0.2. Problématique
Pour bien comprendre certains problèmes
socio-économiques que connaissent beaucoup de peuples des pays pauvres,
les questions de santé doivent être prises en compte. L'importance
d'une telle affirmation réside dans le fait que le facteur «
santé » constitue à lui seul un phénomène
important qui influe sur l'économie et les mouvements
démographiques.
Ces faits méritent bien d'être approfondis pour
bien comprendre l'évolution des sociétés africaines, car
beaucoup de perturbations socio-démographiques que connait actuellement
l'Afrique peuvent être justifiées par la permanence des
fléaux naturels tels les sécheresses, les famines et
particulièrement les épidémies qui participent grandement
à la mortalité élevée de ces
régions9.
Dans cette optique, la santé est
considérée comme un critère du niveau
socioéconomique d'un pays10. En outre, il n'y a pas de
croissance économique sans le travail entendu comme moteur du
développement dans la mesure où le bien-être
général prédispose la population à participer et
à contribuer efficacement au progrès d'un pays11. Or,
une population ne peut travailler si elle n'est pas en bonne santé. Et
le paludisme se trouve être parmi les affections qui semblent dominer
dans le tableau de la morbidité dans la plupart des pays pauvres.
En effet, parmi les maladies les plus meurtrières en
Afrique, le paludisme figure au premier plan. Cette maladie s'avère
être non seulement la première grande endémie
8 DELAUNAY, K. << Faire de la santé un lieu pour
l'histoire de l'Afrique : essai d'historiographie » in La santé
et ses pratiques en Afrique : enjeux des savoirs et des pouvoirs, XVIIe - XXe
siècles, p. 8.
9 NKUKU, K., Santé et population de Kinshasa.
Quelques perspectives historiques depuis la fin du 19e
siècle, p.1.
10 GRUENAIS M.-E. et POUTIER R., << La
santé pour tous en Afrique : un leurre », dans : Afrique
Contemporaine, (2000)195, p. 5.
11 TABUTIN, D., et al. << Mortalité et
santé » in SHOUMAKER, B., TABUTIN, D. et
MASQUELIER, B., l'Afrique face { ses défis
démographiques. Un avenir incertain, 2007, p. 122.
parasitaire en Afrique subsaharienne, mais également la
plus meurtrière12. Cette maladie se manifestant aussi bien
dans les zones rurales que dans les zones urbaines,
est considérée à la fois comme une maladie des pays
pauvres et comme cause de pauvreté13.
Actuellement, d'après les estimations de l'Organisation
Mondiale de la Santé, il existerait entre 300 à 500 millions de
personnes atteintes chaque année de cette maladie dont la moitié
toucherait des enfants de moins de cinq ans14. C'est en Afrique
subsaharienne que l'on retrouve 90% des décès dus au paludisme,
soit plus d'un million de décès par an. Cette situation
s'explique notamment par une politique de santé publique presque
inexistante, une hygiène de vie précaire, un environnement
insalubre et un manque de moyens financiers et logistiques
nécessaires15. Cette situation d'urgence implique
nécessairement la mise au point d'une politique de santé
adaptée véritablement aux besoins de la
population.16
La nécessité d'élaborer une politique de
santé au Congo se fit sentir dès le début de la
colonisation belge, au moment où les populations vivant au Congo
subissaient les ravages de certaines maladies, notamment celles du paludisme.
Cette politique consistait non seulement à préserver la
santé des Européens, mais elle visait également à
assurer de meilleures conditions sanitaires à la population congolaise
dont le travail était nécessaire pour le développement de
l'entreprise coloniale17. Comme le souligne si bien J.P. Bado
« les priorités en matière de santé était
claires pour les administrations coloniales puisqu'elles devaient
répondre aux impératifs économiques et à la
stratégie de domination coloniale »18.
Dans cette perspective, l'analyse des politiques sanitaires {
l'égard des maladies épidémiques et endémiques,
telle que le paludisme s'avère être nécessaire pour pouvoir
comprendre le fondement même de ce système ainsi que les
difficultés auxquelles
12 MOLINEAU, L., « La lutte contre les maladies
parasitaires : le problème du paludisme, notamment en Afrique » in
La lutte contre la mort, Paris, PUF, 1985, p.11.
13 Roll Back Malaria, Rapport annuel, 2008.
14 OMS, Rapport sur la santé dans le
monde, 2009.
15 MOLINEAU, L., Art.cit, p. 34.
16 Roll Back Malaria, Rapport annuel,
2008.
17 BECKER, C., Quelques réflexions sur
l'histoire, la santé et l'environnement en Afrique, Dakar, ORSTOM,
1993, p.1.
18 BADO, J.P., Médecine coloniale et
grandes endémies, Paris, Karthala, 1996, p.9.
l'administration coloniale était confrontée dans
l'élaboration et l'exécution de cette politique de santé.
Ainsi, une rétrospective historique est importante car elle permet
d'analyser la lutte contre le paludisme durant la période coloniale, en
mettant en évidence les quelques tentatives et expériences ayant
permis au pouvoir colonial de lutter contre cette maladie.
De ce fait, la question centrale de notre étude porte
sur la politique de santé mise en place par le pouvoir colonial pour
lutter contre le paludisme. Plus concrètement, ce travail portera sur
les interrogations suivantes :
- Quelle a été la politique de santé mise
en place par le pouvoir colonial pour lutter contre le paludisme ? Les mesures
prises en la matière ont-elles été effectives? Quels en
furent les résultats ?
- Quel a été l'intérêt de la lutte
antipaludique pour le pouvoir en place et pour la population ? Quels sont les
obstacles et difficultés rencontrés tout au long de cette lutte ?
Autant de questions qui suscitent des réponses dans cette
étude.
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