Des obligations positives de l'état congolais face à la protection du droit à la vie de 2007-2009( Télécharger le fichier original )par Philémon MASUDI KANDOLO Université officielle de Bukavu - Mémoire de licence 2009 |
I.3. La détermination juridictionnelle des obligations positivesIl revient aux juges d'identifier les obligations positives qui incombent aux Etats. Une telle identification permettra alors de définir la portée de ces obligations positives, portée qui va au-delà de la seule dimension verticale des droits fondamentaux. I.3.1. L'identification des obligations positives La détermination des obligations positives peut susciter certaines interrogations. Création prétorienne, elles notent à la charge des Etats des devoirs auxquels ils n'auraient pas explicitement consentis. Dans certains cas, l'importance première de certains droits et telle que l'obligation de prévenir toute violation, de poursuivre et de sanctionner leurs auteurs incombe de façon quasi-naturelle à chaque Etat. Dans d'autres hypothèses, toutefois, l'identification des obligations positives sera un exercice moins facile pour le juge. La première hypothèse a trait au droit à la vie, au droit de ne pas subir de torture ou traitements inhumains ou dégradants, ainsi qu'à celui de ne pas être mis en esclave. La cour européenne des droits de l'homme a rappelé que ces droits étaient des valeurs fondamentales des sociétés démocratiques qui fondent le conseil de l'Europe (32(*)) limiter le respect aux droits fondamentaux aux seuls agissements directs des autorités de l'Etat, irait à l'encontre des instruments internationaux spécifiquement consacrés à ce problème et reviendrait à vider le contenu des obligations positives. Dès lors, il découle nécessairement de cette disposition des obligations positives pour le gouvernement (33(*)). C'est au nom d'une telle nécessité, nous semble-t-il que la cour a récemment étendu l'exigence des obligations positives à l'article 5 CEDH garantissant la liberté individuelle et la sureté. Cette extension du champ d'application (....) est faite au nom de la cohérence de la jurisprudence de la cour, (...) et à la nécessité d'assurer une protection efficace et complète de la liberté personnelle dans une société démocratique (34(*)). C'est cette même exigence de protection qui a permis au juge européen d'étendre les obligations positives découlant de l'article 2 ; garantissant le droit à la vie à des hypothèses des dispositions des personnes. La cour interaméricaine des droits de l'homme a également rappelé de façon explicite le caractère fondamental du droit à la vie et la nécessité de dégager en la matière des obligations positives (35(*)). Dans d'autres hypothèses, l'identification des obligations positives relève moins de l'évidence, et dans certains cas même, la distinction entre obligations positives et négatives ne prête pas à définition précise. Toutefois, afin de déterminer l'existence d'obligation positives, on s'appui sur la nécessité qu'il y a de ménager un juste équilibre entre l'intérêt général et les intérêts de l'individu, sans toutefois imposer un fardeau insupportable ou excessif aux Etats. La cour doit s'atteler à examiner les circonstances de fait de l'affaire. Il ressort de la jurisprudence européenne, in fine que, c'est au juge qu'il appartient de déterminer l'existence ou non d'obligations positives, cette détermination demeure à la discrétion du juge (36(*)). Afin de contrer toute critique, il semblerait que la cour européenne des droits de l'homme se réfère aux principes communs aux Etats parties à la convention. Cette interprétation consensuelle fait cependant dire à F. SUDRE que c'est de façon opportune que la cour se tourne vers les principes communs (37(*)). En filigrane, comme le dit AKONDJI KOMBE, les obligations positives se caractérisent avant tout par ce qu'elles exigent concrètement des autorités nationales : « prendre des mesures nécessaires » à la sauvegarde d'un droit ou plus précisément, adopter des mesures raisonnables et adéquates pour protéger les droits de l'individu (38(*)). II. Fondements et enjeux des obligations positives
Les droits fondamentaux sont traditionnellement perçus comme droits subjectifs de défense contre l'Etat. Ils interdisent à ce dernier à s'immiscer arbitrairement dans la sphère privée des individus. Le pouvoir public endosse une obligation négative. Les obligations positives se distinguent des directives constitutionnelles (droits sociaux, sécurité des personnes et de leurs biens, protection de l'environnement) qui prescrivent à l'Etat la réalisation de certaines buts, mais qui ne peuvent justifier les droits objectifs. Elles trouvent leur fondement dans la conception objective des droits. Ceux-ci sont des valeurs qui dominent toutes les branches du droit, notamment l'ensemble du droit privé et impose aux pouvoirs publics de garantir l'effectivité des droits. Dans ses relations avec les particuliers ; ces obligations valent aussi pour le cas où une personne a disparu dans les circonstances pouvant être considérées comme représentant une menace pour la vie. L'Etat doit aménager le droit de manière la plus propice à la liberté (ainsi, il endosse une obligation de promotion), il est également tenu de protéger les droits des uns contre les atteintes des autres (obligations de protection). A ce devoir correspond un droit subjectif de l'individu à ce que l'Etat réunisse les conditions matérielles et juridiques lui permettant d'exercer effectivement ses droits. Les obligations positives s'adressent essentiellement aux législateurs, compétents pour prendre des décisions, lois essentielles dans le domaine des droits fondamentaux (39(*)). Avec les obligations positives, le juge vise l'abstention coupable de l'Etat, coupable elle c'est, soit en raison de l'omission propre de l'Etat, soit parce que sa passivité a facilité l'action des personnes privées, actions contraires aux exigences normatives. Dans la première hypothèse, l'obligation d'agir de l'Etat implique l'adoption des réglementations ou d'actes matériels afin de garantir les droits consacrés dans les textes (40(*)). Quant à leur objet, les obligations positives se caractérisent par le fait -comme dit ci haut - quelles imposent aux Etats de veiller, par des mesures pratiques ou juridiques (législatives, administratives, judiciaires) adéquates, à ce que des violations des droits de l'homme garantis ne soient pas commises, jusque et y compris dans les relations entre les personnes privées et qu'elles soient éventuellement réparées (41(*)). Quoi qu'il en soit, les obligations positives tendent essentiellement à assurer les conditions matérielles et juridiques concrètes d'une jouissance réelle des droits que protège la convention (42(*)). * 32J.-F. AKONDJI- KOMBE, Op. Cit., p.22. * 33 C'est nous qui soulignons * 34 F. SUDRE, « Chronique droit de la convention européenne des droits de l'homme » JCPG 2005, I 195, p.1452. * 35Pour ces 2 juridictions : « (....) les obligations procédurales (....) s'étendent aux affaires relatives à des homicides volontaires résultats de recours à la force par des agents de l'Etat, mais ne se bornent pas à elle. Mais la cour estime que ces obligations valent aussi pour le cas où une personne a disparu dans les circonstances pouvant être considérées comme représentant une menace pour la vie. * 36 F. SUDRE, Op. Cit., 7e éd., PUF, 2015, § 166. * 37 F. SUDRE, Op. Cit., 7e éd., PUF, 2015, § 166, p.170. * 38 J.- F AKONDJI KOMBE, Op. Cit., p.7. * 39 A. M. MURGILA, Op. Cit. p.7. * 40 S. PAVAGEAU, Op. Cit., p. 222. * 41 F. TULKENS, Op. Cit., p.4. * 42 J. - F. AKONDJI - KOMBE, Op. Cit., p.10. |
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