1.3. Evolution de la morbidité du paludisme de la
population blanche dans la Province de Léopoldville
Après avoir présenté l'évolution
générale du paludisme au Congo belge, il convient maintenant d'en
présentez un aperçu dans la province de Léopoldville, une
province qui constitue, par sa position économique et politique, l'un
des lieux importants de peuplement de la population blanche au Congo.
Tableau n°3: Evolution du taux de
prévalence au sein de la population blanche dans la province de
Léopoldville de 1933 à 1958(en%o)
Année
|
Effectif de la population
|
Nombre de cas traités
|
Taux de morbidité en%o
|
1933
|
4361
|
212
|
48,6
|
1934
|
4156
|
252
|
60,6
|
1935
|
4447
|
258
|
58,0
|
1936
|
4842
|
383
|
79,1
|
1937
|
5394
|
363
|
67,3
|
1938
|
5661
|
333
|
58,8
|
1939
|
6519
|
397
|
60,9
|
1940
|
6722
|
500
|
74,4
|
1944
|
8926
|
1099
|
123,1
|
1945
|
8999
|
866
|
96,2
|
1946
|
10086
|
663
|
65,7
|
1947
|
12085
|
706
|
58,4
|
1948
|
12856
|
764
|
59,4
|
1949
|
14062
|
969
|
68,9
|
1950
|
15901
|
1022
|
64,3
|
1955
|
27899
|
1500
|
53,8
|
1956
|
30867
|
1400
|
45,4
|
1957
|
32143
|
1293
|
40,2
|
1958
|
33578
|
1392
|
41,5
|
Sources : Rapports aux Chambres
(1933-1956), Rapports annuels sur l'Hygiène Publique au Congo belge
(1925-1947) et les Rapports annuels de la Direction
générale des services médicaux (1948-1958).
L'objectif du tableau n°3 est de montrer le poids de la
fréquence du paludisme dans la province de Léopoldville. C'est
l'une des provinces dans laquelle on trouve un nombre élevé de
cas de paludisme ; le but étant de voir l'importance numérique de
cette maladie par rapport à la population de cette province.
De ce qui précède, il ressort que, d'une
manière générale, l'évolution de la maladie ne
s'écarte pas de l'allure générale du taux de
morbidité qui prévalait au Congo. Si de 1933 à 1940, la
tendance est à la baisse, avec une apogée en 1944, à
partir de la fin de la seconde guerre mondiale, l'allure de la
prévalence témoigne d'une réduction progressive de la
maladie : le taux de morbidité au sein de la population
européenne a légèrement diminué, en ce sens qu'il
est passé de 48,6%o en 1933 { 41,5%o en 1958. Cette situation s'explique
par le fait que durant la période 1933-36, les grands travaux
d'assainissement n'avaient pas encore débuté. Les seuls petits
travaux d'assainissement mis au point étaient loin de répondre
aux besoins de la lutte contre le paludisme.
Toutefois, dans certains centres où les travaux
d'assainissement ont été poussés au loin, la maladie est
devenue rare, c'est le cas de la ville de Matadi où la maladie semble
plus ou moins stable157. Il y a lieu en outre de faire remarquer que
la population européenne ne suivait guère les conseils
médicaux de prophylaxie individuelle, à savoir la prise de la
quinine, la protection mécanique contre les moustiques. Comme le
souligne le Rapport sur l'Hygiène Publique de 1931 « la
population européenne ne semble pas se rendre compte des
conséquences de la malaria qu'elle accepte comme nécessité
inéluctable du climat »158.
Durant la deuxième période, la situation du
paludisme fut stable dans les villes de Léopoldville et de Matadi,
grâce sans doute aux grands travaux d'assainissement
exécutés dans ces villes par le gouvernement
central159. Comme le souligne le Rapport d'Hygiène Publique
de 1937 « le paludisme est plus fréquent chez les
européens vivant dans les petits centres et les postes de
l'intérieur, tandis que les résidents des grands
157 Rapport sur l'Hygiène Publique,
1933, p. 18.
158 Rapport sur l'Hygiène Publique,
1931, p. 14.
159 Rapport aux Chambres, 1937, p. 43.
centres bénéficient des travaux
d'assainissement »160. Mais la guerre de 1940-45, viendra
mettre un terme à cette situation.
En effet, durant cette période, comme nous l'avons dit
précédemment, les activités médicales avaient subi
un ralentissement sur toute l'étendue du pays161. Dans la
province de Léopoldville, { cause de l'effort de guerre, les services
d'hygiène furent bloqués, l'assainissement des grands centres
comme Léopoldville, Matadi, ne put se faire correctement. C'est ainsi
que l'incidence du paludisme a été de 74,4%o en 1940, 123,1 en
1944 et 96,2 en 1945.
Les années qui ont suivi la guerre ont
été bénéfiques pour la province de
Léopoldville, { savoir l'intensification des campagnes de
désinsectisation dans les zones urbaines de la ville de Matadi,
Léopoldville et Boma, la création de différents services
d'hygiène publique dans les centres importants, tels que la mission
de désinsectisation du Bas-Congo, dont la zone d'action comprenait
les territoires de Thysville et de Madimba162. De plus, grâce
aux nouveaux produits synthétiques, les nouvelles thérapeutiques
ont permis la régression de la maladie, celle-ci est passée de
74,4%o { 41,5%o en 1960.
1.2.4. Evolution du paludisme au sein de la population
congolaise dans la province de Léopoldville (1937 à 1957).
Les données concernant l'évolution des
affections du paludisme dans l'ensemble de la province de Léopoldville
sont fragmentaires ; nous ne pouvons donc pas donner des indications concernant
toute la période de 1933 à 1958. Toutefois, nous avons pu obtenir
quelques données relatives à certains districts de la dite
province.
160 Rapport sur l'Hygiène Publique, 1937, p.
27.
161 Conseil du gouvernement, 1949, p.26.
162 Rapport aux Chambres, 1952, p. 152.
[51] Tableau 4 : Evolution du taux de
morbidité dans la province de Léopoldville
(1937-1957)
Année
|
Effectifs de la population
|
Nombres de cas traités
|
Taux de morbidité(%o)
|
1937
|
1997796
|
49642
|
24,85
|
1938
|
2060960
|
56789
|
27,55
|
1949
|
2431339
|
43123
|
17,74
|
1950
|
2558882
|
43510
|
17,00
|
1955
|
2957039
|
291909
|
98,72
|
1956
|
3024102
|
242135
|
80,07
|
1957
|
3102383
|
265379
|
85,54
|
Sources : Tableau élaboré par
nous, à partir des Rapports aux Chambres (1918-1956), et les
Rapports annuels de la Direction générale des services
médicaux (1948-1950).
Lorsqu'on examine le tableau n°4, on remarque une
augmentation significative du nombre de cas traités par les services
médicaux du gouvernement. En ce sens, le nombre de cas est passé
de 49642 en 1937 à 265379 en 1957, soit un taux de morbidité de
24,85%o { 85,54%o. Comme nous l'avons dit précédemment,
l'augmentation de la morbidité au sein de la population congolaise est
due d'une part { l'extension de l'assistance médicale aux
indigènes et d'autre part la population congolaise qui faisait de plus
en plus confiance à la médecine européenne
fréquentait dorénavant plus facilement les centres
médicaux se trouvant { proximité de leur habitation. C'est ainsi
que le nombre élevé des cas dépistés doit
être bien analysé pour pouvoir faire ressortir les causes exactes
de cette augmentation continue de la morbidité du paludisme au sein de
la population congolaise.
Dans le Bas-Congo, d'après les rapports du
Foréami, de 1932 { 1934, sur une mortalité générale
de 24%o, le paludisme est intervenu pour 0,73%o ; et l'importance du paludisme
dans la morbidité est de 2,6%o163. De même, durant la
période 1931-1934, dans une consultation pour nourrissons de 0 à
2 ans, sur 1496 décès constatés dans le Bas-Congo, 237
étaient dus au paludisme164. En 1933, le Dr. Zanetti avait
constaté que sur 8051 résidents indigènes à Matadi,
il n'y eut que 57 cas de paludisme, soit 0,6% des
163 DUREN, A., Art. Cit, p. 708.
164 Ibidem.
décès165. Grâce aux travaux
d'assainissement, de drainages effectués dans cette ville cette maladie
était devenue quasiment rare à Matadi166.
C'est au Kwango que la maladie semble être plus grave.
En effet, d'après les rapports du Foréami, le paludisme est
considéré comme une affection dont l'importance est parfois
considérable: de 1936 { 1939, 20725 cas ont été
dépistés, ayant entraîné 97 décès,
soit un taux de léthalité de 0,46%167 ; de 1941
à 1943, 28330 cas ont été constatés ayant
entrainé 115 décès, soit un indice de mortalité de
0,40% ; de 1946 à 1947, 21701 cas ont été traités,
ayant entrainé 83 décès, soit un indice de
mortalité de 0,38%168. Ceci ne signifie pas toujours
l'extension de la maladie au Kwango, mais bien une connaissance plus
avancée de la situation sanitaire de la région. De même, la
fréquence des consultations médicales a permis de mieux
évaluer la maladie en termes de mortalité et
morbidité169. Cette maladie occupa une place
prépondérante dans les milieux ruraux que dans les milieux
urbains parmi les causes de mortalité infantile. Mais grâce
à la chimioprophylaxie hebdomadaire dans les consultations pour
nourrissons, la mortalité du paludisme est descendue de 50,8% en 1950
à 39,9% en 1953170.
Il est cependant difficile d'évaluer la
mortalité du paludisme dans les milieux ruraux, car il existe souvent
une surestimation et une sous-estimation de la léthalité dans les
dispensaires qui faussent les résultats des
enquêtes171.
Comparativement { d'autres maladies, le paludisme n'a pas
été la seule maladie { avoir affecté la pathologie
générale de la population congolaise dans la province de
Léopoldville. En effet, d'autres maladies épidémiques ou
endémiques ont affecté considérablement l'état
sanitaire des Congolais. Il s'agit notamment de la maladie du
165 VINCKE, « La lutte antimalarienne au Moyen de DDT au
Katanga (1947-1950) » in Compte rendus du Congrès
scientifique, vol. 5, 1950, p. 56.
166 DUREN, A., « Un essai d'étude d'ensemble
du paludisme au Congo belge », in IRCB, V(1937), p. 56;
Rapport aux Chambres, 1933, p.21.
167 Rapport annuel du Foréami, 1936, p. 89.
168 Rapport annuel du Foréami, 1946-1947, p.
71.
169 Rapport annuel du Foréami, 1956, p. 40.
170 Rapport annuel du Foréami, 1953, p. 80.
171 Rapport annuel du Foréami, 1956, p. 41.
sommeil, la tuberculose, la variole, la fièvre
typhoïde et la méningite cérébro-spinale. Les
paragraphes qui suivent y sont consacrés.
La maladie du sommeil est toujours
restée active. Elle a ravagé le Bas-Congo, le Kwango et le Lac
Léopold II. C'est { cause de cette maladie que des organismes
spécialisés dans la lutte contre ce fléau ont
été crées, notamment le FOREAMI172, le Service
Auxiliaire d'Assistance Médicale aux Indigènes (SADAMI) ; de plus
les entreprises installées dans la région, notamment la
Société Huilever et la Compagnie du Kasaï s'y sont
investies. C'est { cause de cette gravité que des missions
médicales de lutte contre la maladie du sommeil furent
créées.
La première mission médicale fut confiée
{ l'Ecole de Médecine Tropicale de Liverpool. Le 8 juillet 1920, deux
missions prophylactiques sont créées : elles ont comme objectifs,
d'une part, de refaire des essais de recensement et de reprendre des
traitements ambulatoires en employant sur place des infirmiers formés en
microscopie et habilités à faire des injections, d'autre part, de
mettre au point des rôles à attribuer aux agents sanitaires et aux
auxiliaires bénévoles de mission.
L'une des missions les plus importantes est celle
établie au Kwango où le Dr. Schwetz avait observé des taux
d'infection alarmants : 6 { 10%. Les taux d'infection observés
respectivement en 1920-1923 et en 1927 sont les suivants : à Kikwit
12,8% et 0,6% ; à Bulungu 12,2% et 0,38% ; à Kandale 5,3% et 1,1%
; à Niadi 5,8% et 0,45% ; au Bas-Kwilu 4,7% et 1,2% ; à Lukula
soit 3,7% et 4,3% ; sur la Kamtsha et la Lubue 9,8% et 0,65%. Par rapport
à 1920-1923, il constate une régression de l'infection.
Le Dr. Schwetz devait compter sur la collaboration de cinq
médecins et de cinq agents sanitaires173. La mission du
Kwango examina, en 1923, 285.792 indigènes sur lesquels on trouva 23.865
malades ; en 1924 sur 430.284 Congolais examinés, on recensa 40.061
malades et en 1925 sur 313.839 Congolais consultés, on recensa 67.531
cas de maladies soit 14,8% de la population. Les suspects atteignent le chiffre
de 16.029, soit 5,1% de la population totale. La régression des indices
annuels est constante et régulière. L'indice annuel d'infection
a
172 ANDRE, J., BURKE, J., Art. Cit. p. 105.
173 BURKE, J., « La trypanosomiase », in JANSSENS,
P.G., KIVITS, M., VUYLSTEKE, J., Médecine et hygiène en
Afrique centrale de 1885 à nos jours, Vol. II, Bruxelles, Fondation
Roi Baudouin, 1992, p. 1432
été de 1,4. Le territoire de Bulungu qui a pu
être revisité quatre fois donne un indice d'infection de 6,6% en
1923 et de 5% en 1924 et se retrouve avec un indice de 2,3 en 1925.
L'opération était basée sur la palpation des ganglions
cervicaux, suivi d'un traitement { l'Atoxyl des porteurs de ganglions.
Le Laboratoire de Léopoldville fut chargé
d'examiner, chaque année, depuis 1920, la population des environs de
Léopoldville. Il observa en 1924 un taux d'infection de 2%, et en 1925
de 1,2%174.
Plus encore, les recherches menées par le Dr. Gilmore
à Bolobo sur la population de toute la rive du fleuve Congo depuis Gombe
jusqu'{ Kwamount démontra que sur les 6184 Congolais examinés,
309 nouveaux cas furent trouvés. De même, la mission
suédoise des Cataractes-Nord dirigée par le Dr. Palmeur, constata
que sur les 30.098 Congolais recensés, 584 malades ont été
traités dans les dispensaires et 385 dans les
chefferies175.
En 1931, on constate que des nouvelles infections sont, d'une
façon générale en régression. Ce qui montre une
diminution d'intensité de la maladie. Cette évolution est
particulièrement signalée dans le cas du Mayumbe, où
l'action du FOREAMI a obtenu les résultats suivants durant la
période de 1927 à 1931: en 1927, sur les 173.158 congolais
examinés, on enregistra 1851 nouveaux cas ; en 1928, sur 154.772
consultés, on signala 1211 nouveaux cas ; en 1929, 1135 nouveaux cas sur
193.919 examinés ; en 1930, 1091 nouveaux cas sur 204.621
examinés et en 1931 sur 209.742 examinés, 589 nouveaux cas furent
signalés. L'infection la plus violente est signalée dans le
secteur d'entre Lutshima-Bwele176.
En 1937, la province de Léopoldville et celle de
Lusambo sont considérées comme les plus atteintes. L'augmentation
du chiffre des nouveaux malades n'implique pas pour autant une aggravation de
la situation, car dans de nombreuses zones desservies par le FOREAMI le
pourcentage de la population atteint a été réduit
grâce au travail méthodique effectué par les
médecins, et aux résultats thérapeutiques par la
tryparsamide et par la tryponasyl.
174 Rapports aux Chambres, 1925, p.17.
175 Ibidem.
176 Rapports aux Chambres, 1931, p. 19.
Durant cette période, on a tout de même
relevé la persistance des foyers dangereux dans les territoires de
Mushie, de Bolobo, sur le Chenal et au Bas-fleuve.
En 1945, on signale un certain réveil d'infections dans
quelques foyers au Kwango et dans les environs du Kwamount et dans les
Cataractes. En 1947, les rapports d'hygiène publique signalent que dans
la province de Léopoldville un plus grand nombre de congolais fut
examinés. Et cette même province est également la seule {
connaître une baisse d'infection de la maladie. Cela est dû au fait
que l'occupation médicale fit découvrir cette année de
nombreux cas non prospectés durant les années
précédentes par suite d'une pénurie du personnel. Ainsi,
le nombre des Congolais examinés augmenta par rapport à 1946.
Durant l'année 1948, l'indice d'infection est tombé de 0,44 {
0,36%177.
Les quelques données présentées dans le
tableau n°5 donnent une idée très succincte, mais suffisante
de la situation de l'endémie de la maladie du sommeil dans la province
de Léopoldville.
Tableau n°5 : Evolution de la maladie du sommeil
dans la province de Léopoldville (1933- 1949)
Année
|
Recensés
|
Ancien cas
|
Nouveau cas
|
Total des cas
|
%
|
1933
|
1395295
|
47080
|
13496
|
60576
|
2,03
|
1934
|
1451200
|
44278
|
11607
|
55895
|
1,65
|
1936
|
1746100
|
22353
|
9182
|
33926
|
1,2
|
1937
|
1801702
|
19976
|
6774
|
26750
|
0,75
|
1938
|
1778533
|
5456
|
14855
|
20311
|
0,61
|
1939
|
1674095
|
5117
|
10511
|
15626
|
0,64
|
1940
|
1584846
|
5671
|
10624
|
16295
|
0,76
|
1941
|
1437956
|
4287
|
9563
|
13850
|
0,57
|
1942
|
1370385
|
5333
|
9451
|
14784
|
0,76
|
1943
|
1503132
|
5555
|
9709
|
15264
|
0,59
|
1944
|
1458605
|
5081
|
8846
|
13876
|
0,65
|
1945
|
1463950
|
5568
|
9904
|
15472
|
0,71
|
1947
|
1646817
|
5461
|
10660
|
16121
|
0,59
|
1949
|
633610
|
4088
|
10731
|
14895
|
0,41
|
Sources : Rapports aux Chambres (1933-1949), Rapport sur
l'hygiène publique (1925-1949)
177 Rapport sur l'Hygiène Publique, 1948, p.
39.
La tuberculose resta parmi les
problèmes majeurs de santé publique au Congo belge. Cette maladie
s'est rapidement propagée dans les grands centres industriels et
urbains. La colonisation amena chez les Africains un nouveau genre de vie et
les mauvaises conditions de logement, ainsi que la mobilité de la
population ont favorisé les contacts entre les populations et les germes
de cette maladie.
Les médecins signalent que les Africains sont les plus
exposés { cette maladie. L'allure extensive que prit la maladie amena
les autorités sanitaires à prendre des mesures
réglementaires dès 1921 afin de limiter la propagation.
En 1923, au Stanley Pool, la tuberculose n'avait pas
été maitrisée : il avait été admis 31 cas de
tuberculose pulmonaire au camp de tuberculeux de Léopoldville, dont 27
provenaient de l'agglomération elle-même. Et le grand nombre des
cas signalés en 1925 est en relation avec un dépistage plus
sévère qui avait été organisé dans les
grands centres et spécialement à Léopoldville et à
Stanleyville. L'enquête dirigée par le Dr. Van den Branden {
Léopoldville en collaboration avec les docteurs Fornara et Staub, a
conclu que l'indice tuberculeux est relativement élevé au Stanley
Pool. Le nombre total des cas diagnostiqués s'élève { 90
et le chiffre total des décès est de 53 soit 21,2%.
Au lazaret de Banana, on enregistra 29 tuberculeux et 9
décès sont survenus, dans celui de Léopoldville 80 malades
et 34 décès signalés178. La tuberculose a donc
un caractère grave et permanent. En 1932, la tuberculose prend une
allure lente et chronique et a lieu dans les grands centres où l'on
constate des foyers secondaires. En 1933, la province de Léopoldville
donne les indications les plus alarmantes : cela est sûrement dû
à la promiscuité des travailleurs qui favorisa la contagion et
l'augmentation du pourcentage des cas de tuberculose. Il convient de signaler,
une fois de plus, la progression lente et sûre qui eut lieu en 1934 dans
les milieux africains, soit 206 cas de tuberculose pulmonaire. Cette extension,
qui auparavant ne se remarquait que dans les grands centres industriels et
urbains touche également les milieux ruraux. Comme les années
précédentes, la tuberculose frappa plus d'hommes que les
femmes.179Cette situation s'explique par le fait que les villes et
les camps des travailleurs étaient peuplés par les hommes.
178 Rapports aux Chambres, 1925, p. 18.
Les données recueillies par le FOREAMI dans le
Bas-Congo, au cours de la période de 1931-1935, révèlent
que, sur une population de 600.000 habitants examinés par le recensement
médical, on trouve, chaque année, 52 à 100 cas de
tuberculose pulmonaire. Fort occupé par la maladie du sommeil, les
médecins firent moins attention au dépistage de la tuberculose ;
ce qui explique le nombre élevé de tuberculeux. Dans la province
de Léopoldville, le service du gouvernement signala 260 cas de
tuberculose en 1935, 292 en 1936, et, 207 en 1937180. Le nombre de
décès par rapport au cas découvert annuellement
décroit de façon lente, mais régulière jusqu'en
1945, sans doute en raison de la meilleure résistance acquise par la
population181.
Les services du FOREAMI au Kwango tirèrent les
conclusions suivantes : l'augmentation des tuberculeux d'année en
année est due { l'extension de la maladie et les guérisons qui
s'en suivaient grâce aux antibiotiques, ont modifié l'attitude des
malades qui se présentent plus spontanément dans les dispensaires
et hôpitaux ; ainsi le taux de léthalité était de
36,4% entre 1941 et 1945182. De même en 1946, 298 tuberculeux
ont été diagnostiqués et, 460 en 1948. Par contre, durant
l'année 1949, sur 204.413 Africains examinés, 1.669 tuberculeux y
avaient été dépistés, soit une
endémicité de 6,37%0183. Malgré l'emploi de
nouveaux produits thérapeutiques, l'on ne peut signaler
d'amélioration nette de la situation qui reste confuse { cause de
l'état encore élémentaire de l'hygiène publique.
La variole a été
pendant longtemps l'une des maladies endémo-épidémiques
les plus meurtrières. Dès lors, on peut affirmer que grâce
aux vaccinations générales, la variole a été
supprimée en tant que fléau possible. Seuls quelques cas
sporadiques d'épidémies sont déclarés dans
certaines régions de la province, notamment dans le district du
Bas-Congo, du Kwango et de Léopoldville où une mortalité
excessive a été constatée.
179 Rapport sur l'Hygiène, 1934, p. 36.
180 Rapports aux Chambres, 1937, p. 35.
181 DARRAS, T., CAMPHYN, R. et HALET, J., Art. Cit,
p.1539.
182 Idem, p. 1541.
183 Rapport sur l'Hygiène Publique, 1949, p.
168.
En 1923, la variole s'est maintenue au Stanley pool avec
virulence où elle s'est étendue dans les régions centrales
et surtout occidentales. Le Dr. Duren mentionna que sur 764
décès, il enregistra dans le district urbain de
Léopoldville, 210 imputables à la variole soit un indice de
27,49% et en 1927, sur 1647 décès enregistrés, 227
étaient provoqués par la variole, soit un indice de
13,78%184.
Il convient de signaler que la variole avait fait de
nombreuses victimes surtout chez les enfants. La mortalité
provoquée par cette épidémie avait éveillé
l'autorité coloniale. Les autorités du district urbain de
Léopoldville rendirent ainsi la vaccination obligatoire depuis 1925. En
1926, on constate une certaine régression de la maladie en termes de
mortalité et de morbidité, { l'exception du district du Kwango
où 152 cas ont été signalés ayant provoqué
17 décès parmi les travailleurs industriels et
agricoles185. Par contre, durant l'année 1926, la variole fit
un retour assez sérieux au Stanley pool où elle suivit les voies
de communications donnant ainsi naissance à des foyers plus ou moins
graves186. L'année 1928 fut plus favorable, car sur 474 cas,
on signala seulement 8 décès. Cette situation est due à la
vaccination obligatoire effectuée tous les 2 ans.
Néanmoins en 1940, une flambée
d'épidémie fut déclarée dans la province
entraînant 2058 cas de variole dont 31 furent mortels. Cette
épidémie régna surtout dans les régions de Matadi,
des Cataractes et de Manianga187. A partir de 1947, la variole
été en régression dans toute la province188.
La fièvre typhoïde est
une maladie fébrile sévère qui se manifeste sous forme de
petites flambées épidémiques et son caractère
sporadique a été signalé par presque tous les
observateurs. En 1927, elle sévit dans la province de
Léopoldville et ce malgré les nombreuses vaccinations
pratiquées.
En 1928 le Dr. Vanden Branden mentionne 51 cas de fièvre
typhoïde causant 14 décès parmi les habitants du district
urbain de Léopoldville. De même, le Dr. Van Oye indique
184 DUREN, A., « Quelques données sur la situation
démographique de la cité indigène de Léopoldville
entre 1923 et 1947 » in IRCB, XXI(1950)3, p. 713.
185 Rapports aux Chambres, 1925, p. 13.
186 Rapports aux Chambres, 1926, p. 10.
187 Rapport sur l'Hygiène publique, 1940, p.
16.
188 Ibidem
un indice d'infection de 51,5% sur un total de 3.216 individus
reçus au centre de Léopoldville. La province de
Léopoldville s'inscrit pour l'année 1935 avec 31 cas dont 10
décès, soit 19 cas et 4 décès à Boma, 12 cas
et 6 décès à Léopoldville, 5 autres cas ont
été diagnostiqués à la compagnie du chemin de fer
du Congo189. Les quelques cas sporadiques signalés dans la
province de Léopoldville ne proviennent pas de la pollution des eaux de
boisson mais, d'une infection accidentelle { partir des porteurs
sains190.
Toutefois, il convient de noter en 1946, une éclosion
d'un nombre relativement élevé de cas de fièvre
typhoïde parmi les africains, 100 décès sur 252 cas
enregistrés. Il est possible que ce phénomène soit
attribué aux mouvements des troupes pendant la période de guerre.
D'une façon générale, la maladie était en
régression dans toute la province.
La méningite
cérébro-spinale fut considérée parmi
les chroniques des épidémies meurtrières qui
désorganisaient la vie des communautés et qui décimaient
des collectivités.
C'est au Stanley pool que les premières études
sur la méningite furent faites par le Dr. Vanden Branden et Van HooF en
1922. En 1923 aucune épidémie de méningite n'a
été déclarée. Cette maladie ne se
développant qu'au cours de la saison sèche, explique le
caractère sporadique de la maladie dans la province. En 1936,6 cas ont
été identifiés dont 2 cas de décès dans le
district du Bas-Congo191. En 1937, quelques cas furent
signalés sans tendance { l'extension, car la production intensive des
vaccins par le Laboratoire de Léopoldville explique la faible
mortalité. De même, en 1938, les malades purent être
traités par les sulfanilamides192.
Les rapports des médecins du gouvernement mentionnent,
en 1943, l'apparition de 74 cas de méningite et cette augmentation
fut attribuée aux effectifs militaires rapatriés de
189 Rapports aux chambres, 1935, p. 34.
190 Rapport sur l'Hygiène publique, 1938, p.
25.
191 Rapport sur l'Hygiène Publique, 1936, p.
21.
192 Rapport sur l'Hygiène Publique, 1938, p.
24.
diverses zones d'engagement. Depuis lors, la méningite ne
constituait plus un fléau pour la population.
|
|