INTRODUCTION GENERALE
0.1. Choix et intérêt du sujet
Les maladies ont de tous temps marqué l'histoire des
sociétés humaines, avec leurs lots de bouleversements, elles sont
indissociables de l'évolution de l'espèce humaine1.
Cette question est d'autant plus importante au regard des répercussions
que ces maladies entrainent dans la vie de l'homme. De ce fait, l'historien
GRMEK pense que «les maladies revêtent une importance
primordiale en tant que phénomène affectant la vie
économique, les mouvements démographiques et les moeurs
»2.
L'histoire de la santé et des maladies a
été longtemps perçue comme un secteur sous-analysé,
un terrain en friche en Afrique3 car durant longtemps les aspects
politiques, économiques et démographiques ont été
mis en avant par les historiens4. Cette affirmation est
confirmée par l'historien BERTSHY, S., qui constate le caractère
tardif et épars des recherches proprement historiques des maladies.
Retard qu'il attribue d'une part au fait que s'engager dans une recherche
historique sur les maladies suppose des connaissances techniques
préalables, notamment en médecine, en biologie,
écologie5, etc. Pourtant, ce continent offre toute une
possibilité d'étude dans ce domaine. En effet, de tous les maux
auxquels la population africaine doit faire face, la question des maladies
occupe la première place et ne cesse d'alimenter de nombreux
débats. L'étude des maladies qui affectent la population
africaine trouve son importance du fait que les
1 RAOULT, D., « Épidémies et
maladies infectieuses dans l'histoire », in Les Café
Histoire-Actualité, p.3. 2GRMEK, M.D., «
Préliminaires d'une étude historique des maladies
», in Economies-Sociétés-Civilisations,
XXIV(1996)6, p. 1474.
3BERTSHY, S., « La santé en Afrique, un
objet d'histoire marginalisé ? Bilan et perspectives de recherche
», in 2ère rencontre du Reseau des études
africaines en France, 2006, p. 1-5.
4 SENDRAIL, M., Histoire culturelle de la
maladie, Paris, éd. Javot, 1948, p. 13.
5 BERTSHY, S., Art.Cit, p. 3.
maladies sont responsables non seulement du taux
élevé de mortalité au sein de la population, mais aussi
elles contribuent au faible développement du continent. Face à ce
constat, E. M'BOKOLO appelait à des recherches qui « ne se
contenteraient pas de faire l'histoire des maladies mais se
préoccuperaient aussi de situer la place de ces maladies dans l'histoire
et dans leur rapport avec les facteurs économiques, sociaux et
démographiques »6. A cet effet, l'une des maladies
causant le plus de ravages en terme économique et démographique
en Afrique au Sud du Sahara s'avère être le paludisme.
Déjà, dès le début de la
colonisation au XIXe siècle, le paludisme suscita un vif
intérêt de la part des autorités coloniales non seulement
parce qu'il fut l'un des obstacles à la pénétration
européenne et à la conquête coloniale7, mais
aussi à cause des victimes qu'il faisait en terme de mortalité et
morbidité dans une Afrique considérée comme «
tombeau de l'homme blanc ».
Etant l'une des causes essentielles de mortalité chez
la population africaine et surtout européenne, cette maladie a
été aussi à la base de la diminution des activités
de la maind'oeuvre, provoquant ainsi un certain ralentissement de
l'accroissement économique des colonies. D'où la
nécessité pour les pouvoirs publics de mettre en place une
politique sanitaire susceptible de réduire la prévalence de cette
maladie.
Si durant l'époque coloniale, le paludisme fut au coeur
des débats, aujourd'hui encore cette maladie ne cesse de susciter de
nombreuses questions, au regard des ravages qu'elle provoque tant du point de
vue de l'intensité que du point de vue des fréquences
d'apparition. Cela étant, l'intérêt de l'étude d'une
telle maladie n'est plus { démontrer aujourd'hui dans la mesure
où les dispositions sanitaires mis en oeuvre par le pouvoir colonial
peuvent nous servir de référence pour pouvoir améliorer la
politique sanitaire actuelle. De plus, il s'agit d'interpeller les
décideurs politiques, les professionnels de santé sur la
gravité du paludisme dont l'étendue et les conséquences de
cette endémie est sans précédent en Afrique subsaharienne.
C'est ce qui fait dire {
6 M'BOKOLO, E., « Histoire des maladies. Histoire
et maladies : l'Afrique » cité par DELAUNAY, K., Faire de la
santé un lieu pour l'histoire de l'Afrique : essai
historiographique, p. 5.
7 Van RIEL et JANSSENS, P.G., « Lutte contre les
endémo-épidémies », in Livre Blanc,
Bruxelles, ARSOM, tome II, 1962, p.919.
l'historienne Karine Delaunay qu'il est nécessaire d'
« envisager l'histoire des maladies et de la santé dans une
approche sociale, économique et politique en
Afrique»8.
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