)22, p. 736.
267 Idem, p. 737.
268 Ibidem.
spécial pour la lutte antipaludique269; le
programme d'action antipaludique devra être réalisé dans le
cadre de l'activité générale du service médical,
mais par des médecins provinciaux, le médecin en chef restant le
coordinateur de l'action sur l'ensemble du territoire. Ces spécialistes
en lutte antipaludique ne seraient chargés d'aucune autre tâche et
le service de paludologie disposerait d'un budget spécial ; enfin cette
commission proclama la nécessité de former des médecins
hygiénistes spécialisés en matière de lutte
antipaludique, et qui ne seraient chargés d'aucune autre tâche que
celle de lutter contre le paludisme270.
A la suite de cette commission, la nécessité de
coordonner toutes les activités relatives au paludisme et { la lutte
antimalarienne fut { l'origine de la création en 1957, d'un organisme
central, la S.E.C.L.A (Service d'Etude et de coordination de la lutte
antimalarienne)271. Cet organisme qui fonctionna au sein de la
Direction générale des services médicaux fut
attaché directement { l'inspection des services d'hygiène. Parmi
ses attributions, il convient de citer principalement les études
effectuées sur le terrain et dans les laboratoires,
l'établissement des programmes, le contrôle des moyens
employés et l'interprétation des résultats obtenus. Cet
organisme disposera d'un laboratoire et d'un insectarium des mieux
équipés272.
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